Enregistrement de l’entretien de licenciement à l’insu de l’employeur= pas d’atteinte à la vie privée.

Par Frédéric Chhum, Avocat.

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Explorer : # enregistrement clandestin # vie privée # droit à la preuve # activité professionnelle

Dans un arrêt du 12 avril 2023 (n°22-83.581), la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que l’enregistrement d’un entretien préalable à licenciement à l’insu de l’employeur n’est pas de nature à porter atteinte à l’intimité de sa vie privée, quand bien même les propos ont été tenus dans un lieu privé.

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1. Faits et procédure.

Un délégué syndical, assistant un salarié lors de son entretien préalable au licenciement, a enregistré la conversation à l’insu du Directeur général de l’entreprise présent lors de l’entretien.

Le 13 avril 2017, le Directeur général, a porté plainte et s’est constitué partie civile contre le délégué syndical du chef, notamment, d’atteinte à l’intimité de la vie privée par enregistrement de paroles tenues à titre privé ou confidentiel.

Le 29 juin 2021, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.

Le Directeur général a interjeté appel de cette ordonnance.

La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Metz, dans un arrêt en date du 5 mai 2022, a confirmé l’ordonnance de non-lieu aux motifs que l’entretien entre dans le cadre de la seule activité professionnelle du plaignant.

Le directeur général s’est alors pourvu en cassation.

2. Moyens.

Le directeur général fait grief à l’arrêt d’avoir confirmé l’ordonnance de non-lieu alors que :

  • La caractérisation du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui prévu par l’article 226-1, 1°, du Code pénal suppose la captation, l’enregistrement ou la transmission de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel sans le consentement de la personne qui les prononce ; que le délit est constitué sans qu’il soit nécessaire que les paroles captées, enregistrées ou transmises soient de nature intime ;
  • En l’espèce, le délégué syndical a enregistré à l’insu du Directeur général des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel sans le consentement de la partie civile.

3. Solution.

La chambre criminelle rejette le pourvoi du Directeur général aux motifs que :

« 6. Pour dire que M. [K], qui, en qualité de délégué syndical, a assisté M. [X] lors de son entretien préalable au licenciement avec M. [O] et a enregistré la conversation à l’insu de ce dernier, n’a pas commis de faute, l’arrêt attaqué énonce que l’entretien entre dans le cadre de la seule activité professionnelle du plaignant.

7. Les juges concluent que son enregistrement n’est, dès lors, pas de nature à porter atteinte à l’intimité de sa vie privée, quand bien même les propos enregistrés qu’il incrimine auraient été tenus dans un lieu privé.

8. En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application de l’article 226-1 du code pénal ».

4. Analyse.

L’article 226-1 du Code pénal prévoit que :

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
 1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; […]
 »

En l’espèce, pour rejeter le pourvoi formé par le Directeur général, la Cour de cassation considère que l’enregistrement de l’entretien préalable n’est pas de nature à porter atteinte à l’intimité de sa vie privée car l’entretien entre dans le cadre de la seule activité professionnelle du plaignant.

Cette solution n’est pas nouvelle, la chambre criminelle a déjà retenue la même solution pour des faits similaires dans un arrêt en date du 16 janvier 1990 (n°89-83.075).

Cette solution a également été retenue par la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 février 2006 (n°05-84.384), à propos de l’enregistrement de conversations téléphoniques avec des anciens collègues de travail.

En outre, l’enregistrement de l’entretien préalable, pourrait être utilisé comme mode de preuve.

En effet, si en principe enregistrer une personne à son insu est un procédé déloyal et donc un mode de preuve irrecevable, la jurisprudence admet parfois la production d’une preuve déloyale au titre du droit à la preuve.

Ainsi, une preuve déloyale peut être acceptée si elle est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve, et que l’atteinte qu’elle porte est proportionnée au but poursuivi (Cass. soc., 30 septembre 2020, n°19-12.058).

Sources

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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