Salariés, employeurs, indépendants, bailleurs : les conséquences du passage au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Par Raphael Tedgui, Avocat.

Salariés, employeurs, indépendants, bailleurs : les conséquences du passage au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Par Raphael Tedgui, Avocat.

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L’article 60 de la loi de finances pour 2017 a mis en œuvre le prélèvement à la source à compter du 1e janvier 2018 et bouleversé les modalités de recouvrement de l’impôt sur le revenu. Cette réforme concernera directement ou indirectement la quasi-totalité des contribuables et a été réalisée dans l’objectif de rapprocher la date de perception d’un revenu du paiement de l’impôt (principe de contemporanéité de l’impôt).

Présentation du mécanisme et de ses impacts.

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Champ d’application

Le prélèvement s’appliquera sur les revenus suivants :
- Salaires, pensions, rentes viagères, rémunérations de gérants et associés ;
- Bénéfices industriels et commerciaux (BIC), professionnels ou non, bénéfices non commerciaux (BNC) et bénéfices agricoles (BA) ;
- Revenus fonciers.

Les revenus suivants seront placés hors champ du prélèvement :
- Revenus de capitaux mobiliers perçus à compter de 2018 ;
- Les plus-values mobilières et immobilières.

Forme du prélèvement

Le prélèvement à la source prendra la forme d’une retenue à la source pour les revenus versés par des tiers (employeurs, caisse de retraite, administration …), soit les salaires, pensions (à l’exception des pensions alimentaires), rentes viagères à titre gratuit, mais également pour les salaires de source étrangère imposable en France lorsqu’ils sont versés par un débiteur établi en France uniquement (lorsque le débiteur est établi hors de France, ils sont soumis à l’acompte).

Il prendra la forme d’un acompte prélevé automatique par le fisc pour les BIC, BNC, BA, les revenus fonciers, les rentes viagères à titre onéreux, les pensions alimentaires.

Assiette du prélèvement

L’assiette de la retenue à la source (applicable aux traitements et salaires et assimilés) sera le montant brut des sommes versées, déduction faite des cotisations sociales et de la CSG déductible.

L’assiette de l’acompte contemporain (applicable au BIC, BNC, BA et revenus fonciers) sera le bénéfice de l’année N-2 jusqu’au dépôt de la déclaration des revenus de l’année N-1 et l’année N-1 à compter de cette date.

Taux du prélèvement

Le taux du prélèvement variera en cours d’année.

Il sera déterminé par référence aux données fiscales de l’année N-2 du 1e janvier au 31 août de l’année N et par référence aux données fiscales de l’année N-1 du 1e septembre au 31 décembre de l’année N.

En septembre N+1, les contribuables acquitteront le solde de l’impôt ou bénéficieront du remboursement du trop-perçu par l’État.

Il convient toutefois d’être vigilant sur le fait que le taux du prélèvement ne correspond pas au taux d’imposition des années antérieures.

En effet, le taux est calculé à partir des dernières informations connues, abstraction faite des réductions et crédits d’impôt qui s’imputeront uniquement au moment de la liquidation de l’impôt final.

La conséquence est que le taux de prélèvement sera supérieur au taux d’imposition, engendrant pour les contribuables une sortie de trésorerie plus importante.

Ainsi, en 2018, les contribuables seront amenés à avoir deux sorties de trésorerie, l’une correspondant aux divers réductions et crédits d’impôt (dons aux œuvres, investissement Pinel, services à la personne …) et l’autre correspondant aux prélèvements à la source.

L’option pour un taux de prélèvement par défaut

Dans l’hypothèse où l’administration fiscale n’est pas en mesure de communiquer au débiteur du prélèvement le taux propre au contribuable (primo-déclarant, taux de référence non déterminable…), un taux par défaut aura alors vocation à s’appliquer.

Ce taux se décompose en trois grilles de taux selon que le contribuable est domicilié en métropole ou dans un département d’outre-mer.

L’actualisation du taux de prélèvement

En cas de changement de la situation personnelle du contribuable, celui-ci aura la possibilité d’actualiser son taux de prélèvement dans les 60 jours de l’évènement (mariage, PACS, décès, naissance…).

La modulation du taux de prélèvement

Les contribuables disposent également de la faculté de moduler le taux du prélèvement, librement lorsqu’il s’agit d’une modulation à la hausse, et à la baisse, uniquement si l’impôt dû estimé par le contribuable est inférieur de plus de 10% et 200 euros à celui qui est estimé par l’Administration fiscale.
Cette modification sera prise en compte par l’Administration au plus tard le troisième mois qui suit celui de la demande.

Dans la mesure où le prélèvement ne tient pas compte des crédits et réductions d’impôts, la modulation ne peut être fondée sur la diminution d’impôt entrainée par lesdits crédits ou réductions d’impôt.

Des sanctions peuvent avoir vocation à s’appliquer en cas de modulation à la baisse trop importante (voir ci-dessous).

L’individualisation du taux

Le taux peut également être individualisé, c’est-à-dire que lorsque plusieurs personnes composent un unique foyer fiscal, il sera possible d’appliquer trois taux différents au sein du foyer.

Le premier taux sera applicable aux revenus ou bénéfices personnels perçus par le conjoint ou partenaire aux revenus les plus faibles, le second à celui disposant des revenus les plus élevés et le dernier, propre au foyer fiscal, applicable aux revenus communs (revenus fonciers …).

Cette mesure a été décidée afin de créer une opacité, vis-à-vis des employeurs, des gains globaux du foyer (dans la mesure où c’est l’employeur qui prélèvera directement la retenue à la source, et qui aura donc connaissance du taux de la retenue, qui lui sera communiqué par l’Administration).

Impact sur les employeurs

L’employeur devra appliquer le taux du prélèvement aux revenus de ses salariés, et reverser le montant prélevé dans les délais prévus pour les cotisations sociales.
Le taux sera appliqué sur le net fiscal.

L’entreprise devient la seule redevable du prélèvement à la source. Des sanctions peuvent alors s’appliquer (voir ci-dessous).

Impact sur les salariés

Le prélèvement à la source doit figurer sur le bulletin de salaire et servira de preuve d’acquittement vis-à-vis de l’Administration fiscale.

Les informations transmises à l’Administration par l’employeur seront portées à la connaissance des contribuables, via l’espace personnel du site impot.gouv.fr.

Le prélèvement à la source sera pré-renseigné sur la déclaration pré-remplie des revenus de l’année suivante.

Si l’employeur s’est abstenu de verser à l’Administration fiscale le montant de la retenue à la source, le contribuable salarié sera considéré comme libéré dès lors que la mention de la retenue figure sur son bulletin de salaire.

Sanctions

La sanction pour insuffisance de retenue à la source et la sanction déclarative du tiers collecteur ne peut être inférieure à 500 euros par déclaration.

Les sanctions sont les suivantes :
- Non-dépôt de la déclaration dans les délais prescrits : Amende de 10% des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, et 40% en cas de non-dépôt dans les 30 jours d’une mise en demeure ;
- Inexactitudes ou omissions : Amende de 5% des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, et 40% en cas de non-dépôt dans les 30 jours d’une mise en demeure ;
- Rétention délibérée du prélèvement à la source : Amende de 80% des retenues non versées et sanctions pénales si le retard excède 1 mois ;
- Retard de paiement : Majoration de 5% des retenues non versées dans les délais et application de l’intérêt de retard.
- En cas de modulation à la baisse trop importante (conditions des 10% et 200 €) : pénalité de 10% sur la différence entre le prélèvement qui aurait été fait en l’absence de modulation et celui réellement effectué, qui peut être majorée si le prélèvement effectué suite à modulation est inférieur de plus de 30% à celui dû en l’absence de modulation. Pour cette sanction, le contribuable peut néanmoins démontrer sa bonne foi quant à son erreur (clause de sauvegarde).

L’année de transition (année 2018 sur les revenus 2017)

Tous les revenus de l’année 2017 doivent faire l’objet d’une déclaration déposée normalement en 2018.

Les revenus qui entrent dans le champ du prélèvement à la source donneront lieu à un crédit d’impôt modernisation du recouvrement (CIMR), d’un montant égal à l’impôt dû (également applicable aux prélèvements sociaux).

Les revenus qui n’entrent pas dans le champ d’application du prélèvement à la source feront l’objet d’une imposition.

Afin d’éviter des abus consistant en la volonté de certains contribuables de se priver de revenus pour ne subir aucune imposition, l’Administration a fait en sorte que seul les revenus non exceptionnels entrent dans le champ d’application du CIMR, les revenus exceptionnels en état exclus.

Pour les traitements et salaires, ces revenus exceptionnels sont :
- Les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail, à l’exception des indemnités compensatrices de congé, des indemnités compensatrices de préavis, des indemnités de fin de contrat de travail à durée déterminée et des indemnités de fin de mission ;
- Les indemnités versées à l’occasion de la cessation des fonctions des mandataires sociaux et dirigeants ;
- Les indemnités versées ou des avantages accordés en raison de la prise de fonction de mandataire social (3e alinéa de l’article L 225-102-1 du Code de commerce) ;
- Les indemnités de clientèle, de cessation d’activité et de celles perçues en contrepartie de la cession de la valeur de la clientèle ;
- Les indemnités, allocations et primes versées en vue de dédommager leurs bénéficiaires d’un changement de résidence ou de lieu de travail ;
- Les prestations mentionnées à l’article 80 dedies du CGI ;
- Les prestations de retraite servies sous forme de capital ;
- Les aides et allocations capitalisées servies en cas de conversion ou de réinsertion ou pour la reprise d’une activité professionnelle ;
- Les sommes perçues au titre de la participation ou de l’intéressement et non affectées à la réalisation de plans d’épargne constitués ;
- Les sommes issues de la monétisation de droits inscrits sur un compte épargne-temps, pour celles correspondant à des droits excédant une durée de dix jours ;
- Les primes de signature et des indemnités liées aux transferts des sportifs professionnels ;
- Les gratifications surérogatoires, qui s’entendent des gratifications accordées sans lien avec le contrat de travail ou le mandat social ou allant au-delà de ce qu’ils prévoient, quelle que soit la dénomination retenue (vise essentiellement les primes discrétionnaires) ;
- Les revenus qui correspondent par leur date normale d’échéance à une ou plusieurs années antérieures ou postérieures ;
- Tout autre revenu qui, par sa nature, n’est pas susceptible d’être recueilli annuellement.

Une possibilité de rescrit est mise en place afin d’apporter une sécurité juridique lors de la déclaration des revenus au titre de l’année 2017, l’employeur pouvant demander à l’administration de prendre formellement position sur le traitement fiscal à certains éléments de rémunérations versés.

A défaut de réponse de l’administration dans un délai de trois mois, ce silence vaut acceptation tacite de la demande de l’employeur.

S’agissant des revenus fonciers, sont considérés comme exceptionnels, et donc non couverts par le CIMR :
- Les revenus qui ont une nature exceptionnelle (pas de porte, supplément de loyer résultant de l’attribution gratuite en fin de bail des aménagements effectués par le preneur…) ;
- Les revenus perçus en 2017, mais se rattachant à d’autres années que l’année 2017 ;
- Les réintégrations d’amortissements dans le cas de rupture d’engagement locatifs (dispositifs Périssol, Robien ou Borloo) ;
- Le revenu foncier issu de la régularisation en 2017 des provisions pour charges de copropriété déduites en 2016.

S’agissant des indépendants (BIC, BNC, BA) et les dirigeants, des règles particulières pour différencier les revenus exceptionnels ont été mises en place.

La loi prévoit de comparer le montant des recettes et revenus 2017 à la moyenne des 3 exercices précédents.

En conséquence, serait considéré comme exceptionnel tout revenu (ou bénéfice) excédant le plus élevé des revenus (ou bénéfices) imposables au titre des années 2014, 2015 ou 2016.

Les indépendants et dirigeants pourraient toutefois déroger à cette règle et obtenir un complément de CIMR, s’ils prouvent que l’excédent de revenus 2017 est justifié et ne résulte pas d’une optimisation de leur part.

Prescription

Compte tenu de l’année de transition, le droit de reprise est allongé et porté à 4 ans pour l’impôt sur le revenu dû au titre de 2017.

Cet allongement vise les revenus déclarés spontanément et pris en compte pour le calcul du CIMR mais également tous les autres revenus, susceptibles d’être imposables au titre de 2017.

Dispositions diverses

- La théorie de la « petite rétroactivité », en vertu de laquelle le fait générateur de l’impôt sur le revenu intervient au 31 décembre de l’année de réalisation des revenus, ne sera vraisemblablement pas remise en cause du fait de l’instauration de ce mécanisme, uniquement relative au recouvrement de l’impôt.
- Les particuliers employeurs sont considérés comme des employeurs dans le cadre de cette réforme et seront soumis au prélèvement. Le taux retenu devra être celui communiqué par le CESU.

Raphael TEDGUI
Avocat à la Cour
Membre de l\’Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF)
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