Par sa décision n°2023-863 DC qu’il a rendu le jeudi 25 janvier 2024, le Conseil Constitutionnel saisi par le Président de la République, la Présidente de l’assemblée, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs à travers deux recours, s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de la loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration.
Ce contrôle du Conseil constitutionnel a abouti à la censure de 35 articles de ce texte de loi dont 32 considérés comme « cavaliers législatifs ».
Comme il fallait s’y attendre, cette décision a suscité des réactions de la part d’une partie de la classe politique. Si d’une part on salue « une véritable leçon d’État de droit envoyée par le Conseil », d’autre part, on regrette un « coup de force des juges » ou une décision « politique plutôt qu’en droit ».
Qu’en est il réellement de cette décision ? Est-elle oui ou non conforme au droit ?
Le Conseil Constitutionnel a considéré la quasi-totalité des articles censurés comme des « cavaliers législatifs » dont la pratique est prohibée. De quoi s’agit-il ?
Le « cavalier législatif » est une disposition considérée extérieure au champ originel d’une proposition ou d’un projet de loi. Pour faire simple, il s’agit d’un article de loi dont les dispositions n’ont aucun lien ou n’ont rien à voir avec le sujet dont traite le projet ou la proposition de loi.
Dans un souci de sincérité du débat parlementaire et de cohérence législative, le cavalier législatif est prohibé.
Les prémices de cette prohibition apparaissent déjà lorsqu’en 1880, Léon Gambetta, refusait un amendement sur le Conseil d’État et la Cour de cassation dans un texte portant seulement sur l’organisation de la magistrature.
Il estimait que :
« C’est bon en philosophie, où tout est dans tout, mais en matière parlementaire, on ne peut mettre en discussion que ce qui se rattache au sujet à l’ordre du jour » [1].
Dès la IIIe République, il a été établi qu’en matière budgétaire, les amendements ne sont recevables « que s’ils se rapportent au texte en discussion ».
À partir de 1935, ce principe a été étendu à tous les textes par le biais de l’article 84 du règlement de l’assemblée qui dispose que
« les amendements ou articles additionnels ne sont recevables que s’ils sont proposés dans le cadre du projet ou de la proposition et s’ils s’appliquent effectivement à l’article qu’ils visent ».
Tous les textes successifs sur la question ne se sont pas éloignés de ces premières dispositions.
C’est au fil de cette évolution textuelle, aidée de la jurisprudence (décision du Conseil Constitutionnel dite amendement Tour Eiffel du 13 décembre 1985) qu’on a abouti à introduire ce principe dans la constitution (révision constitutionnelle du 23 juillet 2008) à travers l’exigence d’un lien même indirect entre texte et amendement.
Désormais, l’article 45 de la Constitution à son alinéa 1 dispose que
« (…) tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».
C’est sur le fondement de cet article que le Conseil constitutionnel a censuré les articles du texte au motif qu’
« introduites en première lecture, ces dispositions (…) ne présentent pas de lien, même indirect avec des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat ».