Un sujet proposé par la Rédaction du Village de la Justice

Les missions de l’ARCOM. Par Myriam Benarroche, Avocat.

Myriam Benarroche, Avocat
Barreau de Paris
Selarl MAB AVOCAT
https://mab-avocat-fiscaliste.com/

2193 lectures 1re Parution: Modifié: 4.97  /5

Explorer : # régulation audiovisuelle et numérique # protection des droits d'auteur # lutte contre le téléchargement illégal # sites miroirs

Depuis le 1er janvier 2022, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI) ont fusionné pour donner naissance à l’Autorité de Régulation de la Communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), la nouvelle autorité publique indépendante garante de la liberté de communication et de création.

Créée par la Loi du 25 octobre 2021 n°2021-1382 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux oeuvres culturelles sur internet, elle reprend les missions du CSA et de l’HADOPI.

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L’Autorité de Régulation de la Communication audiovisuelle et numérique ne consiste pas en une simple juxtaposition de ses prédécesseurs, puisque son champ d’action en matière de régulation s’étend également aux plateformes en ligne, telles que les réseaux sociaux ou les moteurs de recherche.

L’ARCOM reprend le fonctionnement collégial de ses prédécesseurs. Son collège est composé de 9 membres nommés par décret pour un mandat de 6 ans non renouvelable, par différentes instances (Assemblée Nationale, Sénat, Cour de cassation, Conseil d’Etat, Président de la République).
Actuellement, le Collège est composé des sept membres du collège de l’ex-CSA dont les mandats n’ont pas été interrompus par l’entrée en vigueur de la Loi n°2021-1382 (article 5 et 35). L’ancien président et l’ancienne conseillère de l’HADOPI, tous deux nommés par décret du 17 décembre 2021 viennent compléter le collège de l’Autorité. L’ARCOM est à ce jour présidé par Roch-Olivier Maistre, président de l’ancien-CSA.

Le Décret n°2021-1853 du 27 décembre 2021, entré en vigueur au 1er janvier 2022, modifie les dispositions réglementaires du Code de la propriété intellectuelle [CPI] achevant d’investir l’ARCOM des missions confiées jusqu’à présent à l’HADOPI. De plus, il encadre la mise en oeuvre de la procédure d’inscription sur liste et du dispositif de notification des « sites miroirs », deux nouveaux outils mis à disposition de l’ARCOM.

I. L’ARCOM héritière de l’HADOPI.

L’ARCOM succède à l’HADOPI dans la protection des droits d’auteur sur internet et en reprend les missions, listées à l’article L.331-12 du CPI.

Ainsi, en matière de lutte contre le téléchargement illégal, l’ARCOM hérite du mécanisme de la réponse graduée. A ce titre le Décret n°2021-1853 se contente de remplacer les mentions « Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet » par l’ARCOM et procède à une re-numérotation des articles du CPI. La procédure reste donc inchangée, et est désormais prévue par les articles L331-19 à L331-24 et R331-6 à R331-17 du CPI.

Dans le cadre du développement de l’offre légale d’utilisation des oeuvres protégées, l’Autorité dresse une liste d’indicateurs permettant une plus grande visibilité et un meilleur référencement de ces offres au public.
C’est dans ce contexte qu’elle mènera, au premier trimestre 2022, une concertation avec les plateformes concernées. Au terme de cette étape, les lignes directrices et les dispositions d’ordre réglementaire seront adoptées par le Collège de l’ARCOM.

Enfin, l’ARCOM reprend le rôle de l’HADOPI concernant la régulation des mesures techniques de protection (MTP) appliquées aux oeuvres afin que ces MTP n’entraînent pas de limitation à l’utilisation autre que celle souhaitée par l’auteur de l’oeuvre. En cas d’obstacle à l’inter-opérabilité, (le fait de pouvoir réutiliser un contenu disponible sur une plateforme, sur une autre un autre support). L’ARCOM peut être saisie d’un différend existant ou simplement pour avis [1].
Le mode de saisine et la procédure sont similaires à ceux prévus du temps de l’HADOPI, le Décret n°2021-1853 opère donc une simple re-numérotation des articles. Ainsi, l’on retrouve désormais ces conditions et l’organisation de la procédure aux articles R331-23 à R331-53 du CPI.

Les principaux apports du Décret résident dans l’encadrement et la précision des conditions de mise en œuvre des nouveaux outils dont dispose l’ARCOM.

II. L’encadrement de la procédure contradictoire d’inscription sur liste.

Le Décret n°2021-1853, en modifiant les articles R331-18 et R331-19 du CPI, vient encadrer le déroulement de la procédure prévue à l’article L.331-25 dudit Code.

Cette procédure consiste à inscrire sur une « liste noire » accessible au public, les noms et agissements des sites portant une atteinte « grave et répétée » aux droits d’auteur et droits voisins.

Celle-ci commence par phase d’instruction préalable conduite par un rapporteur indépendant.
Ce rapporteur est nommé par le vice-président du Conseil d’Etat, après avis de l’ARCOM, parmi les membres des juridictions administratives en activité et pour une durée de quatre ans [2].

Celui-ci pourra se fonder sur tout élément de nature à justifier l’engagement de la procédure. Il revient notamment au directeur général de l’ARCOM de transmettre au rapporteur, dès qu’il en a connaissance, toutes informations susceptibles de justifier l’engagement d’une telle procédure.

Si le rapporteur estime que les constats des agents habilités et les documents en sa possession justifient l’inscription du service sur la « liste noire », alors il transmet le dossier au président de l’ARCOM.

Dans un délai de deux mois à compter de la transmission du dossier au président de l’Autorité, la tenue d’une séance publique doit être organisée, à laquelle sera convoqué le responsable du service de communication en ligne en cause afin qu’il puisse faire valoir ses observations et arguments.
Cette convocation doit être faite sous forme électronique. Outre la mention des éléments justifiant l’inscription du service sur la liste et les conséquences d’une telle inscription, la convocation doit préciser que le responsable peut comparaitre personnellement ou se faire représenter. Elle indique également que le défaut de comparution du service n’est pas un obstacle à la poursuite de la procédure.

A l’issue de la séance publique, le Collège de l’ARCOM délibère sans la présence du rapporteur. En cas d’atteinte « grave et répétée », le collège procède, dans une décision motivée, à l’inscription du site internet sur la « liste noire », pour une durée ne pouvant excéder douze mois. Cette décision est publiée sur le site de l’ARCOM et notifiée au représentant du service.

L’inscription sur liste implique que les partenaires commerciaux du site visé rendent publique l’existence de leurs relations commerciales, au moins une fois par an, selon un procédé défini par l’ARCOM.

L’article R.331-19 du CPI permet au service en ligne de demander son retrait de la liste en adressant une lettre recommandée avec accusé de réception à l’ARCOM, contenant les éléments attestant qu’il a remédié à la situation. L’Autorité devra alors délibérer dans un délai de quatre mois, à compter de la réception de la demande.

III. Précisions sur la saisine de l’ARCOM en matière de lutte contre les sites miroirs.

L’article L.331-27 du CPI prévoit un mécanisme de lutte contre les sites dits « miroirs ». Il s’agit de sites reproduisant en intégralité ou en majeure partie les sites ayant fait l’objet d’une mesure de blocage ordonnée sur décision de justice.
Pour cela, le titulaire d’un droit d’auteur, partie à la décision de justice ayant ordonné le blocage d’un site portant atteinte à son droit, pourra saisir l’ARCOM afin que celle-ci opère une actualisation des mesures de blocage. L’ARCOM peut également demander aux moteurs de recherche de faire cesser le référencement de ces sites miroirs.

L’article R.331-20 du CPI, modifié par le Décret du 27 décembre 2021, précise les conditions de saisine de l’Autorité par l’ayant droit.
Ainsi, la saisine, adressée à l’ARCOM, a lieu par tout moyen permettant d’attester de la date de réception et de l’identité du destinataire (Lettre recommandée avec accusé de réception, voie électronique…). Pour être complète, cette saisine doit comporter la copie du jugement auquel l’ayant droit est partie, les données d’identification du site miroir et une attestation sur l’honneur selon laquelle l’auteur de la saisine est effectivement titulaire d’un droit d’auteur.
L’Autorité devra accuser réception de cette saisine, par voie électronique. Elle pourra demander à l’ayant droit tout élément complémentaire, l’ARCOM ne pouvant donner suite à une saisine incomplète.

L’ARCOM reprend donc les missions confiées jusqu’à présent à l’HADOPI. Loin d’en faire une simple héritière, le législateur a élargi son champ d’action en lui permettant désormais d’agir sur les réseaux sociaux et autres plateformes en ligne. Sa création s’inscrit dans un processus de modernisation de la protection des droits d’auteur sur internet. Les nouveaux outils mis à la disposition de l’ARCOM traduisent la volonté du législateur d’associer et sensibiliser davantage le public à la lutte contre la diffusion illégale d’oeuvres protégées.

Dotée de moyens humains et financiers plus importants que ses prédécesseurs, l’ARCOM a toutes les cartes en main pour assurer efficacement son rôle de gendarme sur Internet.

Myriam Benarroche, Avocat
Barreau de Paris
Selarl MAB AVOCAT
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Notes de l'article:

[1Articles L.331-29 à L.331-34 CPI.

[2Article 42-7 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986.

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