La valeur probante de l’enquête interne en harcèlement au travail.

Par Nathalie Leroy, Avocate.

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Explorer : # enquête interne # harcèlement au travail # preuve # licenciement

Comment l’enquête interne peut légitimer le licenciement d’un harceleur devant le conseil de prud’hommes ?

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Défendre un dossier de licenciement devant le conseil de prud’hommes nécessite de présenter des éléments de preuve objectifs permettant de démontrer le caractère réel des faits, mais également leur caractère sérieux.

Autrement dit, démontrer la véracité des griefs, ainsi que la proportionnalité de la sanction disciplinaire qui a été prise, le cas échéant, par l’employeur.

Au titre des éléments de preuve, l’enquête interne menée à la demande de l’employeur, tend aujourd’hui à faire foi devant le conseil de prud’hommes. En tous les cas, elle est de plus en plus présente dans les dossiers de harcèlement au travail, étant entendu qu’une telle enquête doit être menée en cas de dénonciation de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel au travail, à défaut, l’employeur engage sa responsabilité, manquant à son obligation de sécurité [1].

Classiquement, un dossier prudhommal repose sur les éléments de preuve fournis a posteriori par l’employeur, ce qui n’est pas toujours aisé pour les services des ressources humaines, qui doivent partir à la pêche pour rassembler des pièces, afin d’étayer le dossier prudhommal.

L’intérêt de l’enquête est donc de fournir au défendeur un dossier clé en main et ficelé avant que la décision de sanction soit prise, ce qui permet au service RH, comme à l’avocat de l’entreprise de gagner en efficacité.

Oui mais : cela implique que l’enquête a été réalisée de façon sérieuse et objective.

L’enquête doit être impartiale sans avoir été établie à charge, le principe de loyauté dans l’administration de la preuve devant prévaloir. L’enquête doit vérifier si les faits sont réels, ce qui permettra, le cas échéant, d’envisager la sanction adéquate.

Pour ce qui concerne les affaires de harcèlement au travail, il a été jugé que les enquêtes ne sont pas soumises aux dispositions de l’article L1222-4 du Code du travail [2]. L’enquête interne n’est donc pas considérée comme un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié (qu’il s’agisse d’une enquête internalisée ou externalisée) [3]. Et la Cour d’appel d’Amiens vient de réitérer cette position jurisprudentielle estimant que le salarié ayant pu s’exprimer lors de son entretien préalable, le principe du contradictoire a été respecté [4].

Le principe qui semble être dégagé y compris dans d’autres domaines que le droit du travail, est que l’enquête se doit d’ « être loyale de façon à ne pas compromettre irrémédiablement les droits de la défense » [5].

Reste que les enquêteurs devront veiller à ce que leur enquête soit impartiale, respectueuse de la vie privée, que la collecte des données est proportionnée au but recherché.

Dans de telles conditions, l’enquête interne présentera les premières garanties de sincérité et d’équilibre des droits indispensables à sa crédibilité.

Nathalie Leroy Avocate enquêtrice en harcèlement moral et sexuel au travail
www.her.eu.com et www.25ruegounod.fr

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Notes de l'article:

[1L4121-1 du Code du travail et C.A Montpellier Ch sociale 02 23 juin 2021 n°18/00774.

[2Cas sociale 17 mars 2021 n°18-25597.

[3Jurisprudence contraire pour ce qui concerne l’enquête externalisée Cass soc 26 janvier 2016 n°14-19002 [si la salariée n’avait pas été préalablement informée de la mission confiée par l’employeur à une société d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, elle n’avait pas été tenue à l’écart des travaux réalisés dans les locaux de la mutuelle], et Cas soc 15 mai 2001 n°99-42219 : [si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel durant le temps de travail, il ne peut, ainsi qu’il résulte de l’article L432-2-1 du Code du travail, mettre en œuvre un dispositif de contrôle qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés. Et attendu, d’abord, qu’ayant relevé que la société TFE avait fait appel, à l’insu du personnel, à une société de surveillance extérieure à l’entreprise pour procéder au contrôle de l’utilisation par ses salariés des distributeurs de boissons et sandwichs, la cour d’appel a décidé à bon droit que le rapport de cette société de surveillance constituait un moyen de preuve illicite] et par conséquent, l’enquête est un moyen de preuve loyal. Au terme de cette jurisprudence, le salarié visé par l’enquête n’a pas obligatoirement à être informé, ni même convoqué dans le cadre de l’enquête.

[4Cour d’appel d’Amiens, 5eme chambre prud’homale, 9 mars 2022, n° 21/00817.

[5CE 15 mai 2013 n°356054 ; 12 juin 2013 n°359245, Cass com 1er mars 2011 n°09-71252.

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