Le Conseil d’Etat précise l’interprétation du b) de l’article L 123-2 du Code de l’urbanisme.

Par Cyrille Tchatat, Avocat.

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Les auteurs du plan local d’urbanisme peuvent fixer une surface minimale à construire et un minimum de logement à réaliser dans le cadre de l’application du b) de l’article L 123-2 du Code de l’urbanisme.

CE 26 juin 2013 M. Nicolas, req. n° 353408

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Dans l’affaire visée en référence, le conseil communautaire de la communauté urbaine de Nantes Métropole avait par une délibération en date du 26 octobre 2007 approuvé le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de La Chapelle-sur-Erdre.

Le propriétaire de deux parcelles sur le territoire de cette commune, cadastrées section AN n° 511 et 513, affectées, par le PLU adopté d’une servitude de mixité sociale, établie en vertu de l’article L 123-2, b) du Code de l’urbanisme, et imposant la réalisation d’un programme de 43 logements environ, pour une SHON de 3200 m², dont 800 m² (onze logements environ) de logements sociaux devait saisir le Tribunal administratif de Nantes d’un recours en annulation de cette délibération du 26 octobre 2007.

Ledit Tribunal fit droit à sa demande en annulant ladite délibération pour le motif tiré de l’institution sur ses parcelles de cette servitude de mixité sociale.

Le Tribunal avait considéré :

« il résulte des dispositions précitées de l’article L. 123-2 du Code de l’urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant Engagement National pour le Logement, que le législateur a entendu habiliter les auteurs des plans locaux d’urbanisme, auxquels il appartient de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction, à réserver des emplacements destinés à la réalisation de programmes de logements permettant de développer l’offre locative sociale dans les quartiers déficitaires, et à fixer, pour ces programmes de logements, la part de la surface hors œuvre nette qui devra être affectée à la réalisation de logements à caractère social ; que cette habilitation législative, nécessaire dès lors que l’institution d’emplacements réservés est de nature à porter atteinte à la liberté fondamentale que constitue le droit de construire, ne saurait toutefois permettre aux auteurs du plan local d’urbanisme d’édicter en outre des prescriptions ayant pour objet ou pour effet d’imposer aux propriétaires, en cas de réalisation d’une construction, une surface hors œuvre nette minimale à construire, ainsi qu’un nombre minimum de logements à réaliser ; que, dans ces conditions, en tant qu’elles fixent, de manière indissociable, une surface minimale à construire et un nombre minimum de logement à réaliser sur les terrains grevés d’une servitude de mixité sociale, les dispositions du plan local d’urbanisme litigieuses contenues dans le document intitulé « 5.2.2 - liste des servitudes de mixité sociale » annexé au règlement du plan et auxquelles les auteurs de ce plan ont entendu, ainsi qu’il résulte des dispositions précitées de l’article UA 2 du règlement, conférer la même portée normative qu’à la servitude instituée sur le fondement des dispositions de l’article L. 123-2 b) du Code de l’urbanisme, sont entachées d’illégalité » (TA Nantes 12 octobre 2010 M. Jean Martial Nicolas, req. n° 0706949).

Cette position devait être censurée par la Cour administrative d’appel de Nantes au motif que :

« d’une part, qu’il résulte des dispositions de l’article L. 123-2 du Code de l’urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant Engagement National pour le Logement, telles qu’éclairées par les travaux préparatoires, que si le législateur a entendu introduire un d) permettant de délimiter des secteurs dans lesquels, “en cas de réalisation d’un programme de logements”, un pourcentage de ce programme devra être affecté à des catégories de logements locatifs, il a également entendu, par les dispositions plus contraignantes du b) issu de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000 qui subsistent, laisser aux auteurs des plans locaux d’urbanisme (PLU) le soin de définir eux mêmes, dans le respect des objectifs de mixité sociale, des “programmes de logements”, sur des emplacements réservés à cet effet ; que, d’autre part, les dispositions précitées du b) de l’article L. 123-2 du Code de l’urbanisme, si elles permettent de fixer un pourcentage de SHON qui devra être affecté à la réalisation de logements à caractère social, ne peuvent être regardées comme interdisant, par elles mêmes, aux auteurs d’un PLU de fixer, dans le cadre du programme de logements qu’ils définissent, la surface minimale totale à construire, ainsi que le nombre minimum de logements à édifier sur le terrain ainsi grevé de servitude ; qu’enfin un propriétaire a toujours la possibilité d’exercer le droit de délaissement prévu par les dispositions de l’article L. 123-17 du même Code, en exigeant de la collectivité publique, au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé, qu’elle procède à l’acquisition de ce bien ; que, par suite, c’est à tort que pour annuler sur ce point la délibération litigieuse du 26 octobre 2007, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance qu’en fixant, “de manière indissociable, une surface minimale à construire et un nombre minimum de logements à réaliser sur les terrains grevés d’une servitude de mixité sociale”, dans le document 5.2.2 annexé au règlement du plan, les auteurs du PLU de la commune de La Chapelle-sur-Erdre avaient excédé l’habilitation législative résultant de l’article L. 123-2 b) du code de l’urbanisme » (CAA Nantes 15 juillet 2011 Communauté urbaine Nantes métropole, req. n° 10NT02554).

C’est le raisonnement adopté par la cour que vient confirmer le Conseil d’Etat en jugeant :

« Considérant, en premier lieu, que, par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, le législateur a entendu doter les communes de prérogatives nouvelles pour favoriser, dans un but d’intérêt général, la prise en compte dans les documents d’urbanisme d’objectifs de mixité sociale ; qu’en particulier, l’article L. 123-2 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose : « Dans les zones urbaines ou à urbaniser, le plan local d’urbanisme peut instituer des servitudes consistant :/ (…) b) à réserver des emplacements en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu’il définit ; (…) » ; qu’en contrepartie de l’institution de ces servitudes d’urbanisme, les propriétaires concernés peuvent, conformément à l’article L. 123-17 du même Code, exiger de la collectivité au bénéfice de laquelle leur terrain a été réservé qu’il soit procédé à son acquisition ; que l’article R. 123-12 du même code dispose : « Les documents graphiques prévus à l’article R. 123-11 font également apparaître, s’il y a lieu :/1° Dans les zones U :/ (…)/c) Les emplacements réservés en application du b de l’article L. 123-2 en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements en précisant la nature de ces programmes. (…) » ;

3. Considérant que ces dispositions ont pour objet d’habiliter les auteurs des plans locaux d’urbanisme, d’une part, à définir dans les zones urbaines ou à urbaniser des programmes de logements répondant à des préoccupations de mixité sociale, dont les plans et les documents graphiques qui y sont annexés précisent la nature, et, d’autre part, à constituer, dans ces zones, des réserves foncières afin de permettre la mise en œuvre de ces programmes ; que les plans locaux d’urbanisme peuvent, à cette fin, imposer des contraintes précises à ces terrains et fixer notamment un pourcentage minimum de surface hors œuvre nette affecté à la réalisation des logements prévus par ces programmes ou un nombre minimum de logements à édifier, éventuellement en indiquant les catégories de logements concernés ; que les propriétaires peuvent, au demeurant, faire usage du droit de délaissement prévue par l’article L. 123-17 du Code de l’urbanisme ; qu’ainsi, en jugeant légale la fixation par le plan local d’urbanisme de La Chapelle-sur-Erdre de telles prescriptions, la cour n’a, par suite, pas entaché son arrêt d’une erreur de droit » (CE 26 juin 2013 M. Nicolas, req. n° 353408).

La solution dégagée par le conseil d’État a le mérite d’être claire, d’autant qu’elle n’était pas évidente s’agissant de la possibilité pour les auteurs d’un PLU de se prévaloir des dispositions du b) de l’article L 123-2 du Code de l’urbanisme pour imposer une surface hors œuvre nette (surface de plancher) minimale à construire, ainsi qu’un nombre minimum de logements à réaliser.

En premier lieu, il convient de souligner que la possibilité pour les auteurs d’un PLU de mettre en œuvre les dispositions du b) de l’article L 123-2 du Code de l’urbanisme est largement admis en droit.

Le Conseil Constitutionnel a considéré que les dispositions de l’article L. 123-2 nouveau du Code de l’urbanisme selon lesquelles dans les zones urbaines, le plan local d’urbanisme peut instituer des servitudes consistant à réserver des emplacements en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu’il définit, de même que la constitution de réserves foncières en vue de la réalisation de logements répondant à une préoccupation de mixité sociale visent un objectif d’intérêt général.

En outre, le Conseil a souligné « qu’en outre, lorsque l’une ou l’autre de ces servitudes est instituée, les propriétaires concernés peuvent, en application du deuxième alinéa de l’article L. 123-17 nouveau du Code de l’urbanisme, " mettre en demeure la commune de procéder à l’acquisition de leur terrain, dans les conditions et délais mentionnés aux articles L. 230-1 et suivants " ; que, par suite, les limitations apportées aux conditions d’exercice du droit de propriété par les servitudes critiquées ne revêtent pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit s’en trouvent dénaturés ; que le législateur n’a pas davantage créé de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques » (CC 7 décembre 2000 n° 2000-436 DC).

Et, de nombreuses Cours en ont validé le principe (voir notamment CAA Bordeaux 18 juin 2013 Commune de Ste-Eulalie, req. n° 13BX00550), la Cour administrative d’appel de Paris soulignant du reste, en réponse aux critiques du caractère inconventionnel de cette servitude de mixité sociale au regard de l’article 1er précité du premier protocole additionnel à la convention européenne susvisée, que :

« toutefois, eu égard d’une part aux garanties que présente la procédure d’élaboration du PLU, d’autre part au droit de délaissement dont disposent les propriétaires, prévu par les dispositions de l’article L. 123-17 du Code de l’urbanisme, par laquelle ils peuvent exiger l’acquisition de leurs terrains par le bénéficiaire de l’emplacement réservé, et enfin au caractère d’intérêt général du but de mixité sociale poursuivi, la mise en œuvre de ces dispositions ne peut, en tout état de cause, porter une atteinte excessive au droit au respect des biens, ces dispositions n’ayant pas pour finalité de priver une personne de la propriété d’un bien mais de réglementer le droit de construire » (CAA Paris 11 avril 2013 M. et Mme Calliez, req. n° 12PA00656

En second lieu, il apparaît en revanche que la solution selon laquelle l’article L 123-2 du Code de l’urbanisme permet d’imposer une surface hors œuvre nette (surface de plancher) minimale à construire, ainsi qu’un nombre minimum de logements à réaliser, n’était pas évidente.

En effet, la rédaction du b) de l’article L 123-2 du Code de l’urbanisme ne permettait pas, à elle seule de conclure que le PLU puisse autoriser de telles précisions, d’autant qu’à notre connaissance de nombreux PLU se bornent à fixer un pourcentage de la SHON (surface de plancher) des constructions, destiné au logement social.

C’est notamment le cas de la zone UG du PLU de Paris pour lequel la Cour administrative d’appel de Paris a jugé que :

« Considérant que la création, en application dispositions précitées, d’un emplacement réservé pour la réalisation de logements sociaux sur le site de la gare d’Auteuil est figurée sur les documents graphiques par la mention « LS 50 % », correspondant, aux termes de l’article UG 2.3 du règlement du PLU, à l’obligation de réaliser en habitation affectée au logement social 50 % de la surface hors-œuvre nette (hors rez-de-chaussée, sous-sol, constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif) ; que cette mention, qui renvoie aux catégories de logements sociaux dont la liste est limitativement fixée par l’article L. 302-5 du Code de la construction et de l’habitation et détermine la surface de logements susceptible d’être réalisée, définit ainsi suffisamment un programme de logement au sens desdites dispositions ; qu’eu égard aux garanties que présente la procédure d’élaboration du PLU, au droit de délaissement dont disposent les propriétaires et au caractère d’ intérêt général du but de mixité sociale poursuivi, la mise en œuvre de ces dispositions ne peut, en tout état de cause, porter une atteinte excessive au droit au respect des biens  » (CAA Paris 12 février 2009 Ass. De sauvegarde Auteuil-Bois de Boulogne, req. n° 07PA03886 : Etant précisé que, si cet arrêt a été censuré par le Conseil d’Etat c’est uniquement pour les articles UV6, UV7, N6 et N7 des règlements des zones UV et N du plan local d’urbanisme de Paris CE 18 juin 2010 Ville de Paris, req. n° 326708).

On aurait donc pu considérer que la notion de programme de logements implique seulement de fixer un pourcentage de surface dédié au logement social.

Par ailleurs, il ressort d’une jurisprudence constante qu’un document d’urbanisme peut fixer des règles relatives à l’emprise au sol, à la hauteur ou l’aspect extérieur des bâtiments, à l’exclusion des surfaces de logement ou des aménagements intérieurs (CE 9 juillet 1997 Commune de Megève, req. n° 146061 ; CE 11 dec 1998 Commune de Bartenheim n° 155143 ; Voir également : CE 12 novembre 2012 Sté Agence Charles Katz, req. n° 344365).

A lire la décision commentée, il apparaît donc que si la jurisprudence susmentionnée conserve toute sa portée, les auteurs du PLU peuvent, au regard des dispositions du b) de l’article L 123-2 du Code de l’urbanisme, imposer des contraintes précises aux terrains concernés et à ce titre fixer notamment :

-  un pourcentage minimum de surface hors œuvre nette affecté à la réalisation des logements prévus par ces programmes ;
-  un nombre minimum de logements à édifier, éventuellement en indiquant les catégories de logements concernés.

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