Internet et administration de la preuve en droit social : rappel de quelques règles.

Par Frédéric Chhum, Avocat

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Explorer : # surveillance des salariés # vie privée # preuve en droit social # nouvelles technologies

Avec l’explosion de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, se pose la question de la licéité de la preuve informatique et de sa recevabilité en justice.

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1) Les trois obligations de l’employeur avant de mettre en place un système de contrôle/surveillance

Pour qu’un employeur puisse mettre valablement en place un système de contrôle et de surveillance de ses salariés, il faut :

- une information et une consultation de comité d’entreprise sur ces moyens de surveillance ;

- une déclaration à la CNIL si des données personnelles des salariés sont traitées ;

- une information individuelle de chaque salarié concerné.

2) Dans le cadre des nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’employeur doit-il respecter ces trois principes ?

L’employeur n’est pas dans l’obligation de respecter ces trois règles si :

- il ne porte pas atteinte au respect de la vie personnelle des salariés ;

- les documents contrôlés ne sont pas personnels.

En effet, selon l’article 9 du Code civil : « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Dès lors, l’employeur ne peut pas prendre connaissance des documents personnels du salarié puisque cela irait à l’encontre du respect de la vie personnelle des salariés.

3) La notion de dossier « personnel » d’un salarié

Les dossiers « papiers » sont présumés avoir un caractère professionnel tout comme les fichiers informatiques, l’employeur a donc le droit d’y accéder librement sauf si ils sont identifiables comme personnels.

Mais qu’est ce qu’un dossier personnel ?

Quatre critères permettent d’identifier un document, fichier ou e-mail personnel :

- l’objet du message ou son nom, il ne suffit pas que le nom du salarié soit mentionné ;

- le moment où le message est envoyé (pendant les heures de travail ou la pause déjeuner) ;

- la présence d’un code d’accès (il est interdit de crypter des documents professionnels) ;

- le contenu ou terme du message.

Cependant l’accès aux fichiers ou messages « personnels » est possible si le salarié est présent, s’il a été prévenu ou si un magistrat l’a autorisé (Cass. soc. 17-5-2005 n° 03-40.017).

Ceci vient limiter le principe du respect de la vie privée du salarié car si un employeur veut prendre connaissance des fichiers personnels d’un de ses salariés il lui suffit de le prévenir, le salarié ne doit pas forcément être présent. En pratique, un employeur a juste l’obligation de téléphoner à son salarié à n’importe quel moment pour l’informer de la consultation de ses documents personnels et celui-ci ne peut pas s’y opposer.


4) L’article 145 du Code de Procédure Civile : l’arme pour se constituer des preuves avant tout litige

S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé (Art 145 du CPC).

Sur la base de cet article, un employeur peut se constituer des preuves en saisissant le juge par voie de requête. Un huissier, le cas échéant, avec la force publique peut venir, par exemple, inspecter l’ordinateur d’un salarié que l’employeur soupçonnerait, par exemple, de concurrence déloyale.

Le demandeur doit contradictoirement devant le juge apporter de fortes présomptions de :

- l’existence d’un fait générateur de responsabilité ;

- l’étendue d’un dommage juridiquement réparable ;

- un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage.

Le tribunal ne doit pas encore être saisi sur le "fond" de l’affaire (en vue d’une condamnation d’un adversaire). En effet, l’objet d’une telle expertise vise à pré instruire techniquement un dossier préalablement à une action judiciaire éventuelle sur le fond et surtout pas à se substituer à la carence d’une des parties dans l’administration de la preuve (art. 146 du CPC).

Le juge doit retenir ce qui est le plus simple, mais suffisant, et le moins onéreux (art 145 CPC).
L’expert ne doit donner son avis que sur ce qui lui est soumis par le juge sauf accord écrit des parties pour d’autres questions, mais jamais porter d’appréciations d’ordre juridique (art 238 CPC).
La mission initiale peut être élargie ou restreinte (art 245 CPC) et le délai prorogé (art 279 CPC).

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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