Les grandes réformes fiscales attendues pour la fin de l’année 2012.

Par Thomas Carbonnier, Avocat

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Explorer : # réformes fiscales # tva # impôt sur la fortune # heures supplémentaires

Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 repose sur une hypothèse de croissance de 0,3 % en 2012, révisée à la baisse (0,5% auparavant). Dans cette optique, le gouvernement soumet au vote des parlementaires un certain nombre de mesures. Seules les plus importantes sont présentées ci-après.

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1) Abrogation de la TVA dite sociale

L’objectif est d’abroger le mécanisme de TVA dite « sociale », adoptée dans les derniers mois de la précédente législature, avant son entrée en vigueur programmée pour 1er octobre 2012.

Cette disposition a pour but d’éviter la hausse de 1,6 point du taux normal de TVA. Le gouvernement actuel estime qu’une telle hausse serait préjudiciable au pouvoir d’achat des ménages donc à la croissance. Son impact réel sur l’économie est discutable.

En revanche, la hausse de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du capital (dont le rendement en année pleine est de 2,6 Md€) est maintenue en tant que mesure de justice fiscale.


2) Suppression des allègements sociaux attachés aux heures supplémentaires et complémentaires de travai
l

Le gouvernement actuel veut supprimer les allègements sociaux attachés aux heures supplémentaires et complémentaires de travail mis en place par la loi « TEPA ». Toutefois, la suppression de l’avantage ne viserait que les entreprises de plus de 20 salariés à compter du 1er septembre 2012.

Le coût de ce dispositif a été estimé à 3,4 Md€ en année pleine et 4,9 Md€ en tenant compte de l’exonération fiscale). Or, malgré ce coût important l’impact sur le nombre d’heures travaillées a été très limité.

Cette suppression permettrait de réduire de 3 Md€ le coût du dispositif en année pleine. Elle constitue une première étape de la réforme complète des exonérations fiscales et sociales sur les heures supplémentaires. La révision de son volet fiscal (exonération d’impôt sur le revenu) interviendrait dans un second temps, en cohérence avec la réforme de l’impôt sur le revenu serait inscrite en projet de loi de finances pour 2013.

Afin de ne pas remettre en cause le traitement des heures déjà travaillées, ces évolutions ne s’appliqueraient, dans la majorité des cas, qu’aux heures de travail effectuées à compter du 1er septembre 2012.

3) Contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012

En vue de contribuer au redressement des finances publiques, il serait proposé d’instituer à la charge des personnes redevables de l’ISF au titre de l’année 2012 une contribution exceptionnelle sur la fortune.

Elle serait calculée sur la base d’un barème progressif inspiré de celui appliqué pour le calcul de l’ISF dû au titre de 2011.

L’ISF dû au titre de 2012, avant imputation des réductions d’impôt, serait toutefois imputable sur le montant de la contribution exceptionnelle.

4) Aménagements des droits de mutation à titre gratuit

Toujours dans le but de redresser les finances publiques, un aménagement de la fiscalité applicable aux mutations à titre gratuit est proposé. Cette mesure vise à mettre en œuvre les engagements pris lors des élections par le Président de la République.

L’objectif est également de rechercher des ressources nouvelles pesant principalement, pour un motif d’équité, sur les ménages les plus fortunés.

Ainsi, il est proposé :

- d’abaisser de 159 325 € à 100 000 € l’abattement personnel applicable pour les donations et successions sur la part de chacun des ascendants et de chacun des enfants vivants ou représentés ;

- de porter de dix à quinze ans le délai du rappel fiscal tant pour les donations consenties entre les mêmes personnes que pour les donations-partages transgénérationnelles ;


5) Suppression de la retenue à la source applicable aux distributions de dividendes de source française à des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), organismes de placement collectif immobilier (OPCI) ou sociétés d’investissement à capital fixe (SICAF) étrangers et création d’une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés sur les montants distribués

5.1) Cette mesure intervient dans le contexte de l’arrêt du 10 mai 2012 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

La CJUE a ainsi jugé que « la liberté de circulation des capitaux garantie par le droit communautaire s’opposait à la législation française qui soumet à une retenue à la source les dividendes de source française lorsqu’ils sont versés à des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) non-résidents tandis que ces mêmes dividendes n’y sont pas soumis lorsqu’ils sont versés à des OPCVM résidents de France ».

Cette mesure vise donc à mettre en conformité le droit français avec le droit communautaire.

Pour ce faire, il est proposé de supprimer la retenue à la source applicable aux revenus distribués aux OPCVM étrangers et, pour le même motif, d’étendre cette suppression aux autres organismes de placements collectifs (OPC) étrangers qui sont soumis actuellement à la retenue à source alors que leurs équivalents résidents de France sont hors du champ ou exonérés d’impôt sur les bénéfices (organismes de placement collectif immobilier, sociétés d’investissement à capital fixe).

La retenue à la source serait donc maintenue pour les distributions directes à des personnes physiques ou morales non-résidentes ainsi qu’à des organismes à but non lucratif établis hors de France.

Elle serait également maintenue pour les distributions payées dans un Etat ou territoire non coopératif, quel que soit l’Etat de résidence du bénéficiaire.

Cette mesure s’appliquerait aux sommes versées à compter de la date de publication de la loi de finances rectificative 2012.

5.2) Par ailleurs, pour compenser la perte de recettes pérennes liée à la suppression de cette retenue à la source, le gouvernement propose d’instaurer une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés (IS) de 3 % sur les montants distribués par les sociétés et organismes français ou étrangers passibles de l’IS en France.

Cette contribution additionnelle ne s’appliquerait pas aux organismes de placements collectifs.

Elle ne s’appliquerait pas non plus aux PME. L’idée étant d’éviter de les pénaliser dans leur accès aux sources de financements.

Seraient concernés tous les bénéfices distribués et les sommes ou valeurs non prélevées sur les bénéfices et mises à la disposition des associés, actionnaires, porteurs de parts ou de tiers, quelle que soit leur qualité (personnes physiques ou personnes morales) et leur lieu de résidence (en France ou à l’étranger).

Ainsi, cette nouvelle contribution permettrait d’imposer toutes les sommes qui prennent la forme de dividendes ainsi que toutes celles auxquelles le caractère de revenus distribués de façon occulte. Les sommes réinvesties dans l’entreprise ne seraient pas soumises à cette contribution.

Enfin, ne seraient pas soumis à la contribution les montants distribués à des sociétés susceptibles de bénéficier du régime mère-fille et détenant une participation supérieure à 10 % du capital de la société ou l’organisme distributeur.

La nouvelle contribution serait due pour les montants distribués dont la mise en paiement intervient à compter de la date de publication de cette loi de finances rectificative.

6) Doublement du taux de la taxe sur les transactions financières

Le secteur financier a bénéficié à la suite de la crise de 2008 d’un important soutien des États.

Il est légitime que le secteur financier apporte sa contribution à l’effort collectif de redressement des finances publiques, d’autant que la crise est en partie le fruit de dysfonctionnement des marchés financiers.

La taxation des transactions financières adoptée par la loi de finances rectificative pour 2012 du 14 mars 2012 est en retrait par rapport à la proposition de directive présentée en septembre 2011 par la Commission européenne.

Cet article vise donc à accroître le rendement de la taxe en doublant son taux. Le taux retenu sera ainsi identique à celui de la proposition de directive européenne qui envisage de taxer chaque partie à la transaction à hauteur de 0,1 %.

Pour des raisons pratiques, la date à laquelle serait appréciée la capitalisation boursière des sociétés serait avancée au 1er décembre de l’année qui précède celle d’imposition (31 décembre actuellement).Ainsi, les opérateurs sauront, avant le début de l’année d’imposition, les titres de sociétés dont les transactions entrent dans le champ de la taxe.

7) Versement anticipé de contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés

Dans le contexte actuel de réduction des déficits publics, cette mesure viserait à mettre en place un versement anticipé de contribution exceptionnelle sur l’IS à la date prévue pour le paiement du dernier acompte d’IS.

8) Suppression de l’avantage fiscal lié à la provision pour investissement

Le II de l’article 237 bis A du code général des impôts permet la constitution en franchise d’impôt d’une provision pour investissement réservée aux entreprises qui soit ont adopté une formule dérogatoire de calcul de la participation, soit appliquent volontairement la participation (PME < 50 salariés).

Ce mécanisme de provisionnement a été introduit dans le but de maintenir les marges d’autofinancement des entreprises en vue de réaliser certains investissements lorsqu’elles attribuent à leurs salariés une participation aux résultats de l’entreprise qui excède la participation à laquelle aurait donné droit l’application de la formule légale.

Cette mesure a été jugée inefficiente par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales (rapport de juin 2011) pour un certain nombre de raisons :

- l’absence de garantie que la provision permettra à l’entreprise de disposer des liquidités nécessaires aux investissements projetés ;

- l’effet d’aubaine inhérent à ce type de mécanisme ;

- le champ trop large des investissements éligibles.

Par ailleurs, l’impact réel de ce dispositif sur l’investissement ne peut être déterminé et l’avantage définitif qu’il procure paraît excessif au regard des objectifs qui lui sont assignés et de l’impossibilité d’en mesurer l’efficacité réelle.

Pour l’ensemble de ces raisons, il est proposé de supprimer cette mesure : aucune nouvelle déduction ne serait autorisée au titre des exercices clos à compter de la date de publication de la présente loi.

9) Dispositif anti-abus relatif aux schémas de désinvestissement dits « coquillards »

Ce dispositif vise à lutter contre certains montages consistant pour une société mère, dans un premier temps, à percevoir d’une filiale des dividendes exonérés d’impôt sur les sociétés (IS) en application du régime des sociétés mères ou en application du régime de groupe et, dans un second temps, à déduire une perte au taux de droit commun de l’IS (perte, moins-value sur la valeur de la filiale, ou provision pour dépréciation selon les cas) correspondant au montant des dividendes préalablement perçus (qui peuvent notamment avoir pour effet de vider la filiale de sa substance).

Cette mesure vient compléter celle adoptée l’an dernier à l’article 11 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 en visant trois nouveaux schémas abusifs.

Le premier type de montage porte sur des sociétés dont l’actif relève du régime du court terme en application du deuxième alinéa du a ter du I de l’article 219 du code général des impôts et qui déduisent, de manière abusive, soit une moins-value en cas de cession, soit une provision pour dépréciation des titres.

Le deuxième type de montage est réalisé par des sociétés relevant du régime fiscal des marchands de biens prévu au 1° du I de l’article 35 du même code pour lesquelles les titres sont inscrits en stocks et qui déduisent, de manière abusive, soit une perte sur stocks, soit une provision pour dépréciation des stocks.

Le troisième type de montage est réalisé par une société qui, moins de deux ans après l’acquisition des titres d’une autre société, absorbe cette dernière sous le régime de faveur des fusions et déduit, à cette occasion, une moins-value à court terme résultant de l’annulation, à son actif, des titres de la société ainsi absorbée.

Pour le premier type de montage, la mesure vise à rendre non déductible au taux de droit commun de l’impôt sur les sociétés, selon les cas, la moins-value ou la provision constatée par la société mère, à hauteur des bénéfices distribués précédemment en franchise d’impôt. De plus, afin de ne viser que les montages abusifs, ne sont visées par cette non-déduction à court terme que les distributions réalisées au cours de l’exercice de réalisation de la perte et des cinq exercices précédents.

Pour le deuxième type de montage, la présente mesure vise à exclure du régime des sociétés mères, les titres inscrits en stocks par les sociétés relevant du régime fiscal des marchands de biens.

Pour le troisième type de montage, la présente mesure vise à rendre non déductible, au taux de droit commun de l’IS, la moins-value constatée par la société absorbante à hauteur des bénéfices distribués en franchise d’impôt par la société absorbée depuis son acquisition.

Cette mesure serait d’application immédiate.

10) Création du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce »

Dans le cadre du programme de soutien au désendettement de la Grèce, les ministres des finances de la zone euro ont décidé, les 20 février et 12 mars derniers, de restituer à la Grèce les revenus perçus par les banques centrales de la zone euro sur les titres grecs, soit 4 Md€ au titre de la période 2012-2020 dont 754,3 M€ pour la France.

Si le financement de la mesure est à la charge des banques centrales nationales, sa mise en œuvre est de la responsabilité de chacun des États membres. Aussi, afin d’assurer la traçabilité de ces flux financiers devant transiter par le budget de l’État, il est proposé la création d’un compte d’affectation spéciale (CAS) au sein du budget de l’État.

Ce CAS percevra en recettes une contribution volontaire spécifique de la Banque de France régie par une convention conclue avec l’État le 3 mai 2012. En dépenses, le compte procédera au versement à la Grèce des tranches 2012 à 2020 suivant une chronique indicative annexée à cette convention.

L’ensemble de ces opérations sera donc neutre pour l’État qui ne jouera qu’un rôle d’intermédiaire. L’utilisation d’un CAS garantira en outre la pleine information du Parlement tout au long de la période 2012-2020

11) Rétablissement du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % dans le secteur des livres

L’objet de cette mesure vise rétablir le taux réduit de la TVA de 5,5 % en vigueur jusqu’au 1er avril dernier sur les livres quel que soit leur support soutient la filière du livre et contribue à la promotion de la lecture.

12) Assujettissement aux prélèvements sociaux sur le capital des revenus immobiliers de source française (revenus fonciers et plus-values immobilières) perçus par les non-résidents

Les prélèvements sociaux sur les revenus du capital sont des impositions de toute nature à vocation universelle.

Historiquement, ils se sont appliqués aux revenus soumis à l’impôt sur le revenu puis leur champ d’application a été élargi à la plupart des revenus exonérés d’impôt.

Néanmoins, la référence d’origine à l’impôt sur le revenu a été effectuée en matière de territorialité sur un champ plus restrictif pour les prélèvements sociaux, puisque le législateur a limité le champ des redevables aux seules personnes ayant leur domicile fiscal en France.

Ce choix conduit donc à ne pas assujettir les revenus de source française soumis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques qui ne sont pas considérées, sur le plan fiscal, comme ayant leur domicile en France. Ainsi, les revenus immobiliers de source française perçus par les non-résidents (revenus fonciers et plus-values immobilières) sont imposés à l’impôt sur le revenu mais ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux en l’état actuel de la législation.

Le gouvernement veut établir « une égalité de traitement entre redevables de l’impôt afin de progresser sur le chemin de la cohérence entre l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux ».

La mesure proposée consiste à soumettre aux prélèvements sociaux (15,5 %) les revenus immobiliers (revenus fonciers et plus-values immobilières) de source française perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France.

13) Hausse du prélèvement social sur les "stock options" et attributions gratuites d’actions

Le niveau des prélèvements sociaux sur les stocks options, actuellement fixé à 8 % pour la contribution salariale et 14 % pour la contribution patronale.

Afin de renforcer la convergence entre les différentes formes de rémunérations, le gouvernement souhaite augmenter le niveau du prélèvement social libératoire appliqué aux stock options et attributions gratuites d’actions : celui-ci augmentera à 10 % pour la part salariale et 30 % pour la part patronale.

Le gouvernement justifie cette augmentation par la faible utilité sociale et économique de ces formes de rémunérations : elles ne sont pas liées à la production de valeur.

L’ensemble de ces mesures sont actuellement débattues devant l’assemblée nationale. Elles seront très certainement amendées puis soumises au vote des sénateurs (qui à leur tour déposeront des amendements…). Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 est donc loin d’être définitif et sera très certainement à évoluer !

Thomas Carbonnier, Avocat Associé - Cabinet EQUITY AVOCATS

carbonnier chez equity-avocats.com

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