La protection du secret des sources des journalistes en débat

La protection du secret des sources des journalistes en débat

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L’Assemblée Nationale a adopté, le 15 mai 2008, un projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes.

L’intention affichée du Gouvernement est de consacrer, par ce projet de loi, le principe de la protection du secret des sources. Le texte prévoit cependant des exceptions à ce principe.

En effet, le principe de base de ce projet de loi est que « le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général ».

Cependant, le projet prévoit qu’« il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement à ce secret qu’à titre exceptionnel et lorsqu’un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie ».

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L’intérêt de ce texte vise donc à définir dans quelles conditions il peut être porté atteinte à la protection du secret des sources des journalistes.

Le texte prévoit, à cet effet, deux hypothèses. Il s’agit, d’une part, de l’hypothèse ou le lieu de travail d’un journaliste fait l’objet d’une perquisition ; et, d’autre part, de l’hypothèse ou un journaliste est entendu comme témoin par un juge.

Actuellement, les dispositions relatives à la protection des sources des journalistes sont contenues dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Ainsi, conformément à la législation en vigueur, les sources d’un journaliste ne sont protégées, à l’encontre de perquisitions, que lorsque celles-ci ont lieu dans les locaux d’une entreprise de presse. De plus, de telles perquisitions ne peuvent être autorisées par un magistrat uniquement sous certaines conditions restrictives.

À cet égard, le projet de loi vise à étendre et adapter la protection accordée aux locaux des entreprises de presse, aux agences de presse, aux véhicules professionnels des journalistes ou encore à leur domicile.

Ainsi, en l’état du projet, si un magistrat effectue une perquisition dans ces lieux, il devra veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte de façon « disproportionnée » au secret des sources « au regard de la gravité et de la nature de l’infraction recherchée ».

S’agissant de la protection des sources d’un journaliste auditionné en qualité de témoin, le régime actuel, prévu à l’article 109 du code de procédure pénale, prévoit qu’un journaliste ne peut être poursuivi s’il refuse de divulguer l’origine d’informations recueillies dans le cadre de son activité. Cette protection se limite cependant dans le cadre d’une instruction.

Sur ce point, le projet de loi propose de renforcer cette protection. Ainsi, et à peine de nullité, les enquêteurs et magistrats devront se passer des informations du journalistes - informations pouvant porter atteinte au secret de ses sources -, dès lors que cette atteinte serait disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection de ce secret.

Ce texte, s’il semble assurer une plus grande effectivité du secret des sources des journalistes, n’est pas favorablement accueilli par cette profession. Pour la plupart des syndicats de journalistes, ce projet de loi ne va pas suffisamment loin.

L’un des principal défaut de ce texte résiderait dans les critères flous permettant de déroger au principe de protection du secret des sources.

Sur cette question, le « Syndicat National des Journalistes » considère que « les notions « d’intérêt général », de « particulière gravité », entre autres, sont tellement floues qu’elles risquent de permettre toutes les interprétations ».

En somme, il appartiendra au juge d’apprécier si, dans les cas qu’il lui sont soumis, ces notions sont caractérisées ou non.

Pour « Reporter Sans Frontières », le projet de loi devrait se rapprocher de la loi belge qui constitue « une des références en la matière ». Cette loi limite « drastiquement les cas d’atteintes au secret protégé » en énonçant :
« il ne peut être porté atteinte à ce secret qu’à la requête d’un juge et seulement si la révélation des sources en question est le seul moyen de prévenir la commission d’infractions menaçant l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes et si, de plus, ces informations revêtent une importance cruciale pour prévenir la commission de ces infractions et qu’il n’existe aucun autre moyen de les obtenir. »

Par ailleurs, l’organisation ajoute que les dispositions protégeant les journalistes auditionnés en qualité de témoin peuvent être contournées. En effet, pour priver le journaliste de ce statut protecteur, un juge pourrait opter pour sa mise en examen. En d’autre terme, le juge, pour amoindrir la protection du secret des sources, pourrait auditionner le journaliste non plus comme un simple témoin mais plutôt comme une personne dont on pourrait croire qu’elle est auteur ou complice d’une infraction.

C’est pourquoi, Reporter Sans Frontière estime que la protection accordée au journaliste, en qualité de témoin, devrait être étendu à toute audition, quelque soit la qualité alors accordée au journaliste, dès lors que l’audition concerne « des informations recueillies dans l’exercice de son activité ». L’organisation ajoute que la protection devrait être étendue au stade de l’enquête et non pas débuter au stade de l’instruction.

Enfin, le dernier point de discorde que suscite ce texte réside dans la nouvelle définition du journaliste. Plusieurs syndicats de journalistes considèrent que cette nouvelle définition, en étant plus restrictives, amoindri la protection des sources.

En effet, selon le projet de loi, est considéré comme journaliste « toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse « , de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public. ».

Or, cette notion de journaliste ne prend pas en compte les correspondants, qu’ils travaillent en France ou à l’étranger, les collaborateurs directs de la rédaction telle que les rédacteurs- traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, journalistes-reporters d’images, et les correspondants locaux de la presse locale et régionale. Pour Reporter Sans Frontières, ces différentes personnes auxquels le projet de loi ne fait pas référence « ont le droit de taire leurs sources d’information. »

En somme, il s’agit, pour les syndicats de journalistes, de conserver la notion de journaliste telle qu’elle est inscrite dans le Code du Travail, et est accompagnée, dans son évolution, par la Commission de la Carte.

Il reste que ce projet de loi peut être amené à être modifié, étant donné que c’est en juin prochain que le Sénat aura à connaître de ce texte en vue d’une adoption définitive.

La rédaction du Village

Source :

Projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes

Projet de loi sur la protection du secret des sources des journalistes : les craintes et les propositions de Reporters sans frontières

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