En premier lieu, il est à prendre acte que l’expertise de justice en incendie est la seule discipline qui ne se fonde pas sur l’apprentissage et l’exercice d’un métier. Il n’y a pas de profession de réalisateurs d’incendie. Les Sapeurs-Pompiers, s’ils sont légitimes à exercer cette fonction, ne sont pas pour autant détenteurs de toutes les compétences indispensables à son exercice.
À cela, il est également à considérer que l’incendie ne relève pas d’une science exacte, mais d’une science non exacte [1], dont les conséquences sont de nature à être argumentées à partir des sciences dites exactes telles la chimie, la physique, la résistance mécanique des matériaux, etc.
Enfin, à l’instar de ce qui a été retenu pour la médecine légale, notamment pour l’autopsie post mortem, il convient de respecter une méthodologie exhaustive chronologique dont les argumentations sont contrôlables et vérifiables en références aux règles scientifiques, techniques et normatives-techniques s’appliquant. Ce travail de rigueur, produit dans un mode de raisonnement déterminé et préalablement exprimé, doit respecter l’usage du vocabulaire catégorique [2] de la part de l’expert de justice toutefois associé à une communication, orale et écrite, en langage dit de Plus Grand Commun Dénominateur (P.G.C.D.) permettant à chacun de contribuer aux débats. Il s’agit du devoir de respect de « l’égalité des armes » [3] de la part de l’expert de justice.
Sauf en ce qui concerne la doctrine, par définition, une décision de justice ne se commente pas. Pour autant au travers de celle-ci, ne relatant que très partiellement les faits, il est possible de questionner les motivations exprimées au regard de ce qu’elles sont de nature à signifier des causes les ayant induites dont notamment celles concernant les expertises.
Pour notre intervention, relative à la mission d’expertise de justice, sans faire grief à quelque personne que ce soit, les présentes interpellations sont de nature à mobiliser l’attention des Avocats sur les droits qu’ils détiennent, au profit de leur client, sur le bon exercice des devoirs de l’expert de justice.
Le fond de l’affaire concernée.
Le fond de l’affaire échappe totalement à l’expert de justice en ce qu’il relève du domaine du droit dans la détermination des responsabilités. Cependant, constituée par les effets d’un incendie, la présente affaire s’est appuyée, dans son volet soumis à l’institution justice, sur l’éclairage apporté par un expert. Peu importe d’ailleurs qu’il soit privé ou de justice les obligations, d’un point de vue éthique, sont strictement identiques
Inévitablement les présents commentaires formulés ne peuvent s’appuyer que sur la lecture de la décision rendue par la Cour de Cassation [4] et sur l’article « Le caractère indéterminé d’un sinistre peut-il constituer une cause d’exonération de responsabilité sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ? » [5]. Sous ses réserves, il peut néanmoins être produit une forme « d’amicus curiae » dont l’objet serait d’alimenter un débat, selon le « principe d’amélioration continue », au profit de la nature de l’éclairage dont l’institution justice puisse pleinement bénéficier.
Les observations à suivre n’emportent aucun grief à l’encontre de quiconque, mais offre la possibilité à chacun de s’interroger sur les devoirs s’imposant dans le cadre de l’exercice d’une fonction. Cela induit la notion d’exhaustivité susvisée de toutes les actions réalisées, de leur qualité et de la nature de leur transcription. Si l’accès de compréhension par tous est indispensable aucune dénaturation des faits et argumentations ne doit être possible et il convient également de s’interroger des possibles interactions ultérieures, éventuellement en légitime opportunité, de ce qui n’aurait éventuellement pas été transcrit [6].
Le support de l’affaire.
L’affaire s’est constituée par la survenue de l’incendie d’une maison individuelle dans la période de la garantie décennale. Cette construction, confiée à une société, a fait l’objet de sous-traitances pour certains de ses lots dont celui d’électricité. Le chantier a été réceptionné sans qu’aucune réserve ne soit exprimée.
Ultérieurement, le Maître d’ouvrage a réalisé, par lui-même, des travaux complémentaires de distribution électrique sur l’installation initiale avec complément d’isolation dans les combles empruntés pour le passage dudit complément d’installation électrique.
Consécutivement à la survenue de l’incendie, survenu 9 ans 2 mois et 3 semaines après la réception des travaux, une expertise a été produite de caractère amiable semble-t-il. Il est à retenir qu’il y ait également eu recours à un sapiteur sans qu’il ne soit plus précisé le contexte juridique définissant ladite procédure.
La lecture de l’Arrêt de la Cour de Cassation.
La présente lecture n’emporte de commentaires qu’à partir de ce qu’il est permis de visualiser des faits tels que partiellement transcrits. Ceux-ci ne concerneront que le volet technique constitutif du domaine de l’expertise.
« L’arrêt retient que l’expert a constaté une origine électrique de l’incendie provenant des combles de la maison ». (Page 1 de l’Arrêt).
Il est à prendre acte de la notion d’origine électrique, qui en l’absence de stricte définition institutionnalisée, exprime la source d’énergie ayant initiée la combustion en son point d’origine.
Cette notion d’origine se formalise au regard de la notion de point d’origine, matérialisant le point exacte où l’interaction des trois éléments du triangle de la combustion s’est produite par la manifestation initiale de la combustion [7].
En l’état, il semble que la zone volumique mais également celle surfacique de nature à traduire cette localisation aient totalement disparu par suite des effets de l’incendie et de l’intervention des secours. Pour autant il reste réalisable de reconstruire graphiquement, en deux ou trois dimensions, cette localisation sur la base des informations détenues, des signes objectifs constatés et argumentés ainsi que de leur interprétation en terme cinétique de l’incendie. Si les points de connectiques électriques restent des facteurs de probables point d’origine d’un incendie leur totale absence ne peut induire, de facto, qu’il ne puisse y avoir eu d’incident électrique dont un éventuel échauffement par une surintensité utilisée ou découlant d’un sous-dimensionnement de câbles ou fils.
Dans la présente affaire, il importe de se reporter au rapport d’expertise pour observer l’obligation d’argumentation, contrôlable et vérifiable, en référence aux règles scientifiques, techniques et normatives techniques portant sur cette notion « d’origine ». Il ne peut s’agir d’une simple affirmation emportant valeur d’axiome.
« dont la cause demeure inconnue, ». (Page 1 de l’Arrêt)
Se pose la signification portée au substantif « cause » et par voie de conséquence à celui en dérivant de « causalité ». La notion même de cause emportant une relative polysémie dans le domaine juridique, imposant l’ajout d’un adjectif qualificatif, doit être exprimée en son sens expertal. Elle traduit la motivation de l’interaction exclusive de causalité qui va générer une ou des conséquences. Chaque cause, en elle-même, est unique sans que cela ne puisse exclure le caractère pluriel de causes pour une même conséquence globale.
La qualification de cause inconnue, dont il est plus juste expertalement de dénommer « cause indéterminée », doit supporter les mêmes argumentations que ci-avant en ce qu’elle n’est pas sans éventuelle incidence sur le point d’origine, voire même sur l’origine du sinistre en sa notion de source d’énergie.
Même si cela n’est pas fréquent il n’est pas exceptionnel que, dans le travail d’analyse avec recul lors de la rédaction du rapport, des interrogations se présentent et que des échanges contradictoires avec les Parties s’imposent y compris par la tenue d’une nouvelle réunion. Sans que des obstacles n’aient été produits, ni que de la mauvaise foi puisse être évoquée, il est également de probabilité non négligeable que l’obscurité se dégage, notamment sur la cinétique du sinistre, et que les pièces du puzzle se réorganisent et se positionnent de façon adéquate. Quelle serait la crédibilité de l’expert si par le travail produit il en venait à devoir reformer son affirmation par élimination de l’origine du sinistre qui puisse se trouver modifiée ? Reconnaître, en un instant donné, un caractère indéterminé permet aussi de conserver un raisonnement ouvert pour reconsidérer son travail en fonction de la réalité des données finales vérifiées et soumises à la réfutation possible.
« M. X... a installé des prises de courant et l’éclairage dans le garage en traversant les combles ». (Page 1 de l’Arrêt)
En premier lieu, il est à factualiser, dans la partie de description initiale de l’infrastructure électrique complétée, au sein du rapport d’expertise, la nature de la réalisation en ses matériaux et équipements utilisés. Il est également à recueillir les déclarations dans le positionnement des lignes d’alimentation, sous forme de câbles, sous forme filaire passée dans des tubes non combustibles, ni propagateurs de la flamme, et s’ils reposent directement sur l’éventuel plancher du comble, contre ses parois, sur les solives ou entre elles s’il n’y a pas de plancher. Le positionnement des éventuelles zones de raccordement, quelle qu’en soit leur nature, à l’air libre ou en boite fermée doit également être recensé.
S’il n’y a pas de plans de réalisation des factures peuvent permettre d’identifier ces informations qui ne sont pas négligeables dans les faits à retenir. C’est la notion des différents Référentiels-Évènementiels à réaliser et transcrire pour figer objectivement la matérialité des faits.
Selon la situation de la scène de sinistre, lors des investigations expertales, il est à observer au sein du rapport si les lignes électriques en fils de cuivre, dont la température de fusion est de 1084 degrés, restaient en tout ou partie persistantes et si des connexions électriques étaient, ou non, présentes dans la longueur traversées des combles. Même avec une forte altération des lieux, du fait de l’incendie et de l’action des secours, il est fréquent que les vestiges d’installation électrique persistent et qu’il puisse en être dégagé des constatations et des interprétations scientifiques et techniques permettant de compléter la reconstruction de la cinétique du sinistre.
Dans le présent exemple donné faisant état d’une verticale à la chambre référencée trois il ne doit pas être exclu que les investigations techniques nécessitent de passer au tamis les débris au sol dans un rayon modéré de cette verticale. Moins réaliste aujourd’hui, avec les raccordements à bilames, les anciennes connexions dénommée de dominos, toujours conformes et utilisées, sont de nature à être retrouvées et pouvoir être analysées. Dans un exemple concret d’expertise de justice un congélateur était mis en cause. Les signes objectifs relevés en réunion contradictoire ne présentaient pas de concordance avec une telle allégation.
La procédure méthodologique conduit à prendre acte de signes objectifs précis et significatifs dans l’environnement direct du tableau de protection-distribution ayant été récemment remplacé par un professionnel. Le démontage et l’analyse avec un sapiteur électricien permis de constater que le peigne raccordant les huit équipements de protection desservis était composé d’un élément de quatre broches et d’un de cinq broches les deux centrales étant superposées pour assurer la continuité. Le démontage de ces deux peignes montra que les broches superposées ne supportaient pas d’effet de matrissage relatif à un serrement satisfaisant et que des zones d’échauffements étaient à relever. Cinq plus quatre en recouvrement fait bien huit mais pas un élément constitutif.
Au niveau du tableau de protection-distribution les constatations et les analyses se manifestent depuis les départs distincts des lignes dont les éléments de protection varient selon qu’il s’agisse d’une ligne de distribution dédiée à l’éclairage ou à des prises de raccordement. Sont également à constater en ce point de centralisation les sections de fils utilisés mais également le positionnement et l’état des organes de sécurité après sinistre.
« en ajoutant de la laine de verre sur l’isolation d’origine ». (Page 1 de l’Arrêt).
Tant par les déclarations du Maître d’ouvrage, du Maître d’œuvre que du constat des pièces du dossier de construction il est permis de connaitre la nature de l’isolation initiale, tant quantitativement que qualitativement et également le mode de pause. Il peut être d’intérêt pour délimiter le contexte, sous forme de système isolé [8], à analyser de connaître les motivations de rajout de laine de verre pour compléter l’isolation. En quoi cet ajout, de matière supposable non-combustible, peut-il éventuellement avoir interféré dans la survenue de l’incendie et de son développement ?
La laine de verre, sauf lorsqu’elle comprend une feuille de papier kraft pare-vapeur, n’est pas inflammable. Avec cette feuille le matériau perd tout classement en « réaction au feu , à la combustion, mais aucun essai n’a jamais exprimé les incidences pouvant se produire.
Selon le positionnement initial de l’isolant, dont la nature est à préciser, et le recouvrement par le nouveau, la causalité de survenue d’un incendie ne peut découler que de l’échauffement de fils électriques, en quel que lieu de la traversée des combles, ou d’un incident électrique au niveau d’une connexion, notamment mal serrée, s’il en existe sur ledit parcours d’installation rajoutée.
A minima une reconstruction virtuelle sur la base de déclaration peut être produite. Il s’agira d’un fait qui sera confronté à la cinétique du sinistre puis qualifié, par des argumentations contrôlables et vérifiables, de probablement vrai de certainement faux ou d’indéterminé.
« tout en constatant une origine électrique de l’incendie et par des motifs impropres à établir l’existence d’une cause étrangère, ». Page 1 de l’Arrêt
La présente phrase exprime toute la complexité rédactionnelle dans l’interaction pouvant se produire entre le domaine du droit et celui de l’expertise technique.
Quelle que soit l’ampleur du sinistre il convient de constater au sein du rapport d’expertise, voire de celui du sapiteur, les constatations transcrites notamment en ce qu’elles pourraient manifester une disjonction de protection soit sur une ligne de départ, soit au niveau général sur le tableau général.
Cette phrase emprunte à deux domaines différents sans en sérier les éléments constitutifs induisant soit une dénaturation du contexte, soit une confusion par l’absence de considération d’un vocabulaire catégorique. À titre d’exemple il est à citer l’origine recevable de l’énergie électrique mais s’agissant de la cause celle-ci ne peut exclure l’éventuelle action d’un rongeur qui ne modifie nullement la nature de l’origine de l’incendie mais se complète par une notion « de cause » qui n’impliquera pas la qualité de l’infrastructure électrique. Notamment dans les matériaux d’isolation cette observation ne peut être exclue.
« Aux motifs qu’ il est constant que l’habitation des époux x..., construite par la sas maisons abc et réceptionnée sans réserves le 21 octobre 2002, ». (Page 3 de l’Arrêt)
À titre expertal, il s’agit d’une information factuelle de nature à traduire que l’installation ait été réalisée dans le respect des normes et règles de l’art applicables. Il est à observer l’éventualité d’incidents, de nature électrique, avant les dates de modification de l’installation et de celle du sinistre puis à identifier, en cette circonstance, sur quelle partie d’installation ils se sont produits.
« attendu que le cabinet POLYEXERT mandaté par la compagnie MMA assureur des époux X... afin de déterminer l’origine de l’incendie, s’est adjoint les services de Monsieur Xavier E... spécialisé dans la recherche des causes de ce type de sinistre ». (Page 3 de l’Arrêt.)
Le contexte précise que l’expertise est de nature amiable. Les devoirs, en matière d’investigation et de qualité d’argumentation, de l’expert amiable sont strictement les mêmes que ceux d’un expert de justice et le temps à consacrer à la mission est également identique ou tout au moins similaire. Au-delà de la considération technique il s’agit de l’application éthique de chacun dans l’exercice de sa fonction.
« attendu que M. E... retient une origine électrique à l’incendie à partir des combles ». (Page 3 de l’Arrêt.)
La formulation est de nature à supporter une éventuelle confusion du fait de la polysémie du substantif « origine » dont la portée retenue est de nature à être discordante d’avec celle à retenir au titre de l’éclairage expertal à produire.
En l’impossibilité de lire le rapport produit, il n’est pas possible de produire une visualisation de la scène de sinistre et des zones préservées, en tout ou partie, permettant de relever, voire de reconstruire la présence de signes objectifs.
Avant d’affirmer la nature d’origine électrique, il est fondamental d’exprimer les arguments qui conduisent à pouvoir déterminer cette qualification.
Même si les qualifications doivent emporter la nature « d’indéterminée », elles doivent être précisées par les notions de lieu d’origine, volume au sein duquel s’est constitué l’incendie puis la localisation du point d’origine « endroit où s’est produite l’interaction entre le combustible, le comburant et la source d’énergie. Sans verser dans la notion d’hypothèse [9] non recevable il est possible de reconstruire graphiquement la réalité la plus probable et d’en analyser les incidences. Il est également à ne pas omettre la complexité que présente l’énergie électrique par le fait que la cause de l’évènement puisse être distant du point d’origine de survenu du sinistre. Tel est le cas d’un dysfonctionnement sur un organe de protection dont les effets, notamment d’intensité électrique, se manifeste à distance en aval sans que la qualité normative de l’installation ne soit à dénoncer.
La détermination du lieu d’origine de l’incendie, fondamentalement différente de la notion d’origine de l’incendie, traduisant la source d’énergie, au sein des combles, doit trouver ses argumentations, contrôlables et vérifiables, au sein du rapport d’expertise. Un entretien avec le Commandant des Opérations de Secours (C.O.S.) est également de nature à traduire la situation évènementielle lors de l’arrivée des secours et à permettre de pouvoir formaliser un premier Référentiel-Évènementiel à confronter avec ceux suivants y compris celui factualisé lors de la réunion d’investigation pratique.
« dont la cause demeure cependant inconnue en raison du déblaiement de la zone de départ par les services de secours ne permettant plus d’identifier la cause du sinistre (rapport p. 15) ; ». (Page 3 de l’Arrêt.)
En l’impossibilité de lire le rapport produit, avec notamment ses descriptifs et les photos du reportage photographique, il n’est pas possible de produire une visualisation de la scène de sinistre et des zones préservées, en tout ou partie, permettant de relever, voire de reconstruire la présence de signes objectifs.
À nouveau la notion de « cause » pose interrogation quant à sa signification portée. En matière expertale, de façon très sommaire mais en l’état satisfaisantes, il est à exprimer que les causes expertales sont constitutives : « Cause naturelle » traduisant un effet naturel, tel la foudre, (voire des volcans dans les zones concernées), dont la survenue intervient sans interaction de l’Être humain (cela implique que le respect des normes parafoudre est exercé lorsqu’elles s’imposent). Il serait également à analyser, notamment au regard du changement climatique, les causes naturelles du fait de la fermentation de végétaux et d’atteinte de leur température d’auto inflammation à l’instar de ce qui se produit avec du fourrage engrangé avec un trop fort taux d’humidité ; « cause accidentelle » traduisant qu’elle n’est pas constitutive d’un acte volontaire même si le questionnement est permis lorsqu’il y a non observation d’obligations à satisfaire que cela soit consciemment ou inconsciemment ; « cause technologique » traduisant le fait d’un élément, d’un équipement, produit par l’Être humain mais sans qu’aucune interaction avec ce dernier ne soit à relier. Bien que généralement de caractère involontaire, accidentel, cette cause peut comporter les effets d’un possible manquement conscient ou inconscient d’une personne concernée ; « cause volontaire » qui est de nature à se distinguer en deux volets celui d’accidentel et surtout celui de malveillant.
En l’état, avant de se prononcer sur la notion de « cause » il est à se pencher sur celle de causalité permettant de construire cette notion précitée. Dans sa linéarité constitutive il est ainsi possible de matérialiser les possibles zones d’absence de signes objectifs et de déterminer leurs possibles incidences sur la qualification de probablement vrai, de certainement faux ou d’indéterminé.
Il est à relever que la qualité du substantif « cause », ayant une interaction forte entre le domaine juridique et dans le domaine technique, puisse être de nature à dénaturer la « pensée » qu’il supporte.
S’il est un fait que l’action des secours induise des conséquences sur l’état de conservation de la scène de sinistre, c’est avant tout sur la localisation du point d’origine que de la cause que ses effets sont de nature à porter. Selon le contexte opérationnel s’étant imposé aux secours il est effectivement de haute probabilité que les investigations pratiques à produire soient plus complexes et plus chronophages qu’en certaines autres circonstances. Il est également à retenir qu’au plan expertal technique les absences de signes objectifs, de constatations peuvent présenter un caractère plus prégnant que les faits relevés. Les « absences » emportent également très fréquemment des significations fortes d’argumentation contrôlable et vérifiable qui ne peuvent être ignorées alors même qu’elles ne sont pas naturelles d’accès pour les personnes non initiées.
« attendu que cet expert ajoute, selon les déclarations de la famille X..., que les installations électriques ont été modifiées depuis 2002 par Monsieur X... (prises de courant et d’éclairage mises en œuvre dans le garage en cheminant par les combles) ». (Page 3 de l’Arrêt.)
En l’impossibilité de lire le rapport produit, il n’est pas possible de produire une visualisation de la scène de sinistre et des zones préservées, en tout ou partie, permettant de relever, voire de reconstruire la présence de signes objectifs.
La stipulation des travaux complémentaires produits, sauf concordance avec des dérogations normatives permises, vise une réalisation de nature à être constitutive de deux infrastructures différentes. La première est de nature à être constitutive de l’alimentation des points d’éclairage, la seconde des points de prises de raccordement dont les sections de fils d’alimentation sont différentes ainsi que les protections desdites lignes dédiés desservies.
De ce qui est à lire, sauf à ce que lesdites alimentations aient été reprises sur d’éventuelles boites de dérivation situées au sein des combles la ou les lignes d’alimentation sont de nature à être d’une seule entité du point de départ du tableau de protection-distribution jusqu’à l’alimentation au sein du garage. Ce second contexte, d’une ou deux lignes dédiées, continues du tableau de protection-distribution jusqu’à l’alimentation au sein du garage est de nature à exclure toute possibilité d’incendie électrique de type arc ou charbonnage d’une connexion dans le volume des combles. Seule une éventuelle surintensité, sur des fils convenablement dimensionnés, voire sous-dimensionnés, est de nature à venir constituer une cause, de probabilité toutefois très minime, de l’origine du sinistre. De « présomption normative », qui ne relève pas d’une hypothèse mais d’un fait se devant d’être, il serait à retenir que les lignes initiales, puis celle de complément d’installation, sont sans discontinuité entre le raccordement sur l’organe de coupure du tableau de protection-distribution et le point d’alimentation de l’éclairage ou des prise de raccordement au sein du garage. La probabilité d’un point d’origine au sein du comble reste à argumenter comme relevant du « certainement faux », du « probablement vrai » voire de « l’indéterminé ».
« attendu en effet, d’une part que l’expert E... n’a pas été en mesure de déterminer avec précision la cause de l’incendie, ». (Page 3 de l’Arrêt).
L’expression « n’a pas été en mesure de déterminer avec précision » n’est pas de nature à exprimer l’éclairage que doive produire l’expert de justice. Soit la cause est déterminée de la façon la plus probable respectant ainsi le principe de scientificité s’imposant à l’expertise de justice, soit elle est indéterminée et les deux qualifications doivent être argumentées et référencées. La notion de « avec précision » est pleinement constitutive de la qualité d’argumentation contrôlable et vérifiable s’imposant dans le cadre d’un éclairage expertal.
Le caractère de précision ne peut généralement pas porter sur la cause mais éventuellement sur la causalité qui traduit la reconstruction de la cinétique de ladite cause. Comme exprimées ci-avant les notions de « cause » et de « causalité » sont de nature à supporter des dénaturations de leur signification selon le domaine au sein duquel elles sont exploitées. La cadre de référence de telles affaires est celui du droit et le contexte ne peut permettre d’exclure de ce domaine ou de celui de l’expertise les terminologies de « cause » et de « causalité ». Il appartient donc à l’expert, notamment de justice, d’associer systématiquement une note de bas de page sommaire, quitte à renvoyer à une annexe plus détaillée, appelant l’attention sur la portée de ces deux vocables.
« il en ressort les informations suivantes : l’incendie a pris naissance dans les combles au droit de la chambre 3 ; tous les indices ont été effacés dans la zone de départ de l’incendie par les opérations de déblaiement des services de secours ; ». (Page 4 de l’Arrêt.)
Il ressort que cet élément repris par la Cour soit extrait du rapport du sapiteur et non contenu dans celui de l’expert dont le caractère d’exhaustivité lui confère la nécessité de description des lieux et de qualification des différentes zones à qualifier de lieu d’origine de point d’origine puis d’origine en la source d’énergie déterminée au regard de celles potentiellement présentes dans la zone du point d’origine.
La présente transcription localise virtuellement la zone de nature à contenir le point d’origine de l’incendie. Il est donc possible de confronter cette zone virtuelle avec la nature descriptive de l’infrastructure électrique, d’origine, celle complétée, et d’en relever les éventuels points de connexion. Cette confrontation doit être complétée par les signes objectifs, restant constatables, de la cinétique du sinistre depuis son point d’origine jusqu’à son expansion globale. Sauf exception à argumenter, de façon contrôlable et vérifiable, telle la présence de zones de stockages, l’intensité destructive par combustion-carbonisation est décroissante proportionnellement à la distance d’éloignement du point d’origine dont il est fait état de la verticale de la chambre référencée trois.
Malgré l’intervention des secours il est envisageable de reconstruire la cinétique la plus probable du sinistre en fonction des matériaux présents, combustibles et non combustibles (laine de verre), de nombreux signes objectifs des effets de la combustion restant constatables et interprétables. Ce travail ne peut être réalisable lors des actions d’investigation pratique. C’est également en cela que la rédaction du rapport ne peut être produite que par l’expert lui-même et non délégué à un secrétariat même à partir de notes. La rédaction associée aux photos à reprendre et à inclure constitue une deuxième étape, avec recul, d’investigation théorique de celles pratiques, permettant de les confronter à leurs argumentations à produire mais également à la réfutation possible d’autant que l’incendie relève d’une science non exacte se référant aux sciences dites exactes.
De fortes contraintes cognitives, notoirement chronophage et imposant un rédactionnel particulièrement développé, ce mode opératoire qualitatif permet d’assurer une purge technique quasi globale même si la notion d’intégralité ne puisse être retenue. L’usage de logiciel d’accès gratuit de recomposition graphique en trois dimensions permet de produire une visualisation recevable même par des personnes non avisées et de limiter les amplitudes voire lourdeurs rédactionnelles avec une efficacité sans commune mesure.
Y compris dans des situations complexes, de forts désaccords, ce travail conduit fréquemment les Parties, pas nécessairement à accepter la conclusion produite mais en considérer l’éclairage apporté comme recevable conduisant même parfois à ce qu’elles transfèrent leurs velléités sur un autre volet que celui de l’expertise.
« l’origine électrique de l’incendie est retenue par élimination ; tirant argument du fait que l’incendie a pour origine l’installation électrique, ». (Page 4 de l’Arrêt.)
La recherche de l’origine d’un incendie se réalise après que le lieu d’origine a été identifié et le point d’origine matérialisé. Comme déjà cité, en cas de destruction, en tout ou partie, de ces volumes et surfaces, il est fréquemment possible de reconstruire ces zones en argumentant, de façon contrôlable et vérifiable, les éléments constitutifs de la conclusion formée.
La recomposition graphique des constatations permet également, par l’étude de la cinétique la plus probable de la combustion, à partir de cette origine, source d’énergie, de la confronter avec la matérialité des signes objectifs présents ou persistants. Il n’est pas exceptionnel, ni rare, que cette confrontation permette de s’interroger sur des absences de signes objectifs du fait des actions des secours, et de les reconstruire y compris en leur justification effective d’absence. Ce dernier point est plus spécifique dans le cadre d’incendies de cause volontaire en vue d’une fraude à l’assurance.
Cette identification de l’origine, de la source d’énergie se produit par « élimination » au regard des potentielles sources présentes dans l’environnement compatible avec la survenue d’une combustion. La formulation à lire, dans le présent Arrêt, est de nature à permettre une interprétation traduisant qu’en l’absence d’autre source d’énergie à constater c’est celle électrique qui soit retenue. Dans une telle circonstance, en l’absence d’argumentation contrôlable et vérifiable à produire, l’origine du sinistre ne peut être expertalement qualifiée que comme « indéterminée ».
« Compte tenu de l’effondrement partiel de la maison par l’action de l’incendie, ». (Page 4 de l’Arrêt.)
En l’impossibilité de lire le rapport produit, il n’est pas possible de produire une visualisation de la scène de sinistre et des zones préservées, en tout ou partie, permettant de relever, voire de reconstruire la présence de signes objectifs.
Dans les descriptifs exhaustifs, avant sinistre, durant le sinistre, après sinistre lors des investigations pratiques se retrouvent les effets de l’incendie sur le bâtiment mais également ceux ayant été conditionnés par les obligations à satisfaire de la part des services de secours. Celles-ci sont de deux principales natures, celle permettant d’atteindre le foyer et pouvant nécessiter des altérations structurelles, en tout ou partie, puis celles ayant pour objet de sécuriser la scène de sinistre tant au regard des intervenants que pour le temps après le retrait des secours.
La contrainte majeure de telles situations est celle de temps à mobiliser voire de la pénibilité des actions à produire. Lors de situations complexes, à partir d’une recomposition graphique sommaire en trois dimensions, une réunion contradictoire avec présence des représentants des secours étant intervenus, permet de factualiser de façon satisfaisante les « Référentiels-Évènementiels » à matérialiser et à purger, de façon satisfaisante, de nombreuses interrogations pouvant oblitérer la réalité la plus probable.
« tout d’abord l’expert n’a avancé la cause électrique que par élimination, du fait de la destruction des indices ; ». (Page 5 de l’Arrêt.)
La présente transcription vise à conforter l’observation ci-dessus où l’origine, en son éventuelle source d’énergie, du sinistre aurait été retenue à défaut de pouvoir en argumenter, de façon contrôlable et vérifiable, une autre. Ce mode opératoire ne relève pas de la mission d’expertise qui ne peut se prononcer qu’à partir des faits et non de suppositions.
L’expression « destruction des indices » emporte plus justement une traduction de disparition des « signes objectifs » dont seule la lecture du rapport d’expertise et la visualisation du reportage photographique réalisé permettraient de confronter les contraintes supportées.
« même en retenant l’hypothèse de l’origine électrique de l’incendie, ». (Page 5 de l’Arrêt.)
La notion d’hypothèse en expertise ne peut être retenue en ce qu’elle renvoie au concept d’imagination qui s’affranchit de l’exclusivité de considération à produire des seuls faits.
« l’expert n’a pu livrer aucun détail quant aux raisons techniques précises du départ du feu ; ». (Page 5 de l’Arrêt).
En l’impossibilité de lire le rapport produit il n’est pas possible de produire une visualisation de la scène de sinistre et des zones préservées, en tout ou partie, permettant de relever, voire de reconstruire la présence de signes objectifs.
L’expression « raisons techniques précise du départ de feu (d’incendie) » est de nature à imposer que « l’origine du sinistre et sa cause la plus probable soit qualifiées d’indéterminée ». La présente formulation est de nature à exprimer qu’il n’y a pas d’argumentation, contrôlable et vérifiable, possible et en cette circonstance il ne peut être retenue une origine par défaut au regard d’une source d’énergie intrinsèquement présente sans pour autant qu’elle ne puisse matériellement être reliée avec la survenue du sinistre.
« il a simplement fait le constat d’une cause inconnue après déblaiement, ». Page 5 de l’Arrêt.
Cette expression a déjà été commentée et il conviendrait de pouvoir se reporter au rapport d’expertise en sa totalité. En tout état de cause la notion « d’inconnue » devant être qualifiée d’indéterminée doit être argumentée de façon contrôlable et vérifiable.
« mais contact résistif privilégié dans le confinement des isolants ; ». Page 5 de l’Arrêt.
En l’impossibilité de lire le rapport produit il n’est pas possible de produire une visualisation de la scène de sinistre et des zones préservées, en tout ou partie, permettant de relever, voire de reconstruire la présence de signes objectifs.
Cependant l’interrogation se pose sur la nature d’un contact résistif, sur sa localisation et sur la matérialisation physique ne pouvant qu’avoir été constatée alors qu’il est cité que les signes objectifs ont disparu du fait de l’action des secours.
La notion de contact résistif induit qu’au sein des combles, et probablement à la verticale de la chambre référencée trois, se soient situés des connexions électriques obligatoirement présentes. S’agit-il de connexions relevant de l’installation initiale pouvant être constatées sur les plans d’exécution, se devant d’être conservés durant le temps de garantie décennale, ou de connexions produites dans le cadre des travaux d’extensions d’alimentations électriques au sein du garage ? Des éléments à dégager de l’Arrêt, à confirmer par la consultation des plans d’exécution de l’installation électrique initiale, rien n’autorise à retenir que des dérivations se soient situées dans les combles. Les câbles de nature à éventuellement traverser des volumes sont à devoir normativement être sans discontinuité sauf à ce qu’une argumentation, contrôlable et vérifiable, ne soit normativement recevable au plan technique.
Cela renvoi aux nécessités de descriptions, des Référentiels-Évènementiels à retenir, en l’état de l’installation électrique initiale, la situation d’après complément d’installation s’appuyant sur les notions de « carte d’identité » [10] et de « carte vitale » [11]du bâtiment.
La notion de confinement est de probabilité sous réserve qu’il y ait bien eu connexion dans le volume voire recouvrement, en tout ou partie, de ces zones de connexion. Toutefois, sauf à ce qu’il y ait présence de pare-vapeur en papier kraft, et sous réserve de connaître la nature du matériau d’isolation initial, celui-ci et la laine de verre ne sont pas combustibles. Reste l’interrogation du solivage, de nature à être en bois, et de la proximité de la zone de connexion résistive avec ce matériau.
La localisation susvisée à la verticale de la chambre trois est de nature à permettre, en relation avec le reportage photographique réalisé, de confronter ce fait de contact résistif potentiel ou non.
En tout état de cause l’affirmation relative par l’emploi de terme « privilégié » ne peut se fonder que sur la constatation matérielle d’un tel phénomène c’est-à-dire à partir d’un élément constitutif d’une connexion métallique ayant été retrouvée dans l’investigation des déblais. Sous ces réserves il est également indispensable que la probabilité de présence de boites de dérivations, et donc de connexions, ne puisse être exclue du fait que les câbles de l’ensemble des installations ne soient d’une seule continuité au sein des combles.
Dans le domaine de l’incendie l’intervention d’un sapiteur, notamment au regard de l’énergie électrique, ne peut en aucun cas être constitutive de la conclusion générale à produire. La construction, argumentée de façon contrôlable et vérifiable, de la conclusion du sapiteur n’est que constitutive d’un « fait » que l’expert se doit de réintégrer dans sa mission et notamment dans la partie d’analyse de la cinétique du sinistre. Il n’est pas rare que le sapiteur en électricité permette d’exclure l’implication de la source d’énergie électrique imposant l’observation de potentiels signaux faibles dont il ne semble pas que cette notion soit de culture générale. En expertise, et notamment de justice, il est à se reporter à la citation de Gaston BACHELARD dans son ouvrage « le formation de l’esprit scientifique » [12]. À l’instar de ce que l’on peut constater dans des affaires pénales supportant des rebondissements, il pourrait être d’importance de pouvoir faire des retours d’expériences anonymisés sur des dossiers d’expertise de justice ayant supporté, ou non, des recours en Appel ou des pourvois en Cassation.
À propos de l’article « Le caractère indéterminé d’un sinistre peut-il constituer une cause d’exonération de responsabilité sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ? » [13]
Le présent article avait, à l’époque de sa parution, fait l’objet d’un commentaire technique adressé à son auteur. Aujourd’hui, il est repris dans le même objet que visé en début de document et surtout au regard de constatations cumulatives traduisant la complexité du domaine de l’incendie et des considérations à lui porter. Cependant les commentaires soumis visent à éclairer plus spécifiquement les Avocats, dont de plus en plus se spécialisent en ce domaine, au regard des devoirs et des droits de chacun, dans la réalisation d’une expertise qu’elle soit amiable ou de justice.
« l’expert a constaté une origine électrique de l’incendie provenant des combles de la maison, dont la cause demeure inconnue, que »
Notamment en matière civile où le principe du contradictoire s’impose, sans restriction possible, il doit être demandé à l’expert d’argumenter, de façon contrôlable et vérifiable et en référence aux règles scientifiques, techniques et normatives techniques, ses propos et de les exprimer de façon recevable par toute personne non avisée tout en restant scientifiquement justes. Ce mode opératoire vaut de la même façon lorsqu’il est invoqué une origine, une cause voire les deux comme étant « indéterminées ». Ce contexte s’inscrit dans l’obligation, aujourd’hui reconnue par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (C.E.D.H.), du respect par l’expert de justice de l’égalité des armes [14].
« Mais attendu qu’ayant relevé que la seule certitude exprimée par l’expert, qui avait fait siennes les conclusions du sapiteur, ».
Reprenant une partie de l’Arrêt de la Cour de Cassation du 4 mai 2016, traitant du même domaine juridique dans un même contexte d’incendie, il est à prendre acte de l’usage du substantif « certitude » qui ne peut être formulé par un expert et notamment de justice. Il ne s’agit pas d’une simple question d’esthétique sémantique mais de fond linguistique. Fréquents sont les échanges, en réunion expertale mais également dans les prétoires, où les Avocats débattent avec une vigueur légitime, dans la défense des intérêts de leur client, sur ces notions de certitudes notamment lorsqu’elles concernent les experts de justice. Ces échanges reçus différemment selon les juridictions saisies sont légitimes et sont même constitutifs des devoirs à observer par l’expert de justice au regard des droits des justiciables. Les argumentations à produire, par lesdits experts de justice, ne sont pas des axiomes, elles sont possiblement réfutables au nom de la scientificité à laquelle elles empruntent. La rigueur d’usage d’un vocabulaire catégorique, associé à celui de « Plus Grand Commun Dénominateur » (P.G.C.D.), restant scientifiquement juste, est de nature à éviter toute dénaturation des faits et desdites argumentations lors d’un procès.
« portait sur le point de départ de l’incendie, situé, selon lui, dans le tableau électrique installé dans le garage dans le tableau électrique installé dans le garage et que les conclusions de l’expert étaient formulées en termes hypothétiques ou affirmatifs, sans qu’une démonstration ne justifie cette affirmation. ».
Dans la continuité de reprise de l’Arrêt de la Cour de Cassation du 4 mai 2016 les observations portées traduisent des éléments constitutifs du contenu du rapport d’expertise qui se doivent d’être argumentés, de façon contrôlable et vérifiable, mais surtout référencés aux règles scientifiques techniques et normatives-techniques s’appliquant. Il conviendrait de connaître, notamment par le reportage photographique, l’éventuel état d’altération du tableau électrique dont la formulation « dans le tableau électrique » est de nature à traduire un coffret, en matière plastique non propagatrice de la flamme ou métallique et donc incombustible, contenant les équipements de nature à avoir été au moins partiellement préservés des effets du sinistre. La notion « d’hypothétique » ne peut être employée ou sujette à être exploitée. Que ce soit une qualification de certainement faux, de probablement vrai ou d’indéterminé l’expert de justice a le devoir d’argumenter pour que le justifiable bénéficie du droit à s’exprimer en accord ou en désaccord. Ce concept s’inscrit également dans le principe « d’égalité des armes ».
« Il ressort de cet Arrêt que l’origine électrique du sinistre, déterminée par l’expert de justice, constituait la preuve suffisante d’une imputabilité avec l’intervention de l’entreprise, nonobstant la propre intervention du maître de l’ouvrage sur l’installation ».
Cette observation qui relève du domaine du droit appelle l’attention qui doit être portée à l’interaction que peut générer l’éclairage de l’expertise de justice selon la formulation dans laquelle il est formulé.
Même si l’expert apporte des réponses aux questions lui étant posées il procède avant tout à la traduction d’un contexte non accessible au juge et aux Parties dans un nouveau où il leur devient exploitable à l’instar de ce qu’ils produiraient s’ils détenaient les compétences de l’expert.
De la même façon l’interprétation, au sens scientifique, produite par ledit expert permet auxdits acteurs de bénéficier des argumentations et des références scientifiques, techniques et normatives-techniques leur permettant de fonder leurs débats. C’est en cela qu’il convient de dissocier la notion d’avis [15] de celle d’éclairage [16], cette dernière conservant au juge et aux Parties leur libre arbitre pour se forger une opinion.
Peu fréquentes mais non exceptionnelles sont les situations où le rapport d’expertise est pleinement recevable et juste dans la réalisation de sa mission mais où les faits d’autres natures constitutifs du dossier conduisent à lui faire échec dans la décision qui sera rendue par le juge.
Comment a été réalisée l’installation complémentaire, ses tracés de lignes d’alimentation et ses points de connexion. Même en simple probabilité sur déclaration des sinistrés cette situation doit être observée comme un Référentiel-Évènementiel confronté à la cinétique du sinistre et in fine qualifié de « certainement faux, de probablement vrai ou d’indéterminé ».
Pour les Avocats l’important est plus souvent constitué par ce qui n’est pas écrit par l’expert de justice que par ce qu’il a transcrit dans son rapport en ce que ces absences permettent toute légitime exploitation d’opportunité. Si l’expert de justice a le devoir de tout écrire, même ce qui techniquement ne lui parait pas d’importance, l’Avocat a le droit de lui demander de produire ses argumentations contrôlables et vérifiables. Combien de débats, de simple opportunité, s’annihileraient lors des audiences pouvant même conduire à éviter des procédures d’Appel voire de pourvoi en Cassation ? Pour le juge il est à ne pas omettre qu’il ne connait pas les lieux et que sur le plan technique seul le rapport d’expertise lui attribue une possibilité de visualisation objective. Reste que dans une procédure où le procès est la chose des Parties il ne relève pas de la compétence du juge d’instruire l’affaire et d’exploiter lui-même le contenu du rapport d’expertise. L’interrogation de la présence de l’expert à l’audience, nonobstant les contraintes usuellement opposées pour s’affranchir de cette mesure, se pose. Cela devient d’autant plus prégnant que la Cour Européenne des Droits de l’Homme reconnait l’application du principe d’égalité des armes à l’expertise. Une telle contrainte à supporter, relativement modérée par rapport aux enjeux présentés serait éventuellement de nature à simplifier les affaires et par voie de conséquence globale à produire, non pas un intérêt budgétaire mais un intérêt économique général [17].
« En réalité l’expert n’avait pas déterminé la cause, mais uniquement une origine électrique. ».
Comme précisée dans la partie de commentaire de l’Arrêt de la Cour de Cassation la question de détermination de « l’origine de l’incendie », par « simple élimination » n’est pas recevable.
« La Cour de cassation ne distingue ici pas l’origine de la cause, ».
Le présent constat exprimé traduit avant tout une confusion de sémantique et syntaxe. Le domaine juridique a ses « codes » propres qui n’ont que peu de communauté de compréhension avec le langage commun, celui dit du grand public ou populaire hors connotation péjorative. Si certains vocables sont aisés à identifier comme ne devant pas être utilisés par l’expert de justice d’autres ne peuvent l’être de façon aussi stricte. Le langage de l’expert de justice doit être catégorique, c’est-à-dire juste avec sa signification scientifique, technique ou normative-technique même s’il doit être associé avec une formulation de Plus Grand Commun Dénominateur (P.G.C.D.). Le recours à un glossaire expertal, pouvant comprendre un volet général applicable à toutes les branches de la nomenclature et un volet particulier relatif à chaque branche ou rubrique, dont les reprises seraient insérées en note de bas de page, sans grande contrainte éviterait ou limiterait une part non négligeable des possibilités de dénaturation des faits ou des argumentations.
En cette fin de propos, et bien qu’il ne s’agisse que d’un domaine technique particulier mais notoirement spécifique, celui de l’incendie, deux documents sont à confronter. Le premier est relatif au « rapport de la commission de réflexion sur l’expertise de mars 2011 » dont les objectifs, de nature de politique générale, visent avant tout la simplification, les délais nécessaires et les coûts au sens budgétaire et non en celui économique. Le second est plus technique et pragmatique en ce qu’il porte sur une « harmonisation en matière de règles d’application en matière d’autopsie médico-légale, dit recommandation N°R (99)3 du comité des ministres aux États membres ». Ces principes sont de nature à être transposables au domaine de l’incendie et, par voie de conséquences, probablement à tout ou partie de la nomenclature expertale. Inévitablement des spécificités imposeront des adaptations en fonction du domaine scientifique ou technique concerné mais le principe général semble réalisable.
Il est possible, par dogmatisme, d’opposer ces deux documents de nature très différente et de préserver des intérêts particuliers quitte à générer des dommages desquelles de graves conséquences, éventuellement juridiques voire financières, puissent découler. Pourtant en observant le principe de progrès [18], et non d’innovation, il est pleinement réalisable de les associer pour en dégager un concept de culture commune générale transversale où l’intérêt général et ceux particuliers puissent trouver leur équilibre à l’instar du symbole de la justice.