Pour rappel, excepté lorsque l’avis d’inaptitude mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur doit rechercher un poste de reclassement dans un délai d’un mois. Ce n’est qu’à défaut de pouvoir reclasser le salarié que son licenciement peut être mis en œuvre (art. L.1226-2 et L.1226-10 c. trav.). Les postes recherchés dans le cadre d’un reclassement doivent être aussi comparables que possible à l’emploi précédent. Cette recherche doit être sérieuse et loyale, envisageant tous les postes disponibles et compatibles avec les conclusions et les indications du médecin du travail (art. L.1226-2 et L.1226-10 c. trav.). Toutefois, une seule offre de reclassement peut suffire. L’employeur dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement (art. L.1226-2-1 et L1226-12 c. trav.).
Depuis le 24 septembre 2017, les recherches de reclassement doivent être opérées au sein de l’entreprise ou des autres entreprises du groupe, le cas échéant situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Le périmètre géographique de la recherche de reclassement est limité au territoire national même si l’entreprise dispose d’établissements à l’étranger.
Avis des délégués du personnel ou du Comité Social Économique
Les délégués du personnel ou le Comité Social Économique (CSE) doivent être consultés sur les propositions de reclassement. L’employeur doit leur transmettre les informations nécessaires à formuler leur avis (constat d’inaptitude, liste des postes disponibles, conclusions du médecin du travail, etc.). A défaut, l’obligation de consultation de ces représentants du personnel est irrégulière (cass. soc. 29 févr. 2012 n° 10-28848). Si l’employeur procède au licenciement sans les avoir consulté, voire irrégulièrement ou tardivement, il s’expose à devoir verser au salarié une indemnité minimale de 6 mois de salaire (au lieu de 12 mois avant l’intervention de la loi El Khomri du 8 août 2016). En cas d’inaptitude d’origine professionnelle, cette indemnité se cumule avec l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité spéciale de licenciement (art. L.1226-15 c. trav. ; cass. soc. 25 mars 2015, n° 13-28229).
L’avis rendu par délégués du personnel ou du Comité Social Économique, quel qu’il soit, ne justifie pas du respect de l’obligation de reclassement (cass. soc. 26 oct. 2010, n° 09-40972) ; peu importe qu’ils aient admis l’impossibilité de reclasser le salarié (cass. soc. 20 juill. 1994, n° 91-41420) ; le juge ne peut pas se fonder sur l’avis favorable des délégués du personnel pour conclure à l’impossibilité de reclassement et au bien-fondé du licenciement pour inaptitude (cass. soc. 6 mai 2015, n° 13-25727).
L’avis du salarié
Les employeurs interrogent souvent les salariés déclarés inaptes lorsque leur reclassement doit être recherché via un questionnaire pour recueillir leurs souhaits, et leur demander, notamment, de se prononcer par avance sur leur mobilité éventuelle, etc.
Dans le passé, les juges ne tenaient pas compte de ces informations. L’employeur ne pouvait limiter ses propositions de reclassement en fonction de la volonté présumée des intéressés de les refuser (cass. soc. 16 septembre 2009, n° 08-42301) ou du refus exprimé (cass. soc. 30 novembre 2010 n° 09-66687) ; notamment en cas de refus de mobilité sur le territoire national (cass. soc. 2 juillet 2014, n° 12-29552).
Or, dans une série d’arrêts rendus en novembre 2016, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en admettant désormais que l’employeur puisse prendre en considération les critères ou les limites que le salarié a exprimés en vue de son reclassement.
Dès lors, si un salarié se prononce à la légère sur un refus de mobilité, il risque de réduire ses possibilités d’être reclassé ou ses chances de succès en cas de contentieux prud’homal consécutif à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le juge pourra apprécier les efforts de l’entreprise en vue de reclasser son salarié à la lumière de ce nouveau principe d’ordre général dont la Cour souligne dans une note qu’il « a vocation à s’appliquer quelles que soient la taille de l’entreprise et son appartenance ou non à un groupe » (Note au format pdf).
Il a été jugé ainsi :
qu’une salarié inapte : « n’avait pas eu la volonté d’être reclassée au niveau du groupe, la cour d’appel a souverainement retenu que l’employeur avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement » (cass. soc. 23 novembre 2016, n° 15-18092) ;
« qu’ayant constaté que le salarié avait refusé des postes proposés en France en raison de leur éloignement de son domicile et n’avait pas eu la volonté d’être reclassé à l’étranger, la cour d’appel, qui a souverainement retenu que l’employeur avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision » (cass. soc. 23 novembre 2016, n° 14-26398) ;
« qu’ayant constaté que la salariée avait refusé des postes à Strasbourg et à Béziers au motif notamment qu’elle n’était pas mobile géographiquement et fait ressortir qu’elle n’avait pas eu la volonté d’être reclassée au niveau du groupe, la cour d’appel a souverainement retenu que l’employeur avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement » (cass. soc. 30 novembre 2016 n° 15-11062).
Un avis éclairé demande réflexion, surtout en ce qui concerne une mutation, un changement de domicile, peut-être de métier. Comment se prononcer définitivement par avance avec certitude en ignorant le contenu des propositions qui pourraient être faites ?
Le salarié devrait-il s’inspirer en quelque sorte de l’avertissement « Miranda » et notamment : du droit de garder le silence, et que dans le cas contraire, tout ce qu’il dira pourra et sera utilisé contre lui devant un tribunal et surtout du droit de consulter un avocat ? [L’avertissement « Miranda » médiatisé par les séries TV et les films américains est issu de la procédure pénale aux États-Unis (Cour suprême 1966, affaire Miranda v. Arizona)].