La plaidoirie est-elle toujours utile ?
"Au-delà de la nécessité de la plaidoirie, c’est l’audience qui est indispensable. Pas seulement parce qu’on plaide, mais parce que c’est le lieu du débat, du contradictoire, de l’échange. Là où la vérité peut se manifester dans le sens des textes qui consacre sa recherche.
Priver les avocats de plaidoirie, c’est postuler que l’on peut juger « sur pièces », sur la base d’un dossier. Or si les juges peuvent rapporter une affaire et donc nécessairement se faire une idée de la situation en préparant l’audience, ils doivent forger leur conviction en laissant les parties s’exprimer devant lui, et donc les avocats plaider."
C’est quoi une "bonne plaidoirie" ?
"C’est celle qui trouve le chemin. Celle qui parle à celui à qui on s’adresse. Qui emporte la conviction. Celle qui trouve le regard du juge, accroche son oreille, puis fait hocher doucement la tête. Quelle félicité dans ces moments-là.
Plus concrètement, je pense que bien plaider, c’est connaître parfaitement son dossier, le porter avec conviction parce qu’on a fait sienne l’argumentation, mieux encore, parce qu’on y croit, et qu’on trouve la manière simple et persuasive de le résumer pour faire comprendre au juge qu’on a raison. Il faut trouver l’angle.
La bonne plaidoirie ne ressemble pas à une plaidoirie justement. Elle s’efface au profit d’un propos clair que le juge entend et qui lui fait dire « c’est ça, oui, elle a raison »."
Comment l’abordez-vous à titre personnel ?
"Après avoir bien travaillé le dossier, après avoir conclu, en laissant reposer un peu. En laissant les idées remonter et en exerçant son propos sur des tiers. Quand une affaire me préoccupe, avant de la plaider, je tente toujours de convaincre mon entourage, notamment mes enfants et j’exerce ma plaidoirie sur eux. Si je ne les convaincs pas, c’est qu’il faut revoir l’angle."
Estimez-vous y avoir été assez formée ?
"J’ai eu une chance incroyable, celle d’avoir travaillé dix ans aux côtés d’un grand avocat dont le verbe était toute sa vie : Olivier Schnerb. Il était brillant et très généreux, je l’accompagnais à toutes les audiences et l’écoutait, le regardait. J’avoue même, parce que les faits sont prescrits (!), l’avoir parfois enregistré parce que c’était si lumineux que je ne pouvais me résoudre à laisser les paroles s’envoler.
La conférence a été aussi une école formidable car on apprend à oser, tout le temps, tous les jours, pour défendre quotidiennement des dossiers très durs dans lesquels tout est contre la défense. Et vous apprenez beaucoup des autres secrétaires également. C’est riche et précieux."
Éloquence et plaidoirie vont-elles forcément de pair ?
"Il le faut !L’éloquence étant définie comme l’art de toucher et de persuader, à quoi bon plaider si ce n’est pour convaincre ? Il n’existe à mon sens aucun cas où plaider sans éloquence pourrait être utile à son client. Et éloquence ne signifie pas forcément grandiloquence et figures de style ampoulées. Il faut simplement trouver le ton juste, la forme adaptée, le propos circonscrit."
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