Le bien-fondé de la résiliation judiciaire du contrat de travail s’apprécie au jour où le juge se prononce.

Par Amandine Sarfati, Avocat.

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Explorer : # résiliation judiciaire # contrat de travail # manquements de l'employeur # conseil de prud'hommes

Cass.Soc.29 janvier 2014 n°12-24951 : le bien-fondé de la résiliation judiciaire du contrat de travail s’apprécie au jour où le Juge se prononce

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Par l’arrêt du 29 janvier 2014, la Cour de cassation apporte des précisions sur la date à laquelle le bien-fondé de la résiliation judiciaire doit être apprécié.

A cet égard, il convient de rappeler que le salarié peut prendre l’initiative de saisir la juridiction prud’homale aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat en cas « d’attitude fautive de l’employeur ».

Cette action n’est pas réservée aux seules hypothèses de fautes graves commises par l’employeur [1], mais l’inexécution par l’employeur de ses obligations doit être d’une gravité suffisante qu’il appartient aux juges du fond de caractériser [2].

Dans la forme, la résiliation judiciaire du contrat de travail se traduit par la saisine du Conseil des prud’hommes par le salarié qui reste en poste jusqu’à ce que le Conseil se prononce sur le bien-fondé de la rupture.

S’il estime la résiliation judiciaire fondée, alors celle-ci produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. S’il considère que la demande n’est pas fondée, il ne peut prononcer la résiliation et alors le contrat de travail se poursuivra.

En l’espèce, un salarié, après avoir été privé de ses attributions et de ses outils de travail, a saisi le conseil des prud’hommes d’une résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Or, une fois la procédure enclenchée, l’employeur a régularisé sa situation lui attribuant de nouveau ses responsabilités et outils de travail dont il disposait auparavant.

La Cour de cassation devait dès lors s’interroger sur la question suivante :

La régularisation de la situation du salarié par l’employeur, postérieurement à la saisine du conseil des prud’hommes, mais avant que le Conseil ne se prononce, peut-elle avoir une influence sur le bien fondé de la résiliation judiciaire ?

De manière tout à fait surprenante, la Cour de cassation répond positivement à cette question et juge « qu’en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa prise d’effet ne peut être fixée qu’à la date de la décision judiciaire la prononçant dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date ; qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier les manquements imputés à l’employeur au jour de leur décision ;

Et attendu que la cour d’appel ne statue pas par des motifs inopérants en estimant que les manquements imputés par la salariée à l’employeur, dont elle a constaté l’entière régularisation au jour de sa décision, n’étaient pas d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; »

Il faut donc retenir qu’en matière de résiliation judiciaire, le bien-fondé de la rupture du contrat de travail s’apprécie au jour où le juge se prononce.

De toute évidence, cette solution diffère de celle rendue en matière de prise d’acte dont l’appréciation se limite aux faits connus lors de la rupture. [3].

A priori, tout fait intervenu postérieurement à celle-ci ne peut être pris en compte pour apprécier le bien-fondé de la rupture du contrat de travail.

La différence de traitement entre prise d’acte et résiliation judiciaire s’explique sans doute par des enjeux non comparables. Alors que la prise d’acte non fondée produit les effets d’une démission, la résiliation judiciaire n’a aucune incidence sur l’exécution du contrat de travail qui, en cas d’échec, continue a être exécuté. Par ailleurs, dans la prise d’acte, le salarié quitte l’entreprise sans attendre la décision rendue par le Conseil des prud’hommes et prend donc le risque de se retrouver, du jour au lendemain sans emploi.

Maître Amandine SARFATI

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Notes de l'article:

[1Cass.Soc.22 octobre 1997

[2Cass.Soc.15 mars 2005

[3Cassation Sociale 9 octobre 2013, pourvoi n°11-24.457, (pièce 18)

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