Que peut-on craindre de ce nouveau type de contrat ?
Ce contrat qualifié de ‘‘Nouvelles Embauches’’ est dans une impasse. En effet depuis que le Droit Européen s’en est mêlé, le CNE pourrait se voir disparaître.
Le CNE nous est apparu par voie d’ordonnance sous le N° 2005-893 du 2 août 2005.
Cependant ce nouveau type de contrat, est passé sans que les citoyens que nous sommes, comprennent quelques choses. Pour quelle raison ?
Sûrement, parce que cette année là fut particulièrement rude, plusieurs ordonnances virent le jour.
Je dois reconnaître pour ma part, je fus un peu égaré face à ce déluge de textes plutôt rarissime en France.
Il faut de plus, reconnaître que le CNE n’a suscité que peu de effets si on compare avec le CPE (Contrat Premières Embauches).
Il faut savoir que le CNE est un CDI à l’exclusivité des entreprises de moins de 20 salariés et déroger de plein Droit aux règles de Licenciement de Droit Commun.
Ce contrat est très spécial, il est comparable à une période d’Essai car il est pour une durée de 2 ans durant laquelle l’employeur peut mettre fin au contrat sans avoir à respecter la procédure de licenciement mais, et surtout, sans être tenu de justifier par écrit les motifs de la rupture (sauf s’ils sont d’ordre disciplinaire).
Est-ce une aberration ?
Pas de jugement de valeur.
Il faut savoir, qu’il n’est pas interdit au salarié qui se sent lésé de contredire la rupture dudit contrat car il est toujours possible d’invoquer l’abus de droit, mais toute proportion gardée, la chose sera très lourde pour le salarié…
Mais paradoxalement, beaucoup ne se sont pas découragés et ont contesté et réfuté la conclusion et/ou la rupture de leur CNE devant les Prud’Hommes.
Le premier cas en l’espèce, date du 25 février 2006 (soit un an après), un jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Longjumeau, a clairement considéré qu’un employeur avait abusé de son droit de recourir au CNE.
Le Conseil de prud’hommes de Longjumeau qui est un précurseur en la matière, a encore faire parler de lui en avril 2006.
Mais là, le Conseil de prud’hommes de Longjumeau fait fort, c’est qu’il fonde son jugement sur un vice de forme, en clair sur une non-conformité de l’ordonnance CNE d’avec le droit international.
Voir la convention n°158 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) et le jugement n° 06/00316 du Conseil des Prud’Hommes de Longjumeau 28 avril 2006.
Il faut rappelé que cette convention d’envergure internationale a été ratifiée par la France et est entrée en vigueur en mars 1990.
Elle stipule clairement qu’il est impossible de licencier un travailleur « sans qu’il existe un motif valable de licenciement » et sans que ce travailleur ait eu au préalable « la possibilité de se défendre » et cela doit être fait sous l’autorité du juge, seul habilité à rendre et à dire si le licenciement est justifié ou pas.
Toutefois, la convention autorise les états à déroger à ces règles en cas de période d’essai ou bien si le salarié n’a pas l’ancienneté requise, mais à la condition que la durée soit « raisonnable ».
Les conseillers de Longjumeau ont fait fort, car ils se sont appuyés et ont pris exemple sur le Droit d’autres pays européens.
En se posant la question de savoir, si un CNE de 2 ans pouvait être considérée comme durée « raisonnable » au sens de la convention de l’OIT et du Droit Français.
Une question d’ores déjà à bannir, celle de savoir si un juge peut être amené à vérifier la conformité d’un texte national sur une norme internationale ?
La réponse est oui, l’Article 55 de la Constitution Française autorise et donne possibilité à un juge de vérifier et de contrôler la conformité des lois par rapport aux engagements internationaux que prends la France.
Et c’est précisément sur le fondement de cet article que le Conseil de Prud’hommes de Longjumeau s’est prononcé.
En réalité, une autre question que je peux être amené à poser c’est pourquoi le CPE vient d’une loi alors que le CNE lui, vient d’une ordonnance ?
La question est bien entendue posée.
A ce niveau, la chose se complique car si l’article 55 de la Constitution Française autorise le juge à vérifier la conformité des lois, il revient paradoxalement au seul juge administratif de vérifier les actes de types réglementaires.
La Cour d’appel de Paris, juridiction judiciaire et non pas administrative sur appel de l’employeur, se demande si, il est judicieux que le juge judiciaire puisse se prononcer sur la légalité de l’ordonnance CNE ?
Ce CNE est en tout ses aspects très intéressant car faisant appel à plusieurs composantes : Employeur, Salarié mais aussi les syndicats représentatifs de salarié, le Parquet.
Que du beau monde, et on peut s’imaginer le remue ménage et la différence d’opinion car… L’employeur (qui a fait appel) et le salarié, on ne peux que se douter de leur réaction.
Le Parquet quant à lui, estimait que le juge judiciaire était compétent en la matière.
Ce qui est frappant, c’est qu’avant même de répondre sur le fond, la Cour d’appel devait d’entrée de jeux se prononcer sur sa légitimité et sa compétence pour rendre jugement.
A cette question, le parquet n’a pas accepté la ratification (implicite) de l’ordonnance, cependant elle s’est estimée compétente pour porter réponse et jugement.
Contre ce jugement, le Préfet de l’Essonne a rendu un arrêté de conflit afin de saisir le Tribunal des conflits (Juridiction suprême chargée d’arbitrer les conflits de compétence entre juge judiciaire et juge administratif).
Le 19 mars 2007 sous le N°3622, le Tribunal des Conflits a accepté la ratification de l’ordonnance, ce qui a eu pour effet de lui donner une valeur législative.
En tout, il y’a du bien dans la démarche du Préfet de l’Essonne car la compétence de la Cour d’appel de Paris étant admise, elle peut maintenant pouvoir se prononcer sur la question de fond.
A savoir sur la conformité ou non de l’ordonnance à la convention de l’OIT.
Cher confrère, je peux déjà parier, que dans cette affaire, le Pourvoi en Cassation sera de rigueur et c’est la Cour de cassation qui aura le fin mot de l’histoire.
En tout cas, j’espère que, comme moi, vous attendrez avec hâte de connaître la position de la Cour de Cassation.
Cependant, pour sa part, le Conseil d’Etat, lors de la publication de l’ordonnance, en a admit la validité au regard du droit international.
Je sens le désaccord entre ses deux juridictions.
Est-il surprenant que la Cour de cassation et le Conseil d’Etat ne soient pas du même avis…
Régis AMARO, Juriste en Droit du Travail
Lyon le 20 Juin 2007
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