Publié en septembre 2020, le nouveau barème de capitalisation de la Gazette du Palais a déjà ses adeptes dans tribunaux et cours d’appel.
On ne compte plus les décisions qui y font référence :
Cour administrative d’appel de Douai, 10 novembre 2020, n°19DA00420 ;
Cour administrative d’appel de Lyon, 12 novembre 2020, n°19LY01962 ;
Cour d’appel de Paris, 30 novembre 2020, n°18/22625 ;
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 29 décembre 2020, n°18BX04484 ;
Cour administrative d’appel de Marseille, 31 décembre 2020, n°19MA02568 ;
Cour d’appel de Paris, 4 janvier 2021, n°18/23582 ;
Cour d’appel de Dijon, 7 janvier 2021, n°18/01686 ;
Cour d’appel de Paris, 11 janvier 2021, n°15/09861 ;
Cour d’appel de Rouen, 13 janvier 2021, n°20/01923 ;
Cour d’appel de Paris, 18 janvier 2021, n°18/28140 ; etc.
Même les juridictions administratives délaissent le très défavorable référentiel de l’ONIAM (dernière version du 1er janvier 2018).
Sur cette question, pour une illustration récente, voir TA Rennes, 3 septembre 2020, RG 1604317 [1] où le tribunal administratif refuse expressément d’appliquer le référentiel de l’ONIAM et multiplie par plus de 8 la somme proposée par l’Office.
Le juge administratif rappelle que :
« Si l’ONIAM soutient que les préjudices des requérants doivent être évalués conformément au référentiel qu’il a mis en place pour procéder à l’indemnisation des victimes de narcolepsie-cataplexie, aucune disposition législative ou règlementaire n’impose au juge d’en faire application pour procéder à l’évaluation des préjudices des requérants ».
Il est intéressant de relever que même lorsque c’est l’Office lui même qui supporte le coût de l’indemnisation, son référentiel « indicatif » doit être écarté par le juge au profit d’un barème plus adapté pour assurer l’indemnisation intégrale de la victime.
Par ailleurs, le tribunal capitalise sur la base des dernières tables de la Gazette du Palais 2020 et rappelle que l’aide scolaire correspondait bien à une assistance par tierce personne spécialisée.
En effet, une comparaison des barèmes de capitalisation de la Gazette du Palais 2020 et de capitalisation de l’ONIAM montre un écart très important :
Âge | ONIAM Homme | Gazette du palais Homme 2020 | Ecart |
---|---|---|---|
16 | 41,640 | 63,147 | 52% |
17 | 41,191 | 62,162 | 51% |
18 | 40,741 | 61,181 | 50% |
19 | 40,292 | 60,207 | 49% |
20 | 39,838 | 59,238 | 49% |
Et c’est sans compter le taux horaire appliqué par l’Office de 13 euros tandis que celui des juridictions judiciaires est proche des 20 euros voir des 23 euros (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 24 septembre 2020, n°17/03919).
Un exemple chiffré permet de saisir combien le référentiel de l’ONIAM est défavorable pour les victimes de préjudice corporel :
HOMME | ONIAM | Gazette du Palais 2020 | Ecart |
---|---|---|---|
Âge à la consolidation | 18 ans | 18 ans | |
Nombre d’heure par jour | 1 | 1 | |
Taux horaire | 13,00 € | 20,00 € | |
Prix de l’euro viager | 36,532 | 52,477 | |
Total | 218 208,80 € | 504 131,44 € | 131% |
Pour le dire autrement, pour une heure de tierce personne permanente, une victime obtient 2,31 fois plus devant un juge que devant l’ONIAM.
Par ailleurs, on précisera que, s’il apparaît plus favorable que le barème de l’ONIAM, le barème de la Gazette du Palais n’est pas exempt de critiques :
L’utilisation de tables de mortalité rétrospectives et non prospectives ;
La différence est opérée selon le sexe alors que d’autres facteurs, notamment socio-professionnels, ont un effet plus important sur l’espérance de vie ;
Des taux de référence qui ne reflètent pas la réalité de la conjoncture économique ;
L’absence de prise en compte du capital ou de ses revenus qui vient minorer l’indemnisation de la victime.
Ainsi, la récente actualisation du barème de capitalisation de l’Université Savoie Mont-Blanc par le Professeur Christophe Quézel-Ambrunaz permet d’éviter certains de ces écueils et de se rapprocher d’une juste indemnisation des victimes [2].
On rappellera enfin que la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a estimé dans un arrêt du 12 septembre 2019 (n°18-13.791) que :
« (…) c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel, tenue d’assurer la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit, a fait application du barème de capitalisation qui lui a paru le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation pour le futur, sans avoir à recueillir préalablement les observations des parties sur cette méthode de calcul ».
Une décision remarquable qu’il faudra rappeler aux juridictions lorsqu’un nouveau barème est publié après la clôture de l’instruction d’un dossier.