Les mécanismes juridiques de la régulation concurrentielle.

Par François Campagnola, Juriste.

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Explorer : # droit de la concurrence # Économie de marché # régulation économique # monopole et concentration

Le droit de la concurrence est tout à la fois le produit de l’économie de marché et son mode de régulation. Dans ses principales composantes, il traite du droit des ententes illicites, de la sanction des abus de position dominantes et du régime des fusions-acquisition entre entreprises.

Parti des Etats-Unis, le droit de la concurrence est largement présent dans les économies de marchés d’un grand nombre de pays avec des variantes notables en sophistication et en contenu. De ce point de vue, les droits de la concurrence américain et européen sont en même temps très proches et en même temps distincts en divergeant notamment sur la place qu’ils réservent à l’analyse économique dans le traitement juridique des espèces qu’ils ont à voir.

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En la matière, nous distinguerons donc dans une première partie ces deux droits avant de tenter de les articuler dans le traitement de chacune des composantes du droit de la concurrence en question.

I. Droit de la concurrence et économie de marché.

II. Les éléments constitutifs du marché concurrentiel.

I) Droit de la concurrence et économie de marché.

Le droit de la concurrence assigne aux producteurs et aux commerciaux un certain nombre de règles de base dont la teneur peut varier en fonction des systèmes juridiques en cause. De ce point de vue, pour proches qu’ils soient, les systèmes américain et européen n’en divergent pas moins dans leurs trajectoires comme dans leurs modalités. Il en est notamment ainsi en raison du rôle différent donné à l’analyse économique dans le traitement juridique des espèces. Enfin, les deux droits convergent par l’encadrement qu’ils font du régime des aides d’Etat dont nous développerons brièvement la composante européenne.

1) L’économie du droit de la concurrence en économie de marché.

Dans son principe, le droit de la concurrence organise et favorise la concurrence économique entre les agents économiques afin de maximiser le bien-être des consommateurs tout en contrôlant l’utilisation abusive du pouvoir économique privé.

En termes économiques, on considère que la concurrence maximise le bien-être des consommateurs en augmentant, d’une part, l’efficience allocative des ressources et l’efficacité productive des biens et des services au coût le plus bas tout en promouvant l’innovation. Ceci étant, si la concurrence est considérée comme maximisant la richesse totale de la société, elle n’aboutit pas à une répartition optimale des biens et services au sein de la société. De ce point de vue, des choix autres que le recours à la concurrence sont également possibles en matière d’allocation et de distribution.

Sur le fond toutefois, les lois antitrust s’inscrivent dans le cadre d’une préférence sociale pour le primat des forces du marché au détriment de la planification des composantes du marché. En même temps, il s’agit d’un mécanisme d’intervention publique dans l’économie qui coexiste avec d’autres dispositifs plus ou moins intrusifs dans les systèmes économiques et commerciaux privés. Il en est en outre ainsi parce que le droit de la concurrence est souvent sous la pression de différents intérêts économiques privés que la loi vise à départager. Dans ce cadre, l’objectif de la législation antitrust n’est enfin pas la protection des concurrents mais la protection de la concurrence. De ce point de vue, peu de décisions de justice manifeste de la sollicitude pour les petites entreprises en bute aux concentrations. Du point de vue économique, l’antitrust s’appuie enfin sur le système de marché par la libre entreprise pour décider ce qui sera produit, comment les ressources seront allouées dans le processus de production et à qui les biens seront distribués. De son côté, le système de marché repose sur le fait que les consommateurs décident, par leur volonté ou leur refus d’acheter quoi et à combien, qui fabriquera le produit de qualité approprié au prix le plus bas. En pratique toutefois, assumer la liberté du marché ne signifie pas que ce marché fonctionne toujours correctement. A cet égard, il n’y a pas un mais plusieurs marchés avec des degrés divers de rivalités et qui sont plus ou moins compétitifs.

Du point de vue du producteur, dans un marché parfaitement concurrentiel, l’entreprise est un expert en matière de quantité réagissant à la variation du prix du marché. A l’inverse, en situation de monopole, l’entreprise dicte son prix au consommateur car celui-ci ne peut pas se tourner vers les concurrents. Ainsi, dans un marché concurrentiel, l’entreprise adopte le prix fixé par le marché parce qu’elle ne peut pas influer sur lui. Dans ce cadre, l’entreprise s’efforce de maximiser ses profits en ajustant sa production, c’est-à-dire en augmentant ou en diminuant la quantité produite jusqu’à ce que son coût marginal soit égal au prix du marché. Quand le vendeur augmente ses ventes, les coûts marginaux de sa production augmentent néanmoins car ceci requiert une production supplémentaire pour une installation limitée, le paiement d’heures supplémentaires ou l’achat de matières premières à une plus grande distance. Il en résulte que ses prix augmentent jusqu’à ce que, pour maintenir sa compétitivité, ils atteignent le niveau des prix du marché. Passé ce niveau, il devra baisser le volume de sa production. La question ne concerne en outre pas seulement les biens et les services en concurrence par les prix mais également les biens et les services équivalents en capacité de substitution. Par conséquent, le prix du marché est non seulement déterminé par les coûts de production mais également par le prix des biens ou des services de substitution qui permettent d’ouvrir ainsi d’autant plus le marché. Du point de vue du consommateur, la quantité demandée varie inversement du prix et la baisse des prix augmente le taux de consommation. La valeur qu’un consommateur attachera à des unités successives d’une marchandise diminue toutefois à mesure que sa consommation totale de cette marchandise augmente. Il lui faut enfin une information parfaite du marché pour pouvoir faire jouer la concurrence, ce qui est loin d’être toujours le cas.

Il y a enfin un paradoxe à ce que la concurrence entre firmes aboutisse inéluctablement à la disparition des firmes les moins efficaces et, donc, à une certaine monopolisation des marchés. Il en ressort donc que la concurrence engendre la concentration qui fait obstacle à la concurrence. II existe alors deux manières d’y pallier. La première est la plus radicale en ce qu’elle bouleverse les rapports de production en transférant à la communauté des consommateurs via le principe du service public industriel et commercial les pouvoirs du marché au moyen de l’appropriation collective partielle ou totale des moyens de production. La seconde méthode est plus tempérée en ce qu’elle consiste, sans modifier le titulaire du pouvoir économique de marché, à réguler l’exercice de celui-ci de sorte à prévenir les abus et à limiter l’impact négatif des concentrations économiques. Tel est l’objet principal du droit de la concurrence. Dans le prolongement, il est clair qu’une compréhension de l’impact économique des pratiques commerciales est nécessaire pour apprécier l’impact des objectifs politiques et des réponses juridiques à apporter en la matière. De ce point de vue, la question est de savoir si les lois antitrust servent ou non des objectifs sociaux et politiques au-delà de l’objectif de l’efficience économique. A cet égard, on retiendra que le droit antitrust ne condamne pas le monopole pris en tant que tel, surtout quand il est le produit des efforts compétitifs des entreprises. Il condamne seulement certaines errances du monopole économique dûment répertoriées. On retiendra également que les systèmes juridiques apportent des réponses variables à cette question.

(...)

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Les mécanismes de la régulation concurrentielle. Par François Campagnola.

François Campagnola
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