L’affaire concernait une salariée allemande d’origine russe qui avait postulé à deux reprises à un poste de développeur de logiciels et qui avait reçu par deux fois une réponse négative, sans que l’entreprise recruteuse ne s’explique sur les raisons de ce rejet.
Estimant remplir les conditions requises pour occuper le poste et se considérant alors victime d’une discrimination liée à son sexe, son âge et son origine ethnique, la candidate a assigné la société recruteuse pour la voir condamner au paiement de dommages et intérêts et la voir produire le dossier du candidat retenu.
La Cour fédérale du travail allemande, devant qui l’affaire avait été portée, a sursis à statuer et a posé les deux questions préjudicielles suivantes à la CJUE :
1- Les directives européennes 2000/43/CE, 2000/78/CE et 2006/54/CE (relatives à l’égalité de traitement) autorisent-elles un candidat qui remplit les conditions pour occuper un poste à pourvoir d’exiger de la société recruteuse de lui indiquer si elle a embauché une autre personne et si oui sur la base de quels critères ?
2- Le refus de l’employeur de communiquer les informations demandées constitue-t-il un fait de nature à présumer l’existence de la discrimination alléguée par le candidat ?
1. Réponse à la 1ère question : NON
Selon la CJUE, le droit européen ne prévoit pas un tel droit.
En conséquence, le recruteur est parfaitement libre de ne pas se justifier.
La CJUE ne fait que confirmer l’arrêt KELLY du 21 juillet 2011, rendu dans une affaire quasiment identique (CJUE, 21 juillet 2011, aff. C-104/10, Kelly).
Dans cette affaire, la CJUE avait affirmé que le droit européen n’autorise pas une personne se considérant victime d’une discrimination d’accéder à des informations détenues par l’employeur, afin qu’elle puisse démontrer des faits qui permettraient de présumer l’existence d’une discrimination.
Dans l’affaire du 19 avril 2012, la CJUE statue pareillement, puisqu’elle déclare que les directives, ci-dessus visées, « ne prévoient pas le droit, pour un travailleur alléguant de façon plausible qu’il remplit les conditions énoncées dans un avis de recrutement, et dont la candidature n’a pas été retenue, d’ accéder à l’ information précisant si l’employeur, à l’issue de la procédure de recrutement, a embauché un autre candidat ».
2. Réponse à la 2nde question : Mais il y a un DANGER !
La CJUE ajoute que le silence du recruteur « peut constituer l’un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’établissement des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ».
La CJUE invite alors le juge national à constater s’il y a eu ou non discrimination à l’embauche.
A ce propos, la Cour précise les éléments pouvant être pris en compte par le juge national pour statuer :
- le refus de tout accès à l’information dont le candidat a sollicité la communication,
- le fait pour l’employeur de n’avoir pas contesté l’adéquation entre le niveau de qualification du candidat et celui mentionné dans l’avis de recrutement,
- le fait de ne l’avoir pas convoqué à un entretien
Il est bien évident qu’un tel arrêt est à prendre au sérieux et que les recruteurs ne seront pas à l’abri d’accusation de discrimination.
Cependant, on rappellera que l’accès aux données personnelles est limité en droit français, par la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 (dite « loi informatique et libertés ») et en droit européen par la directive 2006/24/CE du 15 mars 2006 sur la conservation des données de l’Union européenne.
Affaire à suivre...
Aff. CJUE 19 avril 2012, aff. C 415-10, Galina Meister contre Speech Design Carrier Systems GmbH.