Introduction.
A ce sujet, il sied de noter que la doctrine et la jurisprudence se montrent sévères vis-à-vis des magistrats instructeurs qui ne peuvent pas se permettre de recourir à certaines méthodes dans la recherche de la vérité tels par exemple, les écoutes téléphoniques, les enregistrements secrets, (audio ou vidéo) etc… L’on se montre plus tolérant vis-à-vis de la police judiciaire qui doit de plus en plus faire face à des délinquants qui n’hésitent pas de recourir à des moyens sophistiqués sur le plan scientifique, pour réussir leurs méfaits.
Le problème est plus délicat lorsqu’il s’agit de juger certaines méthodes utilisées par la police judiciaire chargée de la sécurité du pays quant à la preuve numérique ce qui constitue même la problématique dans cet article.
En bref, nous pouvons dire qu’en matière de recherches de preuves, l’on peut distinguer trois sortes de morale :
La morale judiciaire propre à la police judiciaire ordinaire qui peut parfois revenir à certains moyens à la limite de la loyauté ;
La morale judiciaire imposée aux magistrats qui ne peuvent utiliser des moyens déloyaux ;
La morale judiciaire propre à la sureté nationale mue par l’impérieux besoin de la paix et de la sécurité.
Cependant, la problématique de la charge de la preuve en matière pénale ne se pose pas de la même manière qu’en matière civile. Le principe « actori incubit probatio » est d’application en tant que principe général de droit, car aucun texte ne le proclame. Mais ce principe connait certains tempéraments résultants de la singularité de la matière pénale.
Ce principe se trouve d’abord tempéré par le principe par le principe constitutionnel de la présomption d’innocence de tout prévenu tant que sa culpabilité n’a pas été établie par un jugement définitif [1].
Ensuite, ce principe est encore tempéré par la mission du Ministère Public qui ne peut être comparée à celle du demandeur civil poursuivant uniquement la satisfaction de ses intérêts personnels. Le Ministère Public est en effet le gardien de l’ordre public et le représentant de la société, il n’a pas pour mission de poursuivre à tout prix ; car là où, après le déclenchement de l’action publique, il s’avère que les poursuites ne sont pas fondées, le ministère public devra requérir l’acquittement, en outre, il n y a pas égalité absolue entre le ministère public, partie poursuivante et le prévenu car certains procès-verbaux établis par le ministère public ont une force probante particulière, liant les juges.
Un autre tempérament de ce principe résulte de deux situations propres aux juges répressifs. Le rôle actif des juges dans la recherche des preuves, rôle qui fait que la tache de la partie poursuivante se trouve allégé ; c’est maintenant que se démontre le rôle important de l’administration de la preuve, est ce peut-on aller plus loin que la pensée juridique pour se disculper ? Nous répondons à cette question par la suite de cet article.
I. La charge de la preuve en procédure pénale.
L’intime conviction des juges allèges considérablement la tache de la partie poursuivante ; le prévenu ne va pas se trouver dans l’attitude passive du défenseur civil ; il va chercher à ébranler les preuves fournies par le ministère public et ce faisant il se découvre.
Le principe « Reus in excipiendefit actor » pose des problèmes dans son application. Ce principe voudrait dire que le prévenu doit prouver l’exception ou le moyen de défense qu’il oppose. D’application aisée en matière civile, ce principe est controversé en matière pénale.
La doctrine est divisée :
Certains auteurs estiment que c’est celui qui invoque un fait justificatif qui doit en faire la preuve, d’autres présentent que c’est au ministère public à prouver qu’il n’existe pas de telles causes de justifications ;
La jurisprudence semble admettre en France qu’en ce qui concerne les causes de non-imputabilité, la preuve soit à charge du prévenu considérant qu’il existe une présomption générale d’équilibre mental et de libre détermination. Concernant la preuve de l’élément légal, la jurisprudence française estime que la charge de la preuve repose sur le ministère public qui doit prouver que tel élément n’a pas disparu par prescription ou par amnistie ; afin concernant les faits justificatifs, la jurisprudence parait en imposer la preuve au prévenu [2].
Rubbens dit qu’ il faut admettre qu’ en certains cas le prévenu a la charge de la preuve d’un fait ou d’une circonstance, par l’allégation duquel il prétend renverser une présomption ou écarter la qualification ou le caractère infractionnel de faits établis ; mais l’auteur a fait remarquer auparavant que les exceptions ne se présument pas et qu’ il appartient au prévenu de les « invoquer » si non de les prouver [3].
La charge de la preuve incombe sans équivoque au prévenu dans deux cas :
1. Lorsqu’il conteste la teneur de certains procès-verbaux auxquels la loi ou la jurisprudence attachent la force probante particulière ;
2. Lorsqu’ il invoque la faute de la victime de l’infraction qui a pour conséquence juridique essentielle le partage de la responsabilité civile.
Cherchant à prendre position face à cette controverse, nous estimons qu’en ce qui concerne la preuve de l’élément légal, il appartient au Ministère Public d’en assumer la preuve. Cela revient à sa charge et de sa mission en tant que partie poursuivante.
En autre logique il revient au prévenu de démontrer l’existence d’une cause de non imputabilité qui a véhiculé la volonté de son libre arbitre, compte tenu de ce que par principe chaque être humain, accessible à une peine, est présumé sain d’esprit. Notre position vis-à-vis des causes de justification est plus nuancée.
Certes, l’expression elle-même devrait logiquement imposer que le prévenu qui est présumé avoir commis l’infraction (tout en étant présumé innocent jusqu’ à ce qu’ il soit reconnu coupable par un jugement définitif) qui a intérêt à démontrer que son acte peut se justifier légalement : néanmoins compte tenu de l’état généralisé d’ignorance de droit chez la plupart sinon chez tous les citoyens, ignorance aggravée par le caractère inauthentique du droit il nous parait plus équitable de soutenir que le prévenu doit se contenter d’invoquer les exceptions (cause de justification) ; ou le verbe « exciper », quitte au Ministère Public de prouver qu’il n’existe pas de telles causes de justification.
II. Les différents moyens de preuve en droit pénal congolais.
1. Les procès-verbaux (PV).
Les procès-verbaux sont des moyens de preuve qui ont une autorité particulière du fait qu’ils émanent d’un officier de justice, sa valeur probante est laissée à l’appréciation du juge [4] qui édicte : « Sauf pour les procès-verbaux auxquels la loi attache une force probante particulière, le juge apprécie celle qu’il convient de leur attribuer » [5].
Mais dans certains cas, la loi attache à un procès-verbal une valeur probante particulier : c’est ainsi qu’il va des PV qui font foi jusqu’ à preuve du contraire. C’est le cas des PV des fonctionnaires et agents spécialement chargés de surveiller des infractions de falsification des denrées alimentaires. Ces PV font foi jusqu’ à inscription en faux.
C’est le cas de certains PV reflétant les opérations ou les constatations faites par l’officier ou l’agent de douanes verbalisateur [6]. La jurisprudence admet qu’il faut accorder plus de crédit aux PV de constat qu’aux PV d’enquête : il s’agit d’une appréciation tirée de l’article 74 du CPP qui réglementant l’oralité, dispose que le greffier doit donner lecture des PV de constat.
2. L’interpellation du prévenu.
a) Le juge doit interpeller le prévenu après lui avoir rappelé tes termes de la prévention pour lui demander s’il reconnait les fais mis en sa charge.
b) Le droit congolais ignore la procédure anglo-saxonne de plaider coupable qui entraine une modification du régime de l’administration de la preuve. La procédure qui consiste à plaider coupable en droit anglo-saxon porte en anglais diverses appellations. On l’appelle : pleading for considération, c’est à dire « plaider coupable » on rappelle aussi, plea bargainning, littéralement « aveu négocié ».
Le plea-bargaining.
Il est essentiellement une forme de transaction entre les autorités judiciaire et un délinquant. Son effet est la révision de la sentence en retour de l’aveu de culpabilité.
L’aménagement de la sentence et l’aveu de culpabilité sont les produits de négociation entre un délinquant et les autorités judiciaires aux termes desquels l’accusé espère obtenir une réduction de la sentence pénale, alors que le Ministère Public essaie d’obtenir de l’accusé un aveu de culpabilité pour une infraction aussi grave que possible. Les autorités judicaires, en retour de l’aveu de culpabilité, disposent de deux options ayant trait à la révision de l’inculpation d’un côté et à la recommandation des considérations spéciales au tribunal de l’autre.
3. L’aveu.
Généralement l’aveu formulé à l’audience par le prévenu est considéré comme la « preuve parfaite » mais il faut s’en méfier car il peut y avoir des aveux de jactance, de désespoir ou de complaisance ou des aveux qui sont les faits naïades mentaux, sans compter qu’ il y a des aveux extorqués par les procédés odieux (torture physique ou morales). Pour avoir égard à un aveu, il faut qu’il soit corroboré par d’autres éléments. C’est ce qu’on appelle un aveu de circonstance. La condamnation du coupable peut même reposer sur les présomptions graves, constantes et concordantes. L’aveu est indivisible s’il porte sur la preuve d’un rapport de droit privé préalable ou préjudiciel au caractère infractionnel des faits. L’aveu est indivisible s’il porte sur les faits infractionnels ou sur des faits qui ont préparé l’infraction.
4. Le témoignage.
Nous savons qu’au début de l’audience ; le tribunal procède à l’appel des témoins afin de les isoler. Le président rappelle les témoins un à un ; généralement sont d’abord entendus les témoins à charge, ensuite les témoins à décharge cités par le prévenu.
Le président fait acter l’identité de chaque témoin, il est d’usage qu’il lui demande ses éventuelles relations avec le prévenu, parenté, alliance, lien de subordination ou d’autorité, ceci en vue de guider le tribunal pour juger du « reproche des témoins » qui éventuellement peut être soulevé et aussi en vue de permettre au tribunal d’apprécier la valeur du témoignage.
Le président lui fait prêter serment debout, mais la main droite levée horizontalement.
Ensuite commence l’audition des témoins : les questions jugées pertinentes et admissibles que posent la partie qui les a cités et les autres parties, le président lui-même et ses assesseurs peuvent ensuite poser d’office des questions qu’ils estiment utiles à la manifestation de la vérité.
Le ministère public ou la partie civile font poser des questions aux témoins à charge, le prévenu fait entendre les témoins à décharge ; mais ces deux parties (poursuivante et poursuivie) peuvent faire poser des questions aux témoins cités par l’adversaire, notamment dans le but de souligner les contradictions ou d’ébranler la force de certains témoignages.
Mais c’est le président qui, ayant la direction de l’audience et de débats, décide quelles questions peuvent être posées. Le tribunal peut d’office faire citer les témoins qu’il juge à même de mieux l’éclairer.
Mais c’est le président qui, ayant la direction de l’audience et des débats décide que les questions peuvent être posées.
5. Expertise.
Le tribunal peut d’office ou à la demande des parties, designer un expert, ce dernier est soumis aux mêmes devoir que lorsqu’il est commis durant l’instruction préparatoire. En principe, le prévenu ne peut pas exiger d’assister aux opérations de l’expertise ordonnée par le tribunal à la demande de la partie civile car la contradiction est assurée. À suffisance par la production au dossier du rapport des experts ; cependant, s’il n’y a pas d’inconvénient majeur, il faut laisser le prévenu suivre toutes les opérations de l’instruction complémentaire, et notamment les expertises ordonnées par le tribunal.
6. Visite des lieux.
Le tribunal peut décider, de se rendre sur les lieux pour y faire des constats directs sur certaines traces des faits ou encore en vue de procéder à une reconstitution des faits, dans le souci de tenter de recréer le cadre concret où ces faits se sont déroulés.
III. Preuve par moyens techniques scientifiques.
Parmi les moyens techniques scientifiques que l’on peut utiliser comme moyens de preuve, et ce, après toute cette évolution que la science a connu, en droit pénal congolais c’est notamment :
Les relevés dactyloscopiques, pour aider à identifier l’auteur d’une manipulation ;
La photocopie ;
La radiographie ;
Les enregistrements ou magnétophones des discours publics ou d’interrogatoires judiciaires.
L’utilisation de ces moyens ne peut dispenser la partie qui l’invoque d’en soumettre les éléments à la discussion contradictoire à l’audience du tribunal. Il est aussi à noter que le juge ne doit pas se laisser éblouir par les moyens techniques au point d’accepter hâtivement les conclusions qui en découlent, le juge doit pouvoir les soumettre à la critique pour en apprécier l’efficience.
Au sujet du problème de l’administration de la preuve en justice en droit pénal congolais, des limites doivent être fixées à l’utilisation des moyens de preuve. De principe qui doit être affirmé est que jamais un tribunal ne pourra recevoir et encore moins provoquer des preuves ou des présomptions qui ont été obtenues par des voies illicites, tels que :
Un enregistrement de propos confidentiels par microphones dissimilés ;
Des tables d’écoute téléphonique.
Le problème de l’emploi des techniques scientifiques de la révélation de la vérité reste discuté ; l’on peut affirmer que le rejet a priori de ces moyens techniques ne peut se justifier, car le dosage d’alcool dans le sang ; la détermination du groupe sanguin, l’enregistrement d’un discours public, etc… sont des procès-valables de preuve objectives à condition d’en faire un usage loyal [7].
L’emploi des méthodes de narco-analyse (penthotal ou sérum de vérité ou du polygraphe comme détecteur de mensonge), tant pour les témoins que pour les prévenus, est admis par certains criminalistes et rejetés par d’autres [8].
A cet égard Merle et Vitu estiment que les voix sont à peu unanimes à condamner l’emploi de procédés scientifiques pour obtenir l’aveu (hypnotisme, narco-analyses) ; ils soutiennent que ce moyen de preuve répugne à la conscience car il traite l’être humain en « animal de laboratoire » et ressuscite l’ancienne torture. Ces auteurs précisent que ce moyen est dangereux car les aveux obtenus tendent à un déballage dans lequel sont mêlés les souvenirs conscients et les pulsions refoulées dans l’inconscient, de sorte que ces aveux ne sont pas nécessairement conformes à la vérité ; ils ajoutent cependant que certaines juristes n’écartent pas a priori l’usage de ces procédées qu’ils subordonnent toutefois à des conditions strictes, notamment à la présence d’un médecin, du juge d’instructions et du défenseur de l’inculpé.
Les auteurs poursuivent leur développement en précisant que la jurisprudence française s’est montrée hostile à l’emploi de la narco-analyse comme procédé d’instruction et ne l’a admise qu’à des fins d’expertise psychiatriques ; enfin, ils précisent que la même méfiance s’attache à l’utilisation de détecteur de mensonge ou polygraphe, très utilisé aux USA [9].
Conclusion.
Cet article a analysé la question autour l’administration de la preuve a l’épreuve de l’évolution en droit pénal congolais. Il a fait la symbiose entre les deux types de procédures analysés ci- haut. Celle française et celle admise en droit procédural congolais.
Nous avons démontré dans cet article la synthèse entre les deux types de procédure vise à cumuler les avantages et réduire les inconvénients qui découlent de chaque type de procédure lorsqu’il s’agit de prouver.
Ainsi, on peut remarquer que le système pénal congolais garantie efficacement les droits de la défense, c’est pourquoi l’administration de la preuve en justice en droit pénal congolais, à des limites qui doivent être fixées à l’utilisation des moyens de preuve au regard de l’évolution scientifique et technologique. De principe qui doit être affirmé est que jamais un tribunal ne pourra recevoir et encore moins provoquer des preuves ou des présomptions qui ont été obtenues par des voies illicites.
A cet égard, nous portons notre position avec les auteurs Merle et Vitu qui estiment que les voix sont à peu unanimes à condamner l’emploi de procédés scientifiques pour obtenir la vérité ; en soutenant que ce moyen de preuve répugne à la conscience car il traite l’être humain en « animal de laboratoire » ; non seulement que ceci ramène l’homme à l’état ancien de l’utilisation de la torture pour arracher la vérité mais aussi, ces auteurs précisent que ce moyen est dangereux car les aveux obtenus tendent à un déballage dans lequel sont mêlés les souvenirs conscients et les pulsions refoulées dans l’inconscient, de sorte que ces aveux ne sont pas nécessairement conformes à la vérité.