Noëlle Lenoir : « Le XXème siècle fut celui de l’atome. Le XXIème siècle pourrait être celui du gène et du vivant » [1].
Depuis le début du XXIème siècle en effet, les découvertes, les avancées dans le domaine du gène et du vivant sont légion. Utilisant la science comme son outil favori, le chercheur a peu à peu réussi des exploits que personne n’aurait pu imaginer.
Face à cela, le législateur essaie autant que possible d’encadrer, de légiférer. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale déjà, les abus perpétrés en matière de recherche sur l’homme ont conduit la communauté à prendre position pour qu’une telle barbarie ne puisse se reproduire [2].
Par la suite, diverses conventions internationales ont été élaborées. En 1997, deux conventions majeures ont été adoptées : La convention d’Oviedo sur les Droits de l’Homme et la biomédecine qui consacre la protection des Droits de l’Homme et la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine ; et la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’Homme de l’Unesco.
En France, les prémisses de l’encadrement de la recherche sur l’être humain ont été posées avec la loi Huriet-Sérusclat de 1988. Avant cette loi, spécifiquement pendant la période post Seconde Guerre mondiale, toute recherche médicale non directement destinée à soigner un malade était considérée comme illicite et susceptible d’entraîner, pour le chercheur, une condamnation pour coups et blessures ou administration de substances nuisibles [3].
Par la suite, et notamment depuis 1994, diverses réformes sont intervenues. Après les lois de bioéthique de 1994, le législateur a adopté la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique. C’est le Code de la Santé Publique qui subissait des modifications le 25 mai 2016. La recherche sur l’embryon, notamment humain n’échappe pas à cet encadrement assez évolutif.
L’embryon est défini comme cet être humain pendant les 8 premières semaines de son développement à l’intérieur de l’utérus, ou en éprouvette puis dans l’utérus lors de la fécondation in vitro.
Comment le législateur français réglemente-t-il la recherche sur l’embryon ?
La réponse à cette question se fera par le biais d’une analyse binaire : La première partie sera consacrée à la réglementation de la recherche sur l’embryon humain entre autorisations, interdictions et considérations d’ordre éthique (I) ; la seconde partie mettra en exergue les sanctions en cas de non respect de la réglementation (II).
I- L’encadrement de la recherche sur l’embryon humain entre autorisations, interdictions et considérations d’ordre éthique.
Dans le cadre de la recherche sur l’embryon, une distinction est faite entre les recherches sur deux types d’embryons spécifiques : les embryons surnuméraires (A) ; et les recherches sur les autres embryons (B).
A- Le cas spécifique des embryons surnuméraires.
Un embryon surnuméraire est un embryon conçu lors d’une fécondation in vitro dans le cadre d’une procréation médicalement assistée. Ces embryons peuvent être congelés sur demande écrite des parents, afin d’être implantés plus tard dans l’utérus de la mère. S’ils ne font plus l’objet d’un projet parental et si les parents y consentent, les embryons surnuméraires peuvent faire l’objet de recherche sur les cellules souches sous certaines conditions, selon la loi française de bioéthique de 2011.
1- D’un régime d’autorisation par l’Agence de la biomédecine à un simple régime de déclaration préalable.
Les différents textes en vigueur jusqu’en Juillet 2020 :
Loi du 06 Août 2004 relative à la bioéthique : l’interdiction assortie de dérogations :
Loi du 06 Août 2013, autorisation sous conditions :
- Conditions d’octroi d’un protocole de recherche par l’agence de la biomédecine : 1- la pertinence scientifique de la recherche est établie ; 2- la recherche s’inscrit dans une finalité médicale ; 3- en l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires.
- Respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon.
Depuis l’adoption du projet de Loi relatif à la bioéthique du 31 Juillet 2020, les recherches sur les cellules souches embryonnaires passent d’un régime d’autorisation par l’Agence de la biomédecine à un simple régime de déclaration préalable.
Par ailleurs, une durée limite de 14 jours est fixée pour la culture in vitro des embryons humains inclus dans un protocole de recherche (embryons surnuméraires provenant d’un couple n’ayant plus de projet parental et ayant consenti à les proposer à la recherche).
2- Les questions d’ordre éthique.
Bataille virulente depuis les lois Bioéthique de 1994.
Les diverses positions :
Constitution : Silence - Rien relativement à la recherche sur l’embryon.
Comité consultatif national d’éthique :
- Avis de 1984 : l’embryon humain, s’il n’est pas une « personne », doit néanmoins être considéré comme une « personne humaine potentielle » et doit, à ce titre, faire l’objet d’un respect particulier.
Cour de justice de l’Union européenne : décision du 18 octobre 2011 : estime qu’elle n’est pas appelée à aborder des questions de nature médicale ou éthique.
Conseil constitutionnel :
- Décision du 27 Juillet 1994 : "l’absence d’application aux embryons du principe de tout être humain dès le commencement de la vie n’est pas contraire à la constitution".
- Prudence dans sa décision du 27 juin 2001"à partir de quel stade de la gestation y a-t-il personne humaine disposant du droit à la vie ?"
- 1er août 2013 : le Conseil constitutionnel se prononce pour la première fois
En France, les recherches ainsi menées ne peuvent avoir que des fins médicales
Notre cadre juridique ne méconnait pas le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
B- La réglementation faite par le Code de la Santé Publique et de la code de la recherche sur les autres embryons.
Le code de la recherche, article L224 du Chapitre 4 du titre II relatif à la recherche en médecine et biologie humaine met en relief l’encadrement fait dans le Code de la Santé Publique ;
Le chapitre unique du titre V encadre cette recherche, notamment l’article L2151, des alinéas 1 à 8 ;
Des lois de la bioéthique de 2004 au 26 Janvier 2016 et le code de la santé publique.
1- Les interdictions inhérentes au clonage thérapeutique.
Les interventions ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée ;
La conception in vitro d’embryon, la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche ; la création d’embryons transgéniques ou chimériques ; la conception, la constitution par clonage d’embryons humains à des fins commerciales ou industrielles ; toute constitution par clonage d’un embryon humain à des fins thérapeutiques.
2- Les éventuelles autorisations : les considérations éthiques.
Des débats sur l’opportunité d’ouvrir des recherches médicales : Proposition infructueuse de loi pour l’autorisation sous conditions le 25 Mai 2005 par l’ancien ministre de la Recherche, Roger-Gérard Schwartzenberg soutenant que « prohiber le transfert nucléaire, comme le fait la loi du 6 août 2004, est préjudiciable au droit des malades à être soignés. Ceux-ci ont le droit de voir les recherches progresser et développer de nouvelles thérapies réellement efficaces, susceptibles de leur apporter des chances de guérison ».
Débat sur le statut juridique de l’embryon : Patricia Hennion-Jacquet relevait que :
« les débats relatifs au clonage thérapeutique (...) sont alimentés comme l’est un fleuve par ses affluents : ils sont rendus bouillonnants par l’espoir et la demande des malades, les promesses des chercheurs, les opposants à l’utilisation de l’embryon, les défenseurs de l’éthique, les gains qu’espèrent les laboratoires, les banques de cellules, et les médias » [4].
II- Les rudes sanctions en cas de non respect des règles prescrites.
Le Code de la Santé Publique, dans les alinéas 1 à 8 de l’article L2163 met en exergue les sanctions prévues par le législateur dans le code pénal. Ces sanctions naviguent entre amendes et peines d’emprisonnement.
Peines principales :
Intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée : trente ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d’amende ;
Dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende sanctionnent le fait de se prêter au prélèvement de cellules ou de gamètes, dans le but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne, vivante ou décédée ;
La conception in vitro ou à la constitution par clonage d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales, thérapeutiques ou de recherche est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.
Peines complémentaires :
L’interdiction, pour une durée de dix ans au plus, d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice de laquelle ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise ;
L’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal ;
Les peines prévues par l’article 131-39 du même code.
L’analyse de la réglementation de la recherche sur l’embryon en France permet de constater la réglementation de la recherche sur les embryons surnuméraires réduite à une simple déclaration préalable ; la recherche sur les autres embryons faite d’interdictions relatives au clonage thérapeutique. Dans un cas comme dans l’autre, subsistent des questions d’ordre éthique et le législateur n’hésite pas à sanctionner le non respect des prescriptions.
Gérard Mémeteau [5] résumait cette situation en disant :
« A quoi bon parler d’éthique s’il n’y a que la réponse adaptée sans cesse à des besoins nouveau de la recherche ? A quoi bon parler de droit s’il n’y a que l’enregistrement par un législateur des demandes présentées par des savants ? »
Ignorer les risques liés à la recherche sur l’embryon humain serait une faute, les maîtriser est une nécessité. En tout état de cause, « Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté » [6] pour concilier les intérêts économiques, l’éthique, la recherche afin d’éviter toute dérive.