La preuve par la reconnaissance de dette, par Olivier Vibert, Avocat

Olivier Vibert
Avocat, Paris
www.frenchlaw.blog

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Explorer : # reconnaissance de dette # preuve # prêt

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La Jurisprudence a récemment évolué sur la question de la reconnaissance de dette et plus précisément sur la valeur probatoire de ces reconnaissances de dette.

La Cour de cassation confirme par un arrêt du 14 janvier 2010 sa position sur la reconnaissance de dette (Cour de cassation Chambre civile 1ère 14 janvier 2010. Pourvoi n 08-18581). Cette décision est en effet conforme à deux arrêts antérieurs (Chambre Civile 1ère, 19 juin 2008, n° de pourvoi 06-17534 et Chambre civile 1ère - 30 octobre 2008 pourvoi n°07-12638).

Reprenons ces trois affaires dans l’ordre chronologique.

Chambre civile 1 - 19 juin 2008 - N° de pourvoi : 06-19056 – publié au bulletin

Une personne A assigne une personne B et sollicite le paiement d’une somme en se fondant sur une reconnaissance de dette faite par B.

La Cour d’appel de Montpellier le 20 juin 2008 condamne B au paiement desdites sommes. B reproche à la Cour de l’avoir condamnée alors que A ne démontrait pas avoir effectivement versé cette somme.

B considère que la reconnaissance de dette ne peut suffire à prononcer une condamnation mais qu’il appartient au contraire à celui qui formule la demande de remboursement de démontrer que la somme a été versée.

La Cour de cassation le 19 juin 2008 confirme la décision de la Cour d’appel de Montpellier. La Cour de cassation a jugé qu’il appartenait bien au débiteur qui avait émis une reconnaissance de dette de justifier de l’absence de remise des fonds.

La Cour de cassation considère juge en effet que selon l’article 1132 du code civil il appartient à une personne qui allègue le défaut ou l’illicéité de la cause du contrat d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, bien que le contrat de prêt n’ait pas été formalisé, il appartient au débiteur supposé de démontrer que le contrat est nul pour défaut de cause.

Cette solution est parfaitement logique tant juridiquement que pratiquement dans la mesure où la reconnaissance de dette justifie l’existence d’un prêt et qu’il appartient donc à celui qui conteste la validité de ce prêt d’en justifier.

Chambre civile 1ère - 30 octobre 2008 pourvoi n°07-12638

Dans cette deuxième décision, non publiée au Bulletin, ils ‘agissait là encore d’une assignation en paiement d’une personne munie de reconnaissance de dette.

La Cour d’appel de Pau, le 30 octobre 2006, rejete les demandes en paiement au motif que le demandeur ne justifiait pas de la remise de la chose, à savoir des fonds prêtés en jugeant que la production d’une « reconnaissance de dette par laquelle une personne se reconnaît débitrice d’une somme d’argent au titre d’un prêt ne suffit pas, par elle-même, à établir la réalité de la remise matérielle des fonds ».

La Cour de cassation censure cette décision. Elle juge en effet en des termes particulièrement clairs que la « reconnaissance de la dette fait présumer la remise des fonds » lorsque le prêt a été consenti par un particulier.

Là encore, la Cour de cassation estime donc que la reconnaissance de dette suffit à elle-même pour justifier de la demande en paiement du créancier muni de sa reconnaissance.

Chambre civile 1ère 14 janvier 2010. Pourvoi n 08-18581

Une personne assigne en paiement son frère et son beau frère à qui il avait prêté des fonds. Ces prêts étaient matérialisés par deux reconnaissances de dette dactylographiées.

La Cour d’appel d’Amiens estime qu’il n’y a pas lieu de condamner les signataires de la reconnaissance de dette au motif que le contrat de prêt est un contrat réel qui suppose la remise d’une chose. La production d’une simple reconnaissance de dette ne permettait donc pas de démontrer la réalité du versement des fonds.

La Cour de cassation casse en toute logique cet arrêt.

La Cour de cassation estime en effet que la convention n’est pas moins valable que la cause ne soit exprimée. Il convenait donc au signataire de la reconnaissance de dette de démontrer l’absence de remise des fonds et non l’inverse.

La position de la Cour de cassation développée dans ces trois décisions renforce considérablement la reconnaissance de dette et permet à son bénéficiaire, fort de cette reconnaissance de solliciter le paiement des sommes judiciairement sans avoir à rapporter la preuve de la remise effective des fonds.

Cette solution rend toute son efficacité aux reconnaissances de dettes qui permettent sauf preuve contraire d’éviter le débat sur la remise effective des fonds. C’est celui qui aura reconnu devoir des fonds, qui devra apporter la preuve de l’absence de remise ou d’avoir déjà remboursé sa dette.

Cette question de la charge de la preuve est d’autant plus importante que les particuliers munis d’une reconnaissance de dette après avoir prêté des fonds n’ont souvent que peu de moyens en pratique pour justifier avoir remis ces fonds.

A noter que l’établissement de crédit professionnel qui prête des fonds doit lui par contre justifier de la remise de ces fonds. Cette solution a été affirmée dans une décision également rendue le 14 janvier 2010 par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (Chambre civile 1ère 14 janvier 2010, pourvoi n°08-13160). En effet la Cour de cassation a confirmé une décision de la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE du 14 novembre 2007 qui avait débouté un établissement de crédit de sa demande en paiement au motif qu’aucune pièce comptable n’était produite par l’établissement pour justifier avoir remis les fonds.

Cette décision fera prochainement l’objet d’un commentaire.

Par Olivier Vibert, Avocat, Paris

Olivier Vibert
Avocat, Paris
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