L’actualité du sport nous donne, une fois encore, l’occasion de réaffirmer que le droit du sport, s’il présente des spécificités unanimement admises, ne saurait déroger au droit commun du travail notamment. Ainsi en est-il du pouvoir disciplinaire du club employeur vis-à-vis de ses salariés sportifs.
Il n’est pas rare de lire déci-delà que tel joueur risque une sanction financière de son club pour avoir eu une altercation avec un coéquipier ou pour avoir jeté son maillot à la fin d’un match...
Il nous est donc apparu utile de présenter un éclairage juridique sur la notion de sanction pécuniaire interdite et les autres modes de sanction existant dans le monde du sport ayant des conséquences financières sur le joueur fautif.
I- La sanction pécuniaire : une pratique illicite
Le sportif professionnel étant lié à son club par un contrat de travail, le club employeur va exercer un pouvoir disciplinaire à l’égard de son employé conformément au Code du travail et de la Convention Collective Nationale du Sport ou de la convention de branche le cas échéant.
Il est du ressort de l’employeur d’édicter les règles que le salarié est tenu de respecter et l’échelle des sanctions applicables.
Aux termes de l’article L 1331-1 du Code du travail « Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».
Toutes les formes de sanctions ne sont cependant pas applicables. Il en est ainsi des amendes ou autres sanctions pécuniaires qui sont explicitement prohibées par le droit du travail. Une infraction à cette interdiction est punie d’une amende de 3750 €, portée à 7500 € en cas de récidive (article L 1334-1 du Code du travail).
La sanction pécuniaire peut s’entendre de toute mesure prise par l’employeur en raison d’une faute du salarié affectant directement ou indirectement sa rémunération et qui ne correspond pas à une période d’inactivité.
En pratique, la frontière entre les sanctions pécuniaires interdites et les diminutions de rémunération licites est parfois difficile à tracer.
II- Les retenues de salaires autorisées en cas de mise à pied disciplinaire
La sanction pécuniaire est donc prohibée mais la sanction disciplinaire ayant des répercussions pécuniaires est légale.
Les retenues sur salaire pour absence injustifiée ou retard sont licites dès lors que la retenue est strictement proportionnelle à l’absence. Un retard d’une heure entrainera une retenue de salaire d’une heure. Si la retenue excède le temps non travaillé, il s’agit d’une sanction pécuniaire interdite.
Une diminution de salaire consécutive à une mise à pied disciplinaire est licite. En effet, en cas de mise à pied disciplinaire, le travailleur n’effectuant pas sa prestation de travail, l’employeur peut opérer une retenue sur salaire correspondant à la période d’inactivité.
Au contraire, l’employeur ne peut pas prévoir dans le contrat de travail ni même dans le règlement intérieur de son entreprise une interdiction générale visant toute forme de retenue sur salaire (amende…) en raison d’une faute du salarié.
III- La pratique des sanctions pécuniaires en sport : une pratique encore répandue
S’il est possible pour une fédération sportive, grâce à son pouvoir disciplinaire qui lui vient de sa mission d’organisation des compétitions et grâce à la licence souscrite par le sportif, d’infliger une amende à celui-ci, il n’en est pas de même pour le club envers le sportif qui est son salarié.
On peut dès lors s’étonner de constater dans le sport, notamment dans le football, que certains clubs infligent des amendes à leurs joueurs pour les sanctionner en cas de faute alors qu’une telle pratique est pourtant illégale.
Les raisons qui justifient une telle pratique sont bien connues et dépendent de deux critères économique et sportif. En cette matière, les joueurs ne sont pas sur un pied d’égalité, le club tenant compte de son intérêt pour sanctionner plus ou moins sévèrement le sportif fautif.
En présence d’un joueur ayant une valeur marchande importante que l’on souhaite monnayer, le pouvoir disciplinaire de l’employeur ne peut aller jusqu’à la rupture du contrat de travail dans la mesure où le contrat ainsi rompu interdirait le transfert du joueur et entrainerait la perte de l’indemnité de transfert. Dès lors, la sanction la plus opportune envisagée par les clubs semble être l’amende.
Par ailleurs, le joueur qui apporte une plus-value sportive indispensable à son équipe ne risque nullement une mise à pied disciplinaire alors que celui dont les performances sont médiocres et qui fait "banquette" se verra aisément infliger une telle mesure.
En conséquence, en présence d’un joueur dont la valeur de transfert est dérisoire et dont les performances sont médiocres, le club respectera scrupuleusement le droit du travail, le risque de rupture risquant d’être l’objectif final du club qui préférera ainsi alléger sa masse salariale.
Le salarié sportif a la possibilité de contester la sanction ainsi infligée en demandant à son employeur de revenir sur sa position. En cas de refus du club, il pourra contester une telle sanction devant le Conseil des prud’hommes qui est seul compétent. Si le juge constate que la sanction est disproportionnée, irrégulière ou injustifiée, il pourra prononcer son annulation et accorder des dommages et intérêts au sportif lésé.
En pratique, il est rare de voir un sportif contester la sanction qui lui est infligée en cours de contrat encore moins devant les prud’hommes. En réalité, c’est au moment de la rupture de la relation de travail que l’abcès sera crevé. Le joueur lésé par la rupture ne manquera pas de solliciter l’annulation de la sanction abusive et réclamera réparation. Si le sportif est en position de faiblesse durant son contrat, il retrouve de la vigueur à l’issue de celui-ci.
Redouane Mahrach
Avocat à la Cour d’appel de Paris (www.avocat-sport.fr)
Emile Sachot
Juriste en droit du sport (www.avocat-sport.fr)