Indifférence des modalités d'exploitation des marques dans l'appréciation du risque de confusion ? Par Philippe Rodhain, CPI

Indifférence des modalités d’exploitation des marques dans l’appréciation du risque de confusion ?

Par Philippe Rodhain, CPI

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Explorer : # risque de confusion # contrefaçon de marque # exploitation des marques

Classiquement, le risque de confusion s’apprécie en relation avec la perception du consommateur pertinent, en se référant exclusivement aux caractéristiques figurant dans les enregistrements des marques en conflit, indépendamment de leurs conditions d’exploitation réelles ou supposées.

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C’est sur cette règle jurisprudentielle qu’achoppa la défense d’une société de lunetterie, accusée de contrefaçon, qui arguait de l’absence de risque de confusion entre sa marque et une marque concurrente voisine, au motif que celles-ci se distinguaient par leur emploi. En effet, la marque antérieure n’était utilisée qu’à titre d’enseigne commerciale, alors que la seconde servait à la désignation de lunettes pour enfants.

C’était omettre que le droit attaché à la marque porte sur le signe lui-même, indépendamment des conditions d’exploitation de celle-ci qui peuvent, en outre, varier au cours du temps.

Par un arrêt du 29 novembre 2011, la Haute juridiction rejeta ainsi un pourvoi en rappelant très opportunément que « le risque de confusion doit s’apprécier par référence au contenu des enregistrements de marques, vis-à-vis du consommateur des produits tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte des conditions d’exploitation des marques ».

Dans cette lignée jurisprudentielle, les tribunaux considèrent traditionnellement que le simple dépôt d’une marque est de nature à caractériser un acte de contrefaçon, peu important qu’il soit suivi ou non d’actes de commercialisation, ceux-ci constituant eux-mêmes des actes distincts de la contrefaçon (CA Paris, 25 mai 2005 : PIBD 2005, n°814, III, p. 509 ; CA Paris, 1er juin 2005, aff. Nutri-Rich ; CA Paris, 25 avr. 2007 : PIBD 2007, n° 855, III, p. 440).

Ces décisions se fondent sur le principe cardinal du droit français des marques, selon lequel l’étendue de la protection accordée à la marque est dictée par les produits et/ou services énumérés dans l’acte d’enregistrement.

Serait donc inopérante la différence d’emballages sur lesquels seraient apposées des marques confusément proches. Il en irait de même de la reproduction par un tiers d’un élément figuratif exploité par le titulaire d’une marque prioritaire qui ne figurerait, cependant, pas dans son enregistrement.

A contre-courant de cette tradition jurisprudentielle, un arrêt rendu par la Cour de cassation, le 8 février 2011, a quelque peu bousculé la méthode classique d’appréciation du risque de confusion, en écartant le grief de contrefaçon en raison de l’inexploitation de la marque prioritaire (Cass.com, 8 févr. 2011, n°09-13.610).

Cette décision en rupture avec la jurisprudence dominante, qu’une partie de la doctrine fit immédiatement sienne, semble reposer sur le fait que le titulaire de la marque prioritaire ne peut prétendre à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur, alors que ce dernier ignore l’existence même de la marque contrefaite.

A la vérité, la méthode d’appréciation du risque de confusion dépend essentiellement des caractéristiques de chaque espèce.

Dans un conflit opposant deux marques enregistrées, mais inexploitées, une appréciation in abstracto s’impose à l’évidence, car l’atteinte se situe exclusivement dans l’acte de dépôt. Il en irait différemment si au moins l’une des deux marques était exploitée, hypothèse où une appréciation in concreto entrerait nécessaire en jeu, ne serait-ce que pour examiner les actes d’exploitation sur le marché en cause.

A chaque atteinte, sa méthode...

Cass.com, 29 nov. 2011 (Pourvoi, U/2010/31061 ; M20110670)

Philippe Rodhain

Chargé d’enseignement Bordeaux IV

Master II Droit de la Vigne et du Vin

Master II Intelligence Economique

Conseil en Propriété Industrielle

www.ipsphere.fr

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