1/ Le caractère injustifié des licenciements économiques prononcés à la suite d’une faute de l’employeur.
Le licenciement pour motif économique repose par principe sur un motif non inhérent à la personne du salarié.
Il doit être justifié par :
- Une cause économique,
- Ayant des conséquences sur l’emploi,
- Et par l’impossibilité de reclasser les salariés concernés par la mesure.
Cette cause économique peut résulter :
- De difficultés économiques,
- De mutations technologiques,
- D’une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité,
- Ou d’une cessation d’activité.
Les conséquences sur l’emploi sont quant à elle de trois ordres :
- Suppression d’emploi,
- Transformation d’emploi,
- Ou modification du contrat de travail refusée par le salarié.
Si l’employeur est seul décisionnaire de ses choix de gestion, son comportement peut néanmoins être pris en compte par les juges pour apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé.
Les juges peuvent ainsi retenir l’existence d’une légèreté blâmable de l’employeur, d’une faute de gestion ou son attitude frauduleuse pour invalider les licenciements [1].
Il en va ainsi quelle que soit la cause économique à l’origine des licenciements.
Dès lors, si l’attitude fautive de l’employeur conduit à la fermeture de tout ou partie de ses activités, prononcée par décision administrative ou judiciaire, alors celui-ci ne pourra pas valablement licencier ses salariés pour motif économique en raison de la cessation d’activité ou des difficultés économiques rencontrées du fait de cette fermeture.
A titre d’exemple, est sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique prononcé pour cessation d’activité alors que celle-ci est due à la fermeture de l’hôtel employeur du salarié, elle-même ordonnée en justice à titre de condamnation pénale pour des faits de tolérance habituelle de la prostitution [2].
De même, la cessation d’activité d’un centre éducatif ne saurait constituer un motif économique de licenciement valable dès lors qu’elle est consécutive à un arrêté préfectoral de fermeture totale et définitive justifié par un rapport d’inspection ayant relevé de très graves dysfonctionnements dans la gestion et l’organisation du centre susceptibles d’affecter la prise en charge et l’accompagnement des personnes accueillies [3].
2/ Les difficultés économiques, la réorganisation ou la cessation d’activité ne peuvent pas justifier des licenciements pour motif économique si elles font suite à une décision administrative ou judiciaire de fermeture sanctionnant l’atteinte portée à l’environnement.
Au vu de ce qui précède, il faut considérer que les licenciements économiques seraient pareillement invalidés si la décision administrative ou judiciaire de fermeture était justifiée par une violation du plan local d’urbanisme (PLU) et notamment des règles relatives à la protection de l’environnement, par exemple dans l’hypothèse d’une construction dans une zone naturelle.
Un arrêt récent de la Cour de cassation confirme ce raisonnement [4].
En l’espèce, les codirecteurs d’un centre de vacances avaient été licenciés pour motif économique en raison des difficultés économiques rencontrées par l’entreprise.
Or ces difficultés économiques étaient consécutives à une cessation partielle de l’activité qui résultait d’un arrêté municipal ayant ordonné la fermeture immédiate de la partie camping de l’établissement, installée sans autorisation dans une zone où les terrains de camping et de caravaning sont interdits, en contravention aux règles locales d’urbanisme.
La Cour de cassation rappelle que la faute de l’employeur à l’origine des difficultés économiques est de nature à priver de cause réelle et sérieuse le licenciement consécutif à ces difficultés.
La cessation partielle d’activité à l’origine des difficultés économiques rencontrées par la société résultait bien d’agissements fautifs de l’employeur.
Les licenciements prononcés en raison de ces difficultés économiques sont donc sans cause réelle et sérieuse.
Il en irait certainement de même dans l’hypothèse d’une fermeture qui ferait suite à une catastrophe naturelle prévisible, par exemple si l’établissement a été implanté en zone inondable en violation du PLU, a fortiori sans permis de construire.
Face au changement climatique et au nombre croissant de catastrophes naturelles qu’il engendre (inondations, feux de forêt, glissements de terrain, etc.), la faute ou la légèreté blâmable de l’employeur pourrait donc être plus fréquemment retenue en cas de licenciements économiques faisant suite à une fermeture de site dans un contexte de catastrophe naturelle.
Un exemple supplémentaire que les enjeux environnementaux, sociaux et économiques sont inextricablement liés.