De nouvelles formes d’organisations
Elle repose donc sur un principe fondamental : la suppression de l’intermédiaire entre deux individus effectuant une transaction. Il n’y a donc plus besoin de confiance entre les personnes qui interagissent, car tout est automatisé. Même si dès son apparition en 2007 la blockchain était limitée aux transactions financières, elle ne cesse de se développer et est aujourd’hui appliquée de façon plus sociale. Il convient donc de faire réapparaitre une couche de confiance dans des interactions qui impliquent plus de relations humaines.
On assiste à l’apparition d’un nouveau type d’organisations. L’opérateur central qui coordonne les individus entre eux et récupère la valeur dégagée a disparu. Dans ces nouveaux systèmes, ce sont les individus eux-mêmes qui collaborent directement les uns avec les autres, sans cet intermédiaire central. Le mode de fonctionnement est beaucoup plus collaboratif.
Aussi, avec ce genre d’application collaborative décentralisée, se pose la question d’éliminer non seulement l’intermédiaire, mais également l’administrateur, le « tiers de confiance » qui certifie la validité des actes authentiques (un notaire par exemple).
Les enjeux juridiques soulevés par la blockchain
Dès lors, de nouveaux enjeux juridiques apparaissent, notamment la question de la responsabilité. En effet, si toutes les actions sont accomplies de façon autonome et anonyme, quel acteur pourra endosser la responsabilité de l’ouverture d’un réseau illicite ? Même si le créateur de la blockchain est identifié (ce qui semble compliqué au vu du principe de l’anonymat qui est omniprésent dans ces technologies), les opérations ne pourront pas être stoppées puisqu’elles sont effectuées de façon autonome sur la blockchain.
De toute évidence, il ne semble pas raisonnable d’appliquer les règles du droit traditionnel à ce nouvel environnement numérique en pleine expansion. Il est donc nécessaire de mettre en place un nouveau cadre juridique qui puisse accompagner le développement de la blockchain notamment. L’expression « code is law » illustre ce besoin d’un nouveau système technico-juridique pour le monde digital, indépendant du monde physique.
Quant à la question de la régulation, il convient de se demander quelle position adoptera le gouvernement vis-à-vis de la blockchain. Car la blockchain peut permettre d’échapper aux règles en vigueur et à la domination des États, mais elle peut aussi perdre de son potentiel si les États cherchent à avoir une trop grande emprise sur elle.
La valeur juridique de la blockchain
En France, des discussions ont déjà eu lieu à l’Assemblé nationale. En effet, un amendement portant sur la reconnaissance de la blockchain dans les systèmes de règlement et lui conférant la même force juridique qu’un acte authentique a été déposé le 13 mai 2016 par une députée d’Eure-Et-Loir. Bien que cet amendement ait été rejeté et que le ministre de la Justice ait déclaré que la blockchain ne remplacerait pas un acte authentique notarié, cette proposition prouve que les débats autour de la blockchain et de sa valeur légale sont bel et bien ouverts au sein du gouvernement.
Un autre débat intéressant est celui de la reconnaissance juridique des smart contracts qui sont inscrits dans la blockchain. Ces programmes autonomes exécutent automatiquement des conditions préalablement définies sans besoin d’une quelconque intervention humaine. Leur intérêt réside aussi dans le fait que leurs termes ne peuvent pas être modifiés en cours d’exécution, ce qui permet d’éviter les abus et les fraudes contractuelles. Ainsi, les coûts de vérification, d’exécution et d’arbitrage sont réduits. On rejoint l’idée qui consiste à éviter l’intervention d’un « tiers de confiance ».
Les smarts contracts sont des logiciels et non des contrats, et ne possèdent, comme la blockchain elle-même, pas de valeur juridique. Ils ne sont pas non plus opposables aux tiers (ou du moins pas encore).
Ces applications techniques de contrats pourraient être appliqués à de nombreux domaines : les impôts (collecte et déduction automatique de la taxe sur la valeur ajoutée), les assurances (système de remboursement des voyageurs en cas de retard de leur vol construit sur la plateforme Ethereum), l’immobilier (enregistrement des titres de propriété), la santé (gestion des données des patients), les transports (service de covoiturage décentralisé) ou encore le vote en ligne (système sécurisé empêchant les fraudes).
Dans tous les cas, nous n’en sommes encore qu’aux prémices de ce qui va probablement devenir une révolution dans les prochaines décennies. Toutes les décisions prises aujourd’hui vont influencer le futur de la blockchain, et donc l’avenir de notre société et son organisation. Il faut pour cela instaurer un cadre juridique autour de la blockchain, et il ne tient qu’au gouvernement de légiférer sur ce sujet.
Discussions en cours :
Il y a une erreur dans l’article, le Bitcoin, donc la première blockchain fut fonctionnel en 2009.
En 2008 son crateur avait fournit un white paper.
2007 est donc l’erreur.
Bonjour et merci de votre retour.
Une coquille s’est glissée dans mon article, merci de l’avoir portée à notre attention. Je sais bien que l’amorce de la naissance du bitcoin remonte à 2008 et que vous en êtes à l’origine.
Cordialement,
Nathalie Dreyfus.
Cet article manque de rigueur dans le raisonnement juridique et les usages de la sémantique informatique.
En effet, dire qu’un smart-contract n’est pas un contrat mais un logiciel est faux.
On ne peut pas opposer, comme semble le faire l’auteur, le logiciel et le contrat, un contrat peut être un logiciel et vice versa il n’y a pas d’antinomie.
D’autre part, dire que le smart-contract donc un programme informatique n’a pas de valeur juridique est encore faux et peut-être lié à une confusion entre le smart-contract (programme) et la blockchain (protocole).
Sans rentrer dans le détail, la valeur juridique de l’écrit ou de la signature ne diffère pas selon qu’ils sont électroniques ou non, les critères sont à chercher ailleurs.
Par ailleurs, ce qui pose problème concernant la valeur juridique des données inscrites dans la blockchain, c’est la sécurité du protocole blockchain et donc l’intégrité des données qui y sont stockées ou encore l’identification des parties (à cause du défaut de lien pour le moment entre identité "civile" des parties et la clé privée sur la plupart des blockchains).
Cependant, dans certains cas, on pourra remédier à cette incertitude grâce à des conventions de preuve.
Bonjour,
Merci pour l’intérêt porté à cet article. Je suis ravie de voir que cette publication est porteuse de réflexion et de débat. Nos vues divergent mais il y a rigueur de part et d’autres.
En tant que spécialiste et professionnelle, je suis moi aussi très attachée à la terminologie. Mon objectif par cet article était de vulgariser un sujet complexe auprès d’un public de non spécialiste. C’est pourquoi certains termes ont pu vous paraître un peu généraux.
Ce que vous avez pris pour un manque de rigueur relève de ma volonté de montrer les incertitudes entourant ce procédé complexe qu’est la blockchain. Des débats existent sur la valeur juridique des smarts contrats, tantôt considérés comme une programmation d’engagement, tantôt comme une acceptation d’offre. Aujourd’hui, la prudence reste de mise en ce qu’il n’est pas possible d’évaluer avec certitude leur force juridique. Il est d’ailleurs important de surveiller de près l’évolution de ce protocole.
S’agissant de la sécurité du protocole, de l’intégrité des données ou de l’identification des parties, les garanties apportées par la blockchain semblent réelles. L’aléa humain, présent dans toute relation, est atténué par les vérifications informatiques successives et régulières. La fiabilité de ces relations peut même se trouver accrue, notamment par l’impossibilité de modifier unilatéralement les informations fournies. Selon moi, ces différents éléments ne sont donc pas de nature à porter atteinte à la valeur juridique des données inscrites dans la blockchain.
Cordialement,
Nathalie Dreyfus.
J’aimerais également apporter quelques remarques :
Bonjour et merci pour votre réaction et votre contribution à ce débat autour de la blockchain.
A titre préliminaire, cet article du blog Village-justice était destiné à un public varié, composé d’experts mais aussi de profanes. La blockchain est un sujet complexe, à l’origine de multiple débats. Cet article poursuivait un objectif de vulgarisation. La place accordée au bitcoin avait vocation à rendre cet article parlant pour le plus grand nombre, l’utilisation de la monnaie virtuelle étant simplement la fonctionnalité la plus développée de la blockchain.
Votre réflexion sur l’anonymat illustre les divergences d’opinions existant sur ce point. En effet, le commentateur précédent regrettait la difficulté à identifier les utilisateurs de la blockchain. Reste à savoir si le système de clefs privée et publique permet d’atteindre un équilibre entre la conservation de l’anonymat et la nécessité de pouvoir identifier les parties.
L’ordonnance du 28 avril 2016 ne parvient pas, quant à elle, à nos sens à lever tous les doutes sur la valeur juridique d’un blockchain compte tenu de son objet très précis que sont les bons de caisse.
Pour finir, votre opinion sur la nécessité de créer un cadre juridique dédié à la blockchain est intéressante. Je considère cependant, qu’un nouvel outil juridique ne peut se développer que si des règles précises et identifiées s’applique à lui. La sécurité attachée à un système contractuel est, en effet, déterminante pour son expansion. C’est la raison pour laquelle, l’adaptation de notre droit contractuel à cette technologie me semble indispensable. Affaire à suivre donc.
Cordialement,
Nathalie Dreyfus.