Burn out : les droits et obligations du salarié et de l’employeur.

Par Julie L’Hotel Delhoume, Avocat.

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Explorer : # burn-out # risques psychosociaux # obligations de l'employeur # droits du salarié

Le « burn out » est le syndrome d’épuisement professionnel. Il se caractérise par un ensemble de signes, de symptômes et de modifications du comportement en milieu professionnel : grande fatigue, troubles du sommeil, irritabilité, agressivité, ruminations, perte de concentration… Mais aussi des problèmes physiques comme pression respiratoire, maux de tête et d’estomac…

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Selon l’OCDE, le stress ou les tensions sur le lieu de travail ont régulièrement augmenté au cours de la dernière décennie. Actuellement, près de 2 salariés sur 10 seraient menacés de burn-out.
Cette augmentation serait la résultante d’une perte de sens de la valeur travail, d’un manque d’autonomie, de reconnaissance, une connexion continue grâce aux nouvelles technologies, d’une exposition à un stress permanent et prolongé …
Le diagnostic de cet état de fatigue classe cette maladie dans la catégorie des risques psychosociaux professionnels.

A - Que peut faire le salarié face à une situation de burn out ?

1/ Le salarié doit avant tout consulter son médecin traitant qui effectuera un bilan de santé, identifiera les causes - burn-out ou autre problème physique - les symptômes et décidera ou non d’un arrêt.

2/ Face au burn-out, le salarié peut/doit également réagir pour remédier à la situation mais également garantir ses droits.

Ces actions sont multiples et peuvent être conjointes :

  • Alerte et dénonciation de la situation auprès des collègues, du N+1, du service des ressources humaines ;
  • Rapprochement et information des institutions représentatives du personnel (délégué du personnel, CHSCT etc.) ;
  • Demande de visite auprès de la médecine du travail ;
  • Information le cas échéant de l’inspection du travail.

Lorsque le burn-out est la conséquence d’une situation de harcèlement moral, le Code du travail permet également au salarié victime de demander la mise en place d’une médiation sur le fondement de l’article L.1152-6 du Code du travail.

3/ Parallèlement, le salarié peut faire reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle.

La loi relative au dialogue social et à l’emploi, dite « loi Rebsamen », promulguée le 17 août 2015 constitue une étape supplémentaire vers la reconnaissance du burn-out en tant que maladie professionnelle. En effet, elle a complété l’article L.461-1 du Code de la Sécurité sociale qui dispose que « les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle ».
Le burn-out n’est pas désigné dans le tableau de maladies professionnelles. Le salarié doit prouver que sa maladie est directement liée à sa profession et exclusivement liée à sa profession et qu’elle l’a plongé dans un état de maladie le rendant, au moins partiellement, incapable de retravailler.

La reconnaissance doit être sollicitée auprès de la CPAM par l’envoi d’une déclaration sur formulaire « Déclaration de maladie professionnelle ou demande motivée de reconnaissance de maladie professionnelle », de certificats médicaux et du formulaire de demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

La CPAM évaluera ensuite le taux d’incapacité de travail du salarié. Si le taux d’incapacité de travail est supérieur à 25% et s’il y a un lien direct entre la maladie et le travail, la CPAM transmettra la demande de reconnaissance de maladie professionnelle au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Si la maladie professionnelle est reconnue, le salarié pourra bénéficier de la réparation de ses dommages corporels, de l’octroi d’indemnités journalières en cas d’interruption temporaire de travail et d’une rente en cas d’incapacité permanente.

4/ Enfin, le salarié pourra, dans certaines conditions, prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur ou saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire.

Dès lors que les manquements de l’employeur seront considérés comme revêtant une gravité suffisante, la rupture sera alors requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Une telle qualification ouvrira droit pour le salarié au paiement de son indemnité de licenciement (s’il dispose de plus d’un an d’ancienneté), de son indemnité de préavis et des congés payés afférents et de dommages et intérêts dont l’importance sera fonction des effectifs de la société, de l’ancienneté, des conditions de la rupture etc.

De même, le salarié en burn-out reconnu inapte par le médecin du travail et dont le reclassement s’avère impossible, pourra faire l’objet d’une mesure de licenciement pour inaptitude professionnelle.
S’il est démontré que l’inaptitude professionnelle a pour origine un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, le licenciement sera constitutif d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

B - Que doit faire l’employeur face à une situation de burn-out ?

Il appartient également et surtout à l’employeur de mettre en place les outils et mesures nécessaires pour prévenir les situations de burn-out.
En application de l’article L.4121-1 du Code du travail, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels ; 2° Des actions d’information et de formation ; 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

Dans le cadre du contrat de travail, l’employeur est en effet débiteur d’une obligation de sécurité, qui est une obligation de résultat.

Pour remplir cette obligation, ses outils sont nombreux et variés :

  • Mettre en place de groupes de travail paritaires représentatifs de toute l’activité de la structure pour prendre en compte les différentes dimensions et perceptions des facteurs de risque propres à chaque métier ;
  • Informer et former les travailleurs : faire connaître, faire savoir que le burn-out ne dépend pas de la « fragilité » ou, à l’inverse, du surinvestissement individuel dans le travail, lever les potentiels tabous sur le burn-out ;
  • S’assurer de la planification et de la prise des congés, des journées de réduction du temps de travail (RTT) et des temps de repos de l’ensemble des travailleurs ;
  • Planifier le travail suffisamment à l’avance, anticiper la modification des horaires de travail ;
  • Dialoguer avec les salariés sur les objectifs et estimer si les moyens pour les atteindre sont adaptés ;
  • Adapter les horaires de travail au mieux pour les rendre compatibles avec la vie familiale et sociale ;
  • Encadrer l’utilisation des technologies nomades (téléphone et ordinateur portables), mettre en place des dispositifs informatiques permettant de différer la réception de mails etc. ;
  • En cas de recours aux heures supplémentaires : établir une programmation de ces heures communiquée à l’avance lorsqu’il est possible de prévoir une hausse d’activité ; veiller à ce que le recours aux heures supplémentaires corresponde bien à un surcroît d’activité ; assurer la transparence du décompte des heures etc. ;
  • Mettre en place des entretiens individuels réguliers, sérieux et contradictoires ;
  • Éviter les postes de travail isolés etc.

Julie L’HOTEL DELHOUME
Avocat associé
Membre du Conseil de l\’Ordre des Hauts-de-Seine
CABINET 54
www.cabinet54.com

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Discussions en cours :

  • par Pierrick , Le 1er juillet 2018 à 21:37

    Bonjour et merci pour cet article intéressant et tellement d’actualité.
    Je suis salarié et les burn-outs, j’en ai vu un sacré paquet !
    J’en ai moi même amorcé un !...
    La réglementation "encourage" les entreprises si l’on peut dire a tenter de prévenir le burn-out (c’est bien la moindre des choses)... mais nulle obligation de résultat semble être attendu aussi bien de la sécu, ni de la médecine du travail, ni du ministère du travail, ni de personne, sauf des victimes !
    Pour vous donner une petite idée de l’ampleur du phénomène, j’ai travaillé et je travaille encore actuellement dans le BTP, dans ce secteur la règle est pour les etam embauchés au forfait d’exécuter 60/70h00 par semaine et ceci toute l’année !...
    Lors d’une visite médicale, j’ai abordé le sujet avec le médecin... celui ci m’a répondu ne pas être au courant des 3 burn-outs dont 3 collègues ont été victimes, ni du turn over chronique qui sevit dans l’entreprise !
    Impensable n’est ce pas ???
    Sauf que moi je pense que ce médecin ment... forcément il ment... des arrêts de 6 mois a un an nécessitent forcément une visite de reprise et je vois mal les salariés lui dire qu’ils ont eu une simple gastro...
    Face à des comportements comme celui là, les burn-outs ont un bel avenir. Aussi il est très étonnant de voir des organismes comme la sécu pourtant à l’heure des économies, accepter de payer sans broncher la casse !... De la à dire que rien n’est fait, il y a peu...

  • par BRET , Le 6 octobre 2016 à 16:08

    Une petite précision sur l’obligation de sécurité.
    Depuis l’arrêt du 25.11.2015 de la Cour de Cassation l’obligation de sécurité à la charge de l’employeur n’est plus une obligation de résultat mais une obligation de moyens renforcée.

    Jean-Marc BRET
    Avocat - Médiateur
    www.alagybret.com

  • par Florence BENSAID , Le 5 octobre 2016 à 08:52

    Merci pour cet aticle clair et pratique !

  • par ICARD André , Le 4 octobre 2016 à 17:31

    Bonjour,

    Votre article est très documenté, utile et de grande qualité.

    J’attends le prochain avec impatience.

    Bien à vous

    ICARD
    Avocat

    www.jurisconulte.net

  • par Manuelle PUYLAGARDE - Avocat , Le 4 octobre 2016 à 16:46

    A noter :

    - Droit à la déconnexion prévue par la loi Travail

    - A compter du 1er janvier 2017, l’entreprise doit négocier sur le droit à la déconnexion dans le cadre de la négociation annuelle "égalité professionnelle et qualité de vie"

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