Vers une protection européenne du brevet. Par Elsa Verbrugghe

Vers une protection européenne du brevet.

Rédaction du village

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Explorer : # brevet unitaire # propriété intellectuelle # coopération européenne # régime linguistique

Le 15 février 2011 les députés de Strasbourg ont adopté, lors d’une session plénière, le projet de coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire par brevet.

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C’est une avancée remarquable car le consensus est difficile à trouver à 27 dans ce domaine et les tentatives d’union n’ont jamais abouti malgré un besoin réel. En effet, en 2002 le Conseil avait déjà fait une proposition de règlement sur le brevet communautaire mais compte tenu des difficultés insurmontables rencontrées par certains Etats membres à propos du régime des traductions, et ne parvenant pas à un consensus unanime, le Conseil avait conclu qu’il ne pouvait aboutir à un accord politique sur la proposition de la Commission et le projet fut abandonné.

Cette absence de brevet unitaire engendre un morcellement de la protection conférée aux titulaires de brevets des différents Etats membres, qui s’accompagne d’une réelle complexité des procédures de dépôt, qui entraînent des frais très élevés qui le sont d’autant plus à cause de l’exigence de traduction en 23 langues. Cette lourdeur de procédure n’est pas en adéquation avec la fonction essentielle du droit des brevets qui est de favoriser les progrès scientifiques et technologiques.

Les choses ont commencé à bouger le 27 janvier dernier quand les propositions contenues dans le rapport Klaus-Heiner Lehne, rapport commandé par 12 des Etats membres l’année dernière, ont été approuvées par une large majorité des membres de la commission des affaires juridiques. Les 12 Etats qui ont décidé de mettre en place cette procédure simplifiée sont : l’Allemagne, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la France, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni, la Slovénie et la Suède. L’Italie et l’Espagne qui sont en total désaccord sur le choix des langues, ne souhaitent pas participer à ce projet. Toutefois, tout Etat membre qui le désire pourra rejoindre cette coopération à tout moment.

Une proposition encensée par le Parlement :

Le Parlement dans son texte d’adoption du projet se montre très enthousiaste face à ce projet de coopération renforcée. En effet, il estime que celle-ci permettra :

« le bon fonctionnement du marché intérieur en éliminant les obstacles à la libre circulation des marchandises, en favorisant la lutte contre les contrefaçons de brevets, en étant de nature à entraîner une augmentation du nombre des inventeurs désireux de bénéficier d’une protection par brevet dans l’ensemble de l’Union, en garantissant à tous les inventeurs, à toutes les entreprises innovantes et à tous les titulaires de brevets, que leur État membre d’origine participe ou non au dispositif, l’égalité d’accès à la protection unitaire par brevet, en mettant un outil supplémentaire à la disposition de tous les titulaires de brevets dans l’Union, en améliorant les conditions générales d’exercice des entreprises innovantes dans toute l’Union, et en mettant fin, entre les États membres participants, au morcellement actuel provoqué par l’existence de « frontières » en matière de droits de brevet entre les Etats membres ». On ressent à travers ces quelques lignes la volonté de faire évoluer le système lacunaire en place et le grand intérêt perçu par le Parlement pour ce projet.

Cette proposition est chaleureusement accueillie pour sa nouveauté absolue car mis à part la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, il n’existe pas le moindre embryon d’unification concernant les brevets, et pour sa disponibilité envers les autres Etats membres, en effet « l’accès au brevet unitaire étant ouvert à tous les usagers du système de brevet de l’ensemble de l’Union ».

Une semi-avancée :

Cependant, ne nous réjouissons pas trop vite de cette petite évolution car si depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’Article 118 alinéa premier permet l’élaboration d’un titre européen de propriété intellectuelle, tel que le brevet, par la procédure législative ordinaire ; l’Article 118 alinéa second soumet à une procédure législative spéciale nécessitant l’unanimité au sein du Conseil, l’établissement du régime linguistique des titres de propriété intellectuelle européens. Le problème semble simplement déplacé et loin d’être résolu car il est évident que l’Espagne, l’Italie et peut être d’autres, ne donneront pas leur accord sur les aspects linguistiques.

La suite :

Après cette approbation du Parlement, celui-ci invite le Conseil à se prononcer en mars, selon la procédure législative ordinaire et non spéciale, sur la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire par brevet, et sur les régimes linguistiques des titres européens. Si celui-ci donne son accord, la Commission devra alors présenter deux propositions, l’une concernant l’aspect linguistique et l’autre sur l’établissement du brevet unique.

Conclusion :

Une coopération restreinte vaut mieux qu’une absence totale de protection.
Pourquoi est-il si difficile de s’accorder depuis des années ? Les enjeux ne sont pas les mêmes pour tous les pays. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni qui sont les 3 principaux déposants de brevets en Europe ont intérêt à réduire leurs couts et à s’unir. Ce sont d’ailleurs les trois langues officielles qui ont été choisis dans la procédure de dépôt unique.

Elsa Verbrugghe
Etudiante en master 2 droit européen et international de la propriété intellectuelle, CEIPI, Strasbourg

elsa.verbrugghe chez gmail.com

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