Bons de livraisons : l’emprunteur enfin protégé.

Par Jean-Baptiste Rozès, Avocat.

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Explorer : # protection des emprunteurs # bons de livraison # responsabilité des prêteurs

L’article L. 311-32 du Code de la consommation dispose :

« En cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal, pourra, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. »

Il en est ainsi, à titre d’exemple, d’un contrat de pose de panneaux photovoltaïques dont la résolution ou la nullité a pour conséquence d’entrainer la caducité du contrat de prêt qui renvoie expressément à ce contrat de pose.

Les établissements de crédit vont très souvent se défendre en faisant valoir que les acquéreurs ont signé le bon de livraison, que ce bon de livraison vaut réception et que, dès lors, ces derniers sont irrecevables en leurs demandes.

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Ces bons de livraison établis par les organismes de financement sont rédigés dans le but d’empêcher les emprunteurs d’intenter ultérieurement un recours à leur encontre pour inexécution du contrat principal.

Or, très souvent ces bons de livraison sont signés dans des conditions très particulières, l’installateur, pressé de partir indiquant à l’acquéreur que ce document est destiné uniquement à signaler que les panneaux ont bien été posés.

L’acquéreur signe ainsi ce document le plus souvent sans jamais avoir vérifié que le matériel installé est effectivement en état de marche.

La jurisprudence en la matière a été jusqu’à très récemment redoutable.

Ainsi, dans un arrêt du 14 novembre 2001 (civ.1, n°99.15.690), la Cour de cassation (civ.1) avait jugé que l’emprunteur qui avait signé l’attestation de livraison et demande de financement était irrecevable à faire valoir qu’il n’avait pas obtenu satisfaction pour tenter de faire échec à la demande en paiement du banquier.

Dans un arrêt du 3 juillet 2013 (civ.1, n°12617.558), la Cour de cassation avait confirmé sa jurisprudence en allant jusqu’à préciser que les établissements n’avait pas à rechercher si les affirmations faites par l’emprunteur dans l’attestation de livraison et l’instruction sans réserve étaient exactes.

Dans un arrêt du 10 décembre 2014 (Cass. 1° civ., n°13-22.679), la Cour de cassation avait donné une lueur d’espoir aux emprunteurs en jugeant que le manque de précision dans une attestation de livraison ne permettait pas au prêteur de s’assurer de l’exécution complète du contrat principal et que par conséquent la banque qui libérait la totalité des fonds sur le seul fondement de cette attestation, commettait une faute excluant le remboursement du capital emprunté.

Dans un nouvel arrêt du 10 septembre 2015 (Cass. civ. 1, n°14.17772), la Cour de cassation a confirmé cet espoir donné aux emprunteurs.

Dans ce cas d’espèce, un établissement bancaire avait consenti un prêt destiné à financer l’acquisition et l’installation d’une éolienne vendue par la société France éoliennes ; les acquéreurs avaient assigné la banque aux fins de voir prononcer la résolution du contrat de vente et la caducité du contrat de prêt.

La Cour de cassation a jugé que le prêteur, qui a délivré les fonds au vendeur ou au prestataire de services sans s’assurer que celui-ci avait exécuté son obligation, commet une faute qui le prive de la possibilité de se prévaloir, à l’égard de l’emprunteur, des effets de la résolution du contrat de prêt, conséquence de la résolution du contrat principal.

La Cour de cassation en conclut qu’en toute hypothèse le prêteur, qui a délivré les fonds au vendeur ou au prestataire de services sans s’assurer que celui-ci avait exécuté son obligation, commet une faute qui le prive de la possibilité de se prévaloir, à l’égard de l’emprunteur, des effets de la résolution du contrat de prêt, conséquence de la résolution du contrat principal.

Naturellement en dépit de cet arrêt chargé d’espoir, nous ne pouvons que continuer de recommander à l’emprunteur de refuser de signer le bon de livraison proposé en se contentant d’écrire sur un autre document vierge que le matériel a été posé mais qu’il n’a pas été en mesure de s’assurer de son bon fonctionnement.

Jean-Baptiste Rozès
Avocat Associé
OCEAN AVOCATS
www.ocean-avocats.com

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