À titre liminaire, il est nécessaire de rappeler que le principe est la délivrance du permis de visite pour les proches du détenu, et que la prise d’une décision de refus en constitue l’exception !
Les décisions tendant à restreindre, supprimer ou retirer les permis de visite relèvent du pouvoir de police des chefs d’établissements pénitentiaires.
L’article L341-3 du Code Pénitentiaire dispose :
« Les personnes détenues condamnées peuvent recevoir la visite des membres de leur famille ou d’autres personnes au moins une fois par semaine ».
L’article L341-4 du Code Pénitentiaire précise :
« Les décisions de refus de délivrer un permis de visite sont motivées ».
Ces décisions affectant directement le maintien des liens des détenus avec leurs proches sont susceptibles de porter atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale protégé par l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.
Il appartient en conséquence à l’autorité compétente de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées pour assurer le maintien du bon ordre et de la sécurité de l’établissement pénitentiaire ou, le cas échéant, la prévention des infractions sans porter d’atteinte excessive au droit des détenus au respect de leur vie privée et familiale.
L’incarcération ne doit pas priver le détenu et sa famille d’entretenir des relations normales.
Or, les motifs de refus de permis de visite en détention sont divers et variés : des prétendus incidents au parloir, une condamnation antérieure du visiteur, le visiteur est la victime liée à la condamnation du détenu, la prévention d’infractions, les visites font obstacle à la réinsertion du condamné…
Les décisions de refus de permis de visite peuvent faire l’objet d’un recours afin de pouvoir visiter son proche incarcéré.
S’agissant des recours possibles, pour obtenir un permis de visite il est possible d’envisager un recours au fond et de déposer, en sus, un recours en référé-suspension [1].
Par exemple, dans le cadre d’un recours en référé-suspension, le juge des Référés du Tribunal Administratif de Nancy a pu préciser :
« (…) En ce qui concerne l’urgence :
L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le demandeur, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence s’apprécie objectivement compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce.
Ainsi qu’il a été dit au point 5 de la présente ordonnance, la décision litigieuse, qui retire le permis de visite de Mme A est susceptible d’affecter directement le maintien des liens de M. C avec sa compagne, dont il n’est pas contesté par le ministre de la Justice qu’elle est la seule personne lui rendant visite, et, par suite, de porter atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale. La circonstance que le requérant conserverait la possibilité de maintenir des liens par l’intermédiaire de correspondances courriers ou d’échanges téléphoniques ne permet pas de pallier l’interdiction des visites de Mme A. Par ailleurs, si le ministre de la Justice fait valoir que la mise en œuvre de la mesure contestée est nécessaire afin de prévenir les infractions au sein de l’établissement, il ne résulte pas de l’instruction et notamment de l’échange téléphonique du 13 août 2024 entre M. C et sa compagne qu’il existerait une urgence particulière à exécuter la décision en litige. Il résulte de ce qui précède que la condition d’urgence prévue à l’article L521-1 du Code de justice administrative doit, en l’espèce, être regardée comme satisfaite.
En ce qui concerne le doute sérieux quant à la légalité de la décision :
Eu égard à l’absence de tout incident lors des précédentes visites de Mme A, qui disposait d’un permis de visite depuis le 16 juin 2019, le moyen tiré de ce que la décision contestée, qui procède au retrait de ce permis de visite, présente un caractère disproportionné est, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.
Il résulte de tout ce qui précède que, les conditions d’application de l’article L521-1 du Code de justice administrative étant réunies, il y a lieu de suspendre l’exécution de la décision du 6 septembre 2024 par laquelle le directeur du centre de détention de Toul a retiré le permis de visite de Mme A auprès de M. C jusqu’à l’intervention du jugement au fond » [2].
Un recours en référé-liberté est évidemment aussi envisageable, mais il faut justifier d’une urgence particulière [3].
Par exemple, dans le cadre d’un recours en référé-liberté, le Juge des Référés du Tribunal Administratif de Nancy a pu préciser :
« Toutefois, la circonstance que Mme D ait été condamnée dans la même affaire que son compagnon ne peut justifier, à elle seule, un refus de délivrance d’un permis de visite et n’avait, du reste, pas fait obstacle à ce qu’un tel permis lui soit délivré lors de la détention de M. B à la maison d’arrêt de Strasbourg. S’il est constant que le permis de visite de Mme D a été suspendu à deux reprises, pour un mois et trois mois, le ministre de la justice ne conteste pas que la reprise des visites de la requérante à l’issue de la seconde suspension n’a donné lieu à aucun incident. Ainsi, contrairement à ce qu’indique l’administration en défense, le risque de réitération d’un comportement de nature à mettre en cause le bon ordre, la sécurité et la prévention des infractions au sein du centre de détention n’est pas caractérisé. Enfin, le motif tiré par le chef d’établissement de ce que les visites de Mme D ne seraient pas propices à la réinsertion de M. B est en tout état de cause entaché d’une erreur de droit dès lors que l’intéressée est au nombre des membres de la famille de la personne condamnée au sens des dispositions précitées de l’article L341-7 du Code pénitentiaire. Il suit de là que les requérants sont fondés à soutenir que les décisions refusant de délivrer un permis de visite à Mme D portent une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Il résulte de ce qui précède que Mme D et M. B sont fondés à demander la suspension des décisions des 30 janvier et 5 février 2024 et à ce qu’il soit enjoint à l’administration pénitentiaire de délivrer un permis de visite à Mme D, dans le délai de 48 heures à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu’il y ait lieu, dans les circonstances de l’espèce, de prononcer une astreinte » [4].
La juridiction saisie pour introduire le/les recours à l’encontre de la décision de refus de permis de visite doit être celle du lieu de résidence du requérant qui a fait l’objet d’une décision de refus de permis de visite.
Discussions en cours :
Cet article est à la fois très bien écrit et particulièrement pertinent sur un sujet essentiel : les droits des détenus. L’analyse juridique est claire, bien documentée et met en évidence les recours possibles en cas de refus de permis Un article très instructif et bien documenté sur les refus de permis de visite en prison. Une lecture essentielle pour mieux comprendre les droits des détenus et les recours possibles en cas de refus injustifié.
Merci infiniment maître pour toutes ces bonnes informations.