Les incertitudes persistantes concernant l’action récursoire des caisses de Sécurité sociale.

Par Renaud Deloffre, Conseiller à la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Douai.

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Explorer : # faute inexcusable # action récursoire # sécurité sociale # indemnisation

La jurisprudence de la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation sur l’action récursoire des caisses et sur l’incidence en la matière des dispositions du nouvel article L.452-3-1 du Code de la sécurité sociale continue de susciter de nombreuses interrogations.

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Il convient de rappeler que les caisses de sécurité sociale disposent contre les employeurs ayant commis une faute inexcusable d’une action récursoire prévue par l’article L.452-2 du Code de la sécurité sociale en ce qui concerne la récupération, sous la forme prévue par cet article dans ses versions successives, de la majoration de rente d’accident du travail et par l’article L.452-3 du même Code en ce qui concerne les indemnisations complémentaires revenant à la victime sur le fondement de ce texte mais que, jusque l’introduction dans le code d’un nouvel article L.452-3-1, cette action récursoire se heurtait à la reconnaissance de l’inopposabilité à l’employeur des décisions de prise en charge de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle.

L’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale introduit dans ce code par l’article 86 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 et applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduites devant les tribunaux de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, prévoit que « quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3. »

La question se posait de savoir qu’elle était la portée exacte de ce texte dont il semblait clairement résulter que, s’agissant des procédures en reconnaissance de faute inexcusable engagées devant les Tribunaux des affaires à partir du 1er janvier 2013, seuls les motifs d’inopposabilité de la décision de prise en charge pour des raisons tenant au non respect de la procédure d’information de l’employeur telle que prévue par l’ancien article R.441-11 puis à partir du 1er janvier 2010 par le nouvel article R.441-14 laissaient subsister l’action récursoire de la caisse pour recouvrement des majorations de rente et indemnités des articles précités L.452-2 et L.452-3 tandis que les motifs d’inopposabilité tenant au non respect des règles relatives à l’instruction des dossiers de déclarations d’accident du travail ou de maladie professionnelle ainsi que les motifs de fond tenant au caractère injustifié de la prise en charge au regard des conditions posées par les tableaux, continueraient à priver la caisse de son action récursoire pour recouvrement des sommes avancées par la caisse.

Depuis l’intervention de cette loi, ont été rendus par la 2ème Chambre Civile un certain nombre d’arrêts portant sur la problématique de l’action récursoire de la caisse en cas d’inopposabilité de la décision de prise en charge.

Un premier arrêt du 21 janvier 2016 n° de pourvoi 1510367 retient, au visa des articles L. 452-3, alinéa 3, R. 441-11 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 applicable au litige et 86-II de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 , qu’il résulte de la combinaison de ces textes que l’inopposabilité à l’égard de l’employeur, du fait du caractère non contradictoire de la procédure, de la décision de la caisse primaire d’assurance maladie d’admettre le caractère professionnel de la maladie prive celle-ci du droit de récupérer sur l’employeur, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rentes et indemnités versés par elle lorsque l’action en reconnaissance de la faute inexcusable a été introduite devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale avant le 1er janvier 2013.

La règle est donc claire : pour les actions en reconnaissance de faute inexcusable introduites avant cette date l’inopposabilité de la décision de prise en charge continue de faire obstacle à l’action récursoire de la caisse.

Tel était le cas dans l’affaire soumise à la Cour de Cassation puisque si l’on ignore la date de l’introduction de l’instance devant le Tribunal, il résulte des énonciations de son arrêt que cette action avait nécessairement été introduite avant le 1er janvier 2013 pour avoir donné lieu à un jugement du 11 mars 2008 reconnaissant la faute inexcusable de l’employeur.

La Cour de Cassation a en conséquence décidé que les juges du fond, après avoir constaté que la prise en charge de l’accident avait été déclarée inopposable à l’employeur, ne pouvaient ordonner la récupération par la caisse à l’encontre de l’employeur des indemnités versées au bénéficiaire par la caisse et elle a en conséquence cassé l’arrêt déféré de ce chef.

La Cour a posé une solution tout à fait différente dans un arrêt du 31 mars 2016. [1]

Dans l’affaire en question, elle était notamment saisie par l’employeur du moyen selon lequel la cassation des dispositions de l’arrêt déféré lui déclarant opposable les décisions de prise en charge de la maladie et du décès du salarié entraînerait l’annulation de sa condamnation à diverses indemnités complémentaires pour faute inexcusable.

Elle rejette ce moyen en indiquant dans une formulation tout à fait générale et qui n’était pas rendue au visa d’un texte particulier que « l’irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge, par la caisse, au titre de la législation professionnelle, d’un accident, d’une maladie ou d’une rechute, qui est sans incidence sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l’employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versés par elle ».

Dans cette affaire, il résulte des énonciations de l’arrêt déféré que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur avait été introduite devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale le 2 septembre 2011 et que les dispositions de l’article L.452-3-1 du Code de la sécurité sociale ne s’appliquaient pas, ce nouveau texte ne concernant que les actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduite devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013.

La Cour a donc posé dans cet arrêt la règle générale selon laquelle les irrégularités de procédure ne privent pas la caisse de son action, règle qui se substituait en quelque sorte, pour les actions concernées, aux dispositions de l’article L.453-2-1 dont on pouvait penser qu’elle les rendait sans objet.

Il convenait de relever que la formulation retenue par la Cour de Cassation ne faisait pas référence, comme l’article L.452-3-1 du Code, aux irrégularités commises par la caisse dans l’information de l’employeur mais, de manière générale, aux irrégularités de procédure et on pouvait donc penser, au vu de cette formulation, que toutes les irrégularités de procédure commises par la caisse laissaient subsister l’action récursoire de cette dernière, qu’elles résultent de la méconnaissance par elle des règles d’information de l’employeur posées par les articles R.411-11 puis R.411-14 du Code de la sécurité sociale mais également de ses obligations en matière d’instruction des dossiers.

Plusieurs arrêts rendus par la Cour le 24 mai 2017 font apparaître une solution différente de celle retenue par l’arrêt du 31 mars 2016.

Un premier arrêt, dans l’ordre du rôle, porte le numéro 16-15.084.

Il indique , au visa des articles L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale et 86, II, de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, qu’il résulte du premier de ces textes que quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3 et qu’il résulte du second texte précité que ces dispositions sont applicables aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduites devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013.

La Cour déduit ce qui précède que la Cour d’Appel a statué par des motifs inopérants et violé les textes en question en décidant de laisser à la charge de la caisse les indemnités versées aux ayants droits de la victime au motif que la décision de prise en charge du décès avait été déclarée inopposable à l’employeur alors que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de ce dernier avait été engagée devant le Tribunal après le 1er janvier 2013.

Cette solution est pratiquement identique dans sa formulation à celle de l’arrêt du 21 janvier 2016, avec cette différence qu’elle évoque les conditions d’information de l’employeur et non le respect du contradictoire comme dans ce dernier arrêt, et elle prend très clairement le contre-pied de l’arrêt du 31 mars 2016.

Un second arrêt rendu à la même date porte le numéro de rôle 16-17.644.

Dans cette affaire , un jugement irrévocable d’un Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale avait déclaré inopposable à l’employeur la décision de prise en charge pour le motif tiré du caractère définitif à l’égard de ce dernier de la décision initiale de refus de prise en charge qui lui avait été notifiée par la caisse.

Après avoir rappelé les dispositions de l’article L.452-3-1 du Code de la sécurité sociale, les juges d’appel avaient retenu que l’inopposabilité ainsi jugée n’était pas la conséquence de l’absence de caractère professionnel de la maladie ce dont ils avaient déduit qu’elle ne faisait pas obstacle à cette action récursoire.

L’employeur faisait valoir, tant en cause d’appel qu’en cassation, que l’inopposabilité à son encontre de la décision de prise en charge de la maladie ne résultait pas d’une méconnaissance par la caisse de son obligation d’information mais du caractère définitif de la décision initiale de refus de prise en charge de la maladie.

La Cour de Cassation confirme l’arrêt déféré mais en substituant la motivation suivante aux motifs retenus par les juges d’appel : "Mais attendu qu’ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l’accident, de la maladie ou de la rechute, la décision prise par la caisse dans les conditions prévues par l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, est sans incidence sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ;
Et attendu que la cour d’appel était saisie d’une demande de la caisse tendant à récupérer, sur le fondement de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les préjudices alloués à la victime et à ses ayants droit en réparation de la faute inexcusable de la société ;
Qu’il en résulte que l’inopposabilité à la société de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ne faisait pas obstacle à l’action récursoire de la caisse à l’encontre de la société
."

Il résultait donc de cet arrêt que pour les instructions régies par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, la caisse conserve nécessairement son action récursoire même en cas d’inopposabilité de la décision de prise en charge pour quelque motif que ce soit.

Cette solution n’est intervenue qu’au visa du décret précité et n’est aucunement conditionnée dans sa formulation par la date d’engagement de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Cet arrêt rappelait de manière littérale la règle que la Cour avait déjà posée dans ses arrêts du 26 novembre 2015 n° 14-26.240 et du 11 février 2016 n° 15-10.066 et dont elle avait tiré la conséquence que la décision de la caisse n’avait pas d’incidence sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable.

Il résultait de la formulation de ces différents arrêts des 26 novembre 2015 n° 14-26.240, 11 février 2016 n° 15-10.066 et du 24 mai 2017 n° 16-17.644, la volonté de la Cour de Cassation d’instaurer une totale étanchéité entre la procédure suivie devant la caisse au titre de la prise en charge de la maladie déclarée et l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, laquelle ne serait en conséquence aucunement affectée par la décision de la caisse ni en ce qui concerne la caractérisation de la faute inexcusable ni en ce qui concerne ses conséquences indemnitaires.

Un troisième et un quatrième arrêts du 24 mai 2017 portant les numéros 16-17.726 et 16-17.728 sont intervenus dans des affaires concernant des maladies déclarées en 2012 et ayant donné à une saisine d’une juridiction de sécurité sociale en novembre 2012 et à la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur.

Dans ces deux affaires, la Cour de Cassation décide, au visa des articles L. 452-2, L. 452-3 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, que l’irrégularité de la procédure suivie en application du dernier de ces textes, ayant conduit à la prise en charge, par la caisse au titre de la législation professionnelle, d’un accident, d’une maladie ou d’une rechute, étant sans incidence sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ne prive pas la caisse du droit qu’elle tient des deux premiers de récupérer sur l’employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versés par elle et elle casse en conséquence les arrêts d’appel pour avoir dit que la caisse n’aurait pas de recours contre l’employeur au titre de l’indemnisation des préjudices personnels de la victime.

Ces arrêts divergent des arrêts précédents rendus le même jour en ce qu’ils posent la règle selon laquelle l’irrégularité de la procédure suivie par la caisse ne fait pas obstacle à l’action récursoire de la caisse s’agissant des procédures d’instruction diligentées dans le cadre du nouvel article R.441-14 à partir du 1er janvier 2010, alors que le premier arrêt 16-15.084 pose la règle que le manquement à l’information de l’employeur ne fait pas obstacle à cette action récursoire mais uniquement pour les procédures en reconnaissance de faute inexcusable engagées devant les juridictions de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013 et alors que le second arrêt du même jour pose le principe du maintien de l’action récursoire de la caisse pour tous les cas d’inopposabilité s’agissant des instructions régies par le nouvel article R.441-14.

Quelques mois après les arrêts du 24 mai 2017, est intervenu un arrêt du 9 novembre 2017 n°16-24.568 qui pose exactement la même règle que l’arrêt n° 16-17.644 du 24 mai 2017 et en déduit, s’agissant d’une instruction régie par le nouvel article R.441-14 du Code de la sécurité sociale, que l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ne faisait pas obstacle à l’action récursoire de la caisse l’encontre de l’employeur.

Puis, deux arrêts de non admission du 25 janvier 2018 n° de pourvoi 16-28.658 et 16-28.659 posent une règle compatible avec toutes les solutions précitées.

Dans ces deux affaires, la Cour était saisie par une caisse de pourvois contre deux arrêts du 28 octobre 2016 de la cour d’appel de Caen qui avaient retenu que l’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge avait pour effet, en application de la réglementation antérieure au décret du 29 juillet 2009, de la priver de son action récursoire prévue par l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale.

Au soutien de ses pourvois, la caisse primaire faisait valoir un moyen unique à branche unique tiré de ce que l’irrégularité de la procédure ne la privait pas du droit de récupérer sur l’employeur, après reconnaissance de la faute inexcusable de ce dernier, les compléments et indemnités versés par elle et qu’en décidant le contraire, pour la débouter de cette action, la cour d’appel avait violé les articles L.452-2 et L.452-3 du Code de la sécurité sociale.

Ce moyen est considéré par la Cour de Cassation comme n’étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation, d’où les arrêts de non admission de ces deux pourvois.

Il s’ensuit que la Cour de Cassation pose de la manière la plus claire possible la règle selon laquelle les inopposabilités à l’employeur des décisions de prise en charge continuent à faire obstacle à l’action récursoire des caisses en ce qui concerne les procédures d’instruction engagées par elles avant le 1er janvier 2010, ce qui n’est en rien contraire aux solutions divergentes entre elles retenues par les arrêts précités du 24 mai 2017.

La perte de l’action récursoire de la caisse en cas d’inopposabilité de la décision de prise en charge en ce qui concerne les instructions diligentées avant le 1er janvier 2010 constitue ainsi le plus petit dénominateur commun de toutes les jurisprudences analysées ci-dessus, à l’exception de l’arrêt du 31 mars 2016 [2] dont il résulte le maintien en toute hypothèse de l’action récursoire de la caisse en cas d’irrégularité de procédure.

A la date des deux arrêts de non admission, l’on pouvait donc raisonnablement penser que l’inopposabilité de la décision de prise en charge pour des motifs tenant à une irrégularité de la procédure suivie par la caisse continuait à faire obstacle à son action récursoire s’agissant des procédures d’instructions diligentées avant le 1er janvier 2010 et que pour les procédures diligentées à partir de cette date se posait la question de savoir si la caisse, dans l’hypothèse d’une inopposabilité pour un motif tenant à l’irrégularité de la procédure, conservait son action récursoire pour toutes les actions en reconnaissance de faute inexcusable, quelle que soit leur date d’engagement, ou uniquement pour celles diligentées à partir du 1er janvier 2013.

Un arrêt récent du 15 février 2018 [3] apporte une précision extrêmement intéressante sur la notion d’irrégularité de fond continuant à faire obstacle à l’action récursoire de la caisse tout en jetant le doute sur les perspectives qui avaient pu être dégagées au vu de la jurisprudence antérieure.

Cette affaire portait sur une maladie professionnelle déclarée par la veuve de la victime le 31 octobre 2008 et qui avait donné lieu à une action en reconnaissance de faute inexcusable engagée devant la juridiction de sécurité sociale le 11 octobre 2009.

Un arrêt du 29 janvier 2014 de la Cour d’Appel de Nancy, intervenu dans les rapports entre l’employeur et la caisse, ayant déclaré la décision de prise en charge de la maladie inopposable à l’employeur à raison de l’absence de preuve par la caisse du caractère professionnel de la maladie, la Cour d’Appel de Metz, saisie de l’action en reconnaissance de faute inexcusable de ce dernier, en a déduit qu’il convenait de rejeter l’action récursoire de la caisse.

Devant la Cour de Cassation, la caisse faisait valoir qu’elle conservait en toute hypothèse son action récursoire, compte tenu selon elle du principe désormais consacré du cloisonnement des procédures, tandis que l’employeur faisait valoir que l’inopposabilité de la décision de prise en charge continuait à faire obstacle à l’action récursoire de la caisse s’agissant d’une décision prise sous l’empire des dispositions antérieures au décret du 29 juillet 2009 et il faisait valoir au surplus que la caisse perd son action récursoire lorsque l’inopposabilité résulte non d’une irrégularité de la procédure mais d’une décision de justice écartant l’existence d’une maladie professionnelle dans les rapports entre la caisse et l’employeur.

La Cour de Cassation a décidé que le caractère professionnel de la maladie n’ayant pas été reconnu dans les rapports entre la caisse et l’employeur et ce par arrêt passé en force de chose jugée, la Cour d’appel en avait exactement déduit que la caisse ne pouvait récupérer sur l’employeur, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les majorations de rente et indemnités versée par elle.

Cet arrêt est extrêmement intéressant dans la mesure où il en résulte clairement que l’inopposabilité pour un motif de fond, à condition qu’il résulte d’une décision passée en force de chose jugée, continue à faire obstacle à l’action récursoire de la caisse.

L’on s’interrogera cependant sur la question de savoir pourquoi la Cour de Cassation, qui était saisie du moyen en ce sens de l’employeur, n’a pas dit, s’agissant d’une procédure d’instruction engagée antérieurement au 1er janvier 2010, que l’inopposabilité de la décision de prise en charge faisait obstacle à l’action récursoire de la caisse plutôt que de fonder sa solution sur l’absence de caractère professionnel de la maladie dans les rapports entre la caisse et l’employeur, qui constitue un motif d’inopposabilité de fond.

Cela signifierait il que la Cour de Cassation estime que l’inopposabilité n’était pas en soi de nature à justifier la solution mais qu’il fallait fonder cette dernière sur l’existence d’une inopposabilité de fond ce dont il résulterait qu’elle entend renouer avec son arrêt du 31 mars 2016 maintenant l’action récursoire de la caisse dans toutes les hypothèses d’inopposabilité pour irrégularité de la procédure suivie par cette dernière ?

Force est donc de constater que la question de l’incidence sur l’action récursoire de la caisse de l’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge de la maladie ou de l’accident du travail continue à susciter de nombreuses interrogations.

Il reste à espérer que la 2ème Chambre Civile aura très prochainement l’occasion de dissiper les incertitudes subsistantes.

Renaud Deloffre
Conseiller à la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de DOUAI
Docteur de troisième cycle en sciences juridiques

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Notes de l'article:

[1N° de pourvoi 14-300015.

[2N° de pourvoi 14-300015.

[3N° de pourvoi 17-12.567

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