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  • 1re Parution: 27 septembre 2023

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Partage de la valeur dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Si, compte-tenu de leur modèle, les entreprises de l’économie sociale et solidaire sont éloignées des dispositifs de partage de la valeur, une obligation de mettre en place un tel dispositif devrait être expérimentée pendant 5 ans dans certaines d’entre elles, à compter de 2024.

I. L’exclusion des entreprises de l’économie sociale et solidaire de l’ANI relatif au partage de la valeur.

L’accord national interprofessionnel (ANI) du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise définit le partage de la valeur comme : « a répartition juste et optimale des richesses créées entre les différentes parties prenantes pour à la fois davantage d’efficacité économique […] créer des emplois de qualité et augmenter le pouvoir d’achat ».

L’objectif visé par les partenaires sociaux signataires de l’ANI est donc un objectif fort et engagé de partage des richesses.

Le projet de loi qui transpose cet ANI prévoit notamment, à titre expérimental et pendant une durée de 5 ans à compter de la promulgation de la loi, que les entreprises d’au moins 11 salariés qui ont réalisé un bénéfice net fiscal au moins égal à 1% du chiffre d’affaires pendant 3 exercices consécutifs et qui ne sont pas tenues de mettre en place un régime de participation (moins de 50 salariés) doivent, au cours de l’exercice suivant :

  • Soit mettre en place un régime de participation ou d’intéressement ;
  • Soit abonder un plan d’épargne salariale ;
  • Soit verser la prime de partage de la valeur.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux entreprises de l’économie sociale et solidaire.

En effet, l’ANI est un accord signé au niveau national interprofessionnel, avec les organisations patronales représentatives à ce niveau, c’est-à-dire le Medef (Mouvement des entreprises de France), la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) et l’U2P (Union des entreprises de proximité).

Les entreprises de l’économie sociale et solidaire ne sont pas représentées par ces organisations mais par une organisation multi-professionnelle, l’UDES (Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire), qui n’est pas signataire des ANI.

Les entreprises de l’économie sociale et solidaire étaient donc exclues des dispositions de l’ANI, et n’étaient pas non plus prises en compte par le projet de loi initial qui transposait l’ANI, déposé le 24 mai 2023.

Mais un amendement n°399 déposé le 26 juin 2023 a ajouté un article 3 bis au projet de loi afin d’étendre ses dispositions aux entreprises de l’économie sociale et solidaire.

II. L’introduction dans le projet de loi d’un dispositif expérimental applicable aux entreprises de l’économie sociale et solidaire.

La loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 définit l’économie sociale et solidaire comme un mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé qui remplissent un certain nombre de conditions cumulatives.

Ces conditions sont les suivantes :

  • Un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ;
  • Une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, prévoyant l’information et la participation, dont l’expression n’est pas seulement liée à leur apport en capital ou au montant de leur contribution financière, des associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l’entreprise ;
  • Une gestion conforme aux principes suivants :
    • Les bénéfices sont majoritairement consacrés à l’objectif de maintien ou de développement de l’activité de l’entreprise ;
    • Les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées.

L’exposé de l’amendement n°399 explique que : « ces entreprises dégagent non pas des bénéfices mais des excédents au capital, et obéissent aux principes de non-lucrativité ou de lucrativité limitée, leur rentabilité étant mise au service de la finalité sociale et la distribution des excédents limitée ».

Il en conclut que : « Si les entreprises de l’économie sociale et solidaire associent très largement les salariés via la gouvernance démocratique, leur modèle ne permet donc pas de les associer à la performance de l’entreprise ce qui fait qu’elles restent éloignées des dispositifs de partage de la valeur ».

Ces constats résultent également de rapports antérieurs, et notamment du rapport d’information n°1088 qui avait été déposé à l’Assemblée Nationale par la commission des finances en avril 2023 en conclusion des travaux d’une commission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise.

Le nouvel article 3 bis vise donc à expérimenter une obligation de partage de la valeur dans les entreprises de l’ESS, dans les conditions suivantes : pendant une durée de 5 ans à compter de la promulgation de la loi, et lorsqu’un accord de branche étendu le permet, les entreprises de l’économie sociale et solidaire employant au moins 11 salariés qui ne déclarent pas de bénéfice net fiscal et qui ont réalisé un résultat excédentaire au moins égal à 1% de leurs recettes pendant 3 exercices consécutifs, devront au cours de l’exercice suivant :

  • Soit mettre en place un dispositif d’intéressement ;
  • Soit abonder un plan d’épargne salarial ;
  • Soit verser la prime de partage de la valeur.

Plusieurs conditions sont donc posées pour que l’entreprise soit assujettie à cette obligation :

  • Un accord de branche étendu doit le prévoir ;
  • L’entreprise doit avoir au moins 11 salariés ;
  • Elle ne doit pas déclarer de bénéfice net fiscal ;
  • Elle doit avoir réalisé un résultat excédentaire au moins égal à 1% de ses recettes pendant 3 exercices consécutifs.

Les entreprises concernées par ces dispositions sont celles mentionnées au 1° du II de l’article 1er de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, c’est-à-dire les personnes morales de droit privé constituées sous la forme de coopératives, de mutuelles ou d’unions relevant du code de la mutualité ou de sociétés d’assurance mutuelles relevant du code des assurances, de fondations ou d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou, le cas échéant, par le code civil local applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Ne sont pas soumises à l’obligation susvisée :

  • Les entreprises dans lesquels l’un de ces trois dispositifs est déjà mis en œuvre et s’applique au titre de l’exercice considéré,
  • Les entreprises qui mettent en application un régime de participation au titre de l’exercice considéré.

Cette obligation devrait s’appliquer aux exercices ouverts après le 31 décembre 2023. L’appréciation de la condition relative à la réalisation d’un résultat excédentaire s’apprécierait donc pour l’exercice 2024 sur les exercices 2021, 2022 et 2023.

Le projet de loi a été transmis au Sénat le 29 juin 2023.

Marie Petit, Avocate en droit du travail,
Barreau de Paris.

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