L'Oie est un cours d'eau. Par Joël Thalineau, Avocat

L’Oie est un cours d’eau.

Par Joël Thalineau, Avocat

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Explorer : # définition du cours d'eau # critères environnementaux # réglementation environnementale

En l’absence de définition légale du cours d’eau, le juge a posé des critères empiriques dont la pertinence semblait être mise en cause par les critères scientifiques posés par le Conseil supérieur de la pêche. La décision du Conseil d’Etat du 21 octobre 2011 (n° 334322) montre que la Haute juridiction opère une synthèse entre les deux démarches fragilisant la circulaire ministérielle qui avait voulu ignorer la démarche du CSP.

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Pour l’application des dispositions des articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement relatifs aux régimes de déclaration ou d’autorisation des « installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles », il convient de s’entendre sur une définition du cours d’eau. Cette définition n’est pas un jeu même lorsque l’objet de celle-ci se dénomme « l’Oie » !

Le Conseil d’Etat [1] vient d’intervenir dans un domaine où une tension existait suite à l’élargissement par le Conseil supérieur de la pêche « de la définition prétorienne à des critères environnementaux » [2] .

Traditionnellement, en l’absence de définition légale du cours d’eau, les Tribunaux se fondaient sur trois critères : « la permanence du lit, le caractère naturel du cours d’eau ou son affectation, s’il est artificiel, à l’écoulement des normal des eaux ou à l’écoulement des eaux publiques et courantes, le débit ou une alimentation suffisante » [3] . Pour le Conseil supérieur de la pêche, la définition repose sur la présence nécessaire d’un talweg et d’au moins un des critères parmi les suivants : « la présence d’une végétation aquatique, ou d’invertébrés aquatiques, ou de poissons, ou d’une alimentation en amont ou de berge et substrat différencié » [4] .

La décision du Conseil d’Etat en énonçant que « constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année » reprend la définition classique issue de la jurisprudence.

Toutefois, elle n’écarte pas, loin s’en faut, la définition préconisée par l’avis du CSP même si elle relève « que le Préfet d’Indre et Loire ne s’était pas fondée, pour prendre la décision attaquée, sur les seuls critères fixés par le Conseil supérieur de la pêche ».

Cela apparait, tout d’abord, dans l’argument retenu par le Conseil d’Etat pour annuler l’arrêt de la CAA de Nantes [5] . En effet, le Conseil d’Etat considère que « si la richesse biologique du milieu peut constituer un indice à l’appui de la qualification de cours d’eau, l’absence d’une vie piscicole ne fait pas, par elle-même, obstacle à cette qualification ». Ainsi « la richesse biologique du milieu » est un indice comprenant nécessairement plusieurs éléments puisque « l’absence de vie piscicole » n’est pas rédhibitoire.

Mais plus fondamentalement, la fusion entre les critères de la jurisprudence traditionnelle et ceux du CSP apparaît dans les modalités de reconnaissance, pour le cas de « l’Oie », du caractère de cours d’eau.

Ainsi la constatation de l’aménagement des fossés « dans un talweg », critère de base du CSP, et surtout, malgré l’absence d’un écoulement permanent, « la présence d’une végétation hydrophile et d’invertébrés d’eau douce », un des critères alternatifs du CSP, permettent « de qualifier le ruisseau de l’Oie » de cours d’eau.

Le juge se saisit des critères du CSP pour établir la réalité des critères prétoriens.

Ainsi, malgré l’artificialisation du cours d’eau à l’aide de fossés permettant l’écoulement de l’eau, l’existence d’un talweg est attestée par « les données cartographiques disponibles ».

Par ailleurs, « la présence d’une végétation hydrophile et d’invertébrés d’eau douce » constitue, en l’espèce, la démonstration de l’existence du critère prétorien relatif au « débit suffisant une majeure partie de l’année » du cours d’eau nonobstant l’absence d’un écoulement permanent.

Cette décision venant après celles du Tribunal administratif d’Orléans TA Orléans, [6] et du Tribunal administratif de Limoges TA Limoges, 31/10/2002, n° 99-756, [7] montre, à tout le moins, que l’exclusion des critères du CSP opérée par la circulaire ministérielle du 2 mars 2005 pour la mise en œuvre des missions de police de l’administration devrait être reconsidérée.

Joël THALINEAU
Docteur d’Etat en droit
Avocat au Barreau de Tours
Spécialisé en droit public & droit de l’environnement

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Notes de l'article:

[1CE 21/10/2011 Earl CINTRAT, n° 334322

[2Philippe Marc, Les cours d’eau et le droit, Ed. Johanet, 2006, p. 16

[3Jean-Louis Gazzaniga, Xavier Larrouy-Castéra, Philippe Marc & Jean-Paul Ourliac, Le droit de l’eau, Litec, 3ème éd., 2011

[4Ibid. p. 106-107 ; avis du CSP du 14 /10/2002

[5CAA Nantes, 29/09/2009, n° 08NT03377

[617/10/2008, n° 05-22208

[7Commune de Chaillac c/Préfet de l’Indre

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