Précisions des limites du bénéfice de l’interruption de la prescription par le Conseil d’Etat.

Par Chloé Pion Riccio, Avocat.

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Explorer : # interruption de la prescription # procédure de référé expertise # conseil d'État # loi du 17 juin 2008

Par un arrêt du 20 novembre 2020 (mentionné aux Tables) les juges du Palais Royal précisent les conditions d’interruption de la prescription par une procédure de référé expertise en confirmant l’analyse de la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 16 mai 2019, n°17LY01270.).

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Ils retiennent que le requérant ne peut se prévaloir d’une interruption de prescription par l’introduction d’une procédure de référé expertise qu’il n’a pas initié.

Le Conseil d’Etat considère qu’en approuvant la Loi du 17 juin 2008 réformant le régime de la prescription le législateur n’a pas entendu étendre le bénéfice de l’acte interruptif de prescription à l’ensemble des parties de la procédure malgré l’absence de reprise des termes « signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire » aux articles 2239 et 2241 du Code civil.

En conséquence, il juge que l’interruption de la prescription par l’organisation d’une mesure d’expertise ne joue qu’au profit de la partie à l’origine de la procédure de référé et pour les seules parties ayant expressément demandé à être associée à la demande d’expertise pour un objet identique.

Le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 16 mai 2019 en ce qu’il retient qu’une partie aux opérations d’expertise n’ayant formulé aucune demande reconventionnelle et ne s’étant pas associée expressément à la demande d’expertise ne peut pas se prévaloir d’une interruption de prescription pendant le déroulement de la mesure d’instruction.

Le raisonnement du juge administratif est comparable à celui retenu par la Cour de cassation quelques mois plus tôt. Par un arrêt du 19 mars 2020 elle a en effet jugé que la suspension de la prescription prévue par l’article 2239 du Code civil ne bénéficiait qu’à la partie ayant introduit la procédure de référé-expertise [1].

Les Juridictions civiles s’étaient prononcées sur la question de la détermination du domaine d’application de l’interruption de la prescription dans d’autres décisions notables par exemple dans l’arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2017 (Civ.2ème, 23 novembre 2017, n° 16-13.239).

Cette appréciation est, en revanche, plus isolée au sein de l’ordre juridictionnel administratif.

Le Conseil d’Etat en rendant l’arrêt commenté se prononce clairement en limitant le bénéfice de l’interruption de la prescription à la seule partie à l’origine de la procédure.

La situation aura donc été tranchée dans le même sens par les Hautes Juridictions des deux ordres juridictionnels au cours de l’année 2020. Cette cohérence doit être soulignée car elle facilitera l’analyse des praticiens du droit et des administrés.

Cette décision sévère pour les parties doit inciter à une grande vigilance concernant les modalités de calcul de la prescription. Le bénéfice de l’interruption de la prescription par l’organisation d’opérations d’expertise ne profiter en effet qu’au seul demandeur ainsi qu’aux éventuelles parties ayant formulé des demandes reconventionnelles.

La sanction de l’écoulement du délai de prescription étant irréversible en ce qu’elle implique une l’irrecevabilité de l’action en justice, il est indispensable de la maîtriser pleinement.

Commentaire de l’arrêt Conseil d’État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20/11/2020, n°432678.

Chloé PION RICCIO - Barreau de Montpellier Spécialiste en droit public

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Notes de l'article:

[1Civ. 3e, 19 mars 2020, n° 19-13.459.

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