Sécuriser une occupation immobilière par le biais d'un contrat de prêt à usage. Par Elodie Tomasian, Juriste.

Sécuriser une occupation immobilière par le biais d’un contrat de prêt à usage.

Par Elodie Tomasian, Juriste.

Alternative au bail d’habitation ou à la constitution d’un droit d’usage et d’habitation, le prêt à usage peut être un outil pertinent lorsqu’il s’agit de sécuriser l’occupation d’un logement, par exemple dans un cadre familial.
Nous évoquerons ici certaines précautions à respecter afin de sécuriser l’occupation pour les deux contractants - propriétaire prêteur d’une part et emprunteur occupant d’autre part.

-

I. De quoi s’agit-il ?

Autrefois dénommé « commodat », le prêt à usage se définit comme le contrat par lequel une personne confie à une autre un bien afin que cette dernière s’en serve comme elle l’entend, à charge pour elle de rendre le bien après usage. Pour être valable, ce contrat doit être réalisé à titre gratuit, autrement dit sans contrepartie.

Lorsqu’il porte sur un logement, il consiste en une mise à disposition à titre gratuit du bien, laquelle doit être encadrée par des dispositions contractuelles particulières (ex. : fixation d’une durée, réalisation d’un inventaire en début de contrat, …).

Nous aborderons celles qui nous semblent les plus importantes.

II. Durée déterminée ou indéterminée ?

Comme pour la plupart des contrats en droit français, la durée du prêt à usage peut être déterminée ou indéterminée.

Si une durée déterminée (ex. : 5 ans) est fixée, il ne sera pas possible pour le prêteur de récupérer le bien avant, sauf à justifier d’un « besoin pressant et imprévu » et d’intenter une action en justice à cet effet devant le tribunal judiciaire compétent.

En revanche, si une durée indéterminée est prévue, la reprise ne pourra s’effectuer qu’après que le bien a servi à l’usage pour lequel il a été emprunté. Ceci est susceptible de créer une incertitude pour l’avenir, sauf à ce que le prêteur puisse se prévaloir d’un besoin pressant et imprévu dans les conditions évoquées plus haut.

Dans ce cas il est possible de prévoir pour le prêteur une reprise à tout moment sous réserve qu’il délivre un congé à l’emprunteur en respectant un délai de préavis raisonnable (ex. : 6 mois ou plus).

III. Objet et caractère personnel du droit.

Afin d’éviter toute difficulté dans l’interprétation des droits nés du prêt à usage, nous invitons à stipuler expressément l’objet de ce droit (ex. : usage à titre de résidence principale exclusivement, usage de tout ou partie du bien).

Par ailleurs, il paraît utile d’exprimer clairement le caractère personnel de ce droit pour éviter au décès du bénéficiaire une transmission à ses propres enfants, voire la possibilité d’une cession de son droit par le bénéficiaire à un tiers.

IV. Obligations de l’emprunteur.

La principale obligation de l’emprunteur est celle d’entretenir le bien objet du prêt pour être en mesure de le restituer en l’état où il avait été mis à sa disposition en début de jouissance. Pour cette raison, il est tenu des frais de conservation du bien, il ne peut donc demander le remboursement au prêteur des dépenses effectuées à ce titre.

Par exception, la dépense extraordinaire, nécessaire et tellement urgente que l’emprunteur n’a pas pu en prévenir le prêteur pourra donner lieu à remboursement par ce dernier.

Également, l’emprunteur a l’obligation d’assurer le logement afin de garantir sa bonne conservation.

En cas de dégradation du bien, l’emprunteur peut être redevable de dommages et intérêts dans les conditions de droit commun.

Il sera prudent de réaliser un état des lieux préalablement à la mise en place du prêt à usage ainsi que le versement d’une caution, le tout afin d’éviter toute difficulté d’appréciation et de réparation des dégradations éventuelles.

Également, il semble avisé de prévoir une déchéance du prêt pour défaut d’entretien, laquelle prendra la forme d’une clause résolutoire, ainsi que des modalités de contrôle de l’état et du bon usage du bien (ex. : autorisation de visite une fois par mois du bien).

V. Obligations du prêteur.

Le prêteur a l’obligation de remettre le bien à l’emprunteur - en pratique, il lui confiera les clés et le laissera en possession du logement.

La taxe foncière reste à sa charge sans remboursement possible par l’emprunteur, sauf à risquer une requalification en bail avec toutes les conséquences civiles et fiscales y attachées (ex. : déclaration des sommes perçues au titre des revenus fonciers ou encore droit de préemption du locataire en cas de vente, droit au renouvellement, blocage des loyers, …).

La taxe d’habitation est également à la charge du prêteur, mais un remboursement est possible par l’emprunteur s’il est prévu dans le contrat.

L’impôt sur la fortune immobilière reste à la charge du prêteur sans décote ni remboursement possible.

Il est à noter en outre que les charges assumées par le prêteur ne peuvent être déduites de ses revenus fonciers.

VI. Quelques précautions complémentaires à prendre.

Si l’établissement du contrat est possible par acte sous signature privée, il est possible de solliciter la rédaction d’un acte notarié afin de faire bénéficier le contrat des avantages liés à l’authenticité (date certaine, force probante et force exécutoire).
Dans ce cas, l’acte pourra être publié auprès du service de la publicité foncière, ce qui rendra l’acte opposable aux tiers.

En cas de recours à un contrat sous signature privée, il est recommandé de le faire enregistrer auprès du service des impôts compétent pour lui assurer date certaine.

Enfin, il nous semble nécessaire de prévoir une clause pénale en cas de maintien dans les lieux malgré la survenance du terme, laquelle prendra la forme d’une astreinte par jour de retard (ex. : 200 euros par jour de retard). Le montant pourra être fixé en fonction de la valeur locative réelle du bien.

Elodie TOMASIAN
Ambassadrice We Act, le 1er réseau de Clercs indépendants, formatrice juridique - Diplômée notaire

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

10 votes
Commenter cet article

Discussion en cours :

  • par Otavia SANTOS , Le 12 novembre 2024 à 16:00

    Bonjour Madame Tomasian,
    Votre article est très intéressant. Pensez-vous qu’il est possible de fixer des pénalités dues par l’emprunteur en cas de non-respect des obligations prévues au prêt à usage sans risquer une requalification en bail rural, par exemple ? Les pénalités suivent-elles le même régime que tout autre versement ? En vous remerciant.

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 050 membres, 27428 articles, 127 194 messages sur les forums, 2 520 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• [Exclusif] Notre interview de la Justice.

• Parution du Guide 2025 des études privées en Droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs