La loi de « modernisation du marché du travail » (loi n° 2008-596 du 25 juin 2008) a réglementé la période d’essai du CDI (contrat de travail à durée indéterminée), qui jusqu’alors était ignorée par le Code du Travail. Il est essentiel de connaître ces nouvelles règles, la plupart des embauches étant soumises à une période d’essai.
Nous examinerons la durée, le renouvellement et la rupture de la période d’essai. Et nous analyserons ensemble quelques situations pratiques.
Une remarque : les contrats de travail à durée déterminée sont soumis à des règles distinctes en matière de période d’essai.
Si cet article semble à priori s’adresser aux salariés, il s’agit d’un parti pris de style pour atteindre une simplification du discours… et les employeurs sont invités à étudier les cas exposés pour éviter toute erreur dans la rédaction de leurs clauses d’essai !
Donc, si vous êtes salarié, embauché en CDI avec une clause prévoyant une période d’essai :
1 - Votre période d’essai est limitée dans sa durée maximale par la loi, en fonction de votre catégorie professionnelle (2 mois pour les ouvriers et employés, 3 mois pour les agents de maîtrise et techniciens, 4 mois pour les cadres). Votre CDI ou votre lettre d’embauche, ou encore l’accord de branche applicable à l’activité de votre employeur, peut prévoir une période d’essai plus courte mais pas plus longue.
2 - Vous n’avez ni contrat de travail, ni lettre d’embauche : votre employeur peut-il vous imposer une période d’essai ? Non, vous êtes définitivement embauché, sans période d’essai.
3 - Vous commencez à travailler sans avoir signé de contrat de travail ; votre employeur peut-il vous proposer un CDI avec clause de période d’essai 15 jours après votre entrée en fonction ? Non, vous êtes définitivement embauché, sans période d’essai.
4 - Renouvellement de la période d’essai : il est possible une fois mais seulement à deux conditions :
le renouvellement doit être prévu par l’accord de branche étendu qui s’applique à l’activité de votre employeur (le plus souvent : la convention collective applicable dans votre entreprise) et,
- la possibilité de renouvellement doit être prévue expressément dans votre CDI).
5 - Attention ! La loi laisse à l’accord de branche ou à la convention collective une marge de détermination pour ce qui concerne la durée du renouvellement, dans la limite du maximum légal, et ses « conditions ». Une question se pose sur ce que peut en fait recouvrir le terme « conditions » mais il pourra donc y avoir des aménagements à la loi dans l’accord ou la convention collective et ceux-ci se substitueront à la loi. Je vous invite à lire attentivement et dès que possible après votre embauche les accords professionnels qui s’appliquent à votre CDI. La liste doit vous être remise par votre employeur à votre embauche et elle est affichée dans les locaux de travail. De plus, tout CDI doit mentionner explicitement la convention collective applicable dans l’entreprise.
6 - Votre convention collective interdit le renouvellement de la période d’essai, ou elle ne prévoit rien concernant le renouvellement, et votre employeur vous propose ce renouvellement. Si vous l’acceptez par écrit quelle est votre situation juridique ? Le renouvellement ne s’applique pas et vous êtes définitivement embauché à l’issue de la période d’essai initiale.
7 - Votre CDI ne prévoit pas la faculté de renouveler la période d’essai : l’employeur peut-il vous proposer ce renouvellement ? Non. Il s’agit d’une exigence posée par la loi et il paraît impossible d’y déroger par accord entre vous et votre employeur. Par conséquent, si vous acceptez par écrit un renouvellement non prévu par votre CDI, vous devrez pouvoir contester par la suite la validité du renouvellement et vous considérer comme définitivement embauché à la fin de la période d’essai initiale.
8 - Votre CDI peut-il prévoir dès l’origine que la période d’essai sera renouvelée automatiquement ? Non, ont jusqu’à ce jour décidé les juges pour qui l’accord du salarié sur le renouvellement doit être formulé avant la fin de la période d’essai initiale et non dès l’embauche initiale. Pour cette raison, ils déclarent que cette clause est nulle. Dans ce cas, à la fin de la période d’essai initiale, vous êtes définitivement embauché.
9 - Du nouveau pour la rupture de l’essai ! Votre employeur doit vous prévenir qu’il met fin à la période d’essai en respectant un « délai de prévenance » dont la durée est fonction de la durée écoulée de votre période d’essai : 24 heures si votre essai a duré moins de 8 jours, 48 heures s’il a duré entre 8 jours et un mois, 2 semaines s’il a duré plus d’un mois et enfin un mois s’il a duré plus de 3 mois. Il s’agit de la durée totale de la période d’essai accomplie, renouvellement compris. Il ne peut donc plus être mis fin à votre période d’essai au moment de son expiration, sans formalité aucune, comme cela était pratiqué autrefois.
10 - Votre période d’essai, ou son renouvellement, ne peut être prolongé en raison de ce délai de prévenance : par conséquent, le délai de prévenance s’inscrit à l’intérieur de la durée maximale de votre période d’essai ou de son renouvellement et votre employeur doit se déterminer suffisamment tôt sur la qualité de votre travail pour pouvoir prendre sa décision de mettre fin à l’essai.
11 - De votre côté, vous devez également respecter un délai de prévenance si vous voulez mettre fin à l’essai et quitter votre employeur : délai de 24 heures si votre période d’essai a duré moins de 8 jours, délai de 48 heures si votre période d’essai a duré 8 jours ou plus.
12 - Compte tenu de la nouveauté de ce délai de prévenance et du silence de la loi, il reviendra aux juges (à moins d’ajout législatif ultérieur) de fixer la sanction en cas de prévenance tardive, soit par votre employeur, soit par vous-même. On peut penser qu’il s’agira de dommages-intérêts qui seront fonction du préjudice réellement subi.
Conclusion pratique :
Quel est pour vous l’intérêt de déterminer si vous vous trouvez ou pas en période d’essai ?
Durant la période d’essai, votre employeur ou vous-même pouvez décider de mettre fin à l’essai sans donner de motif à cette décision.
En revanche, une fois votre période d’essai achevée et votre embauche dans l’entreprise devenue définitive sans autre formalité, votre employeur ne peut plus mettre fin à votre CDI que par deux voies : le licenciement, avec l’obligation de suivre la procédure de licenciement et de formuler un motif réel et sérieux de licenciement ; la rupture conventionnelle, avec votre accord.
Dans les cas de figure mentionnés aux n° 2, 3, 6, 7 et 8 ci-dessus, vous êtes précisément en situation d’embauche devenue définitive.
N’oubliez pas que, de votre côté, une fois la période d’essai achevée, vous ne pouvez quitter votre emploi unilatéralement que par votre démission et en respectant un préavis de démission.
Nadine REGNIER ROUET, Avocat spécialisé en droit social