Salariés, cadres, cadres dirigeants : si vous êtes victime de harcèlement moral, vous devez le dénoncer auprès de votre employeur comme tel.

Par Frédéric Chhum et Marilou Ollivier, Avocats.

3590 lectures 1re Parution: Modifié: 4.93  /5

Explorer : # harcèlement moral # protection contre le licenciement # indemnités prud’homales # dénonciation

Par un arrêt rendu le 13 septembre 2017 (Cass. Soc. 13 sept. 2017, n°15-23.045), la Cour de cassation a apporté une précision majeure quant aux règles sur la protection contre le licenciement applicable aux salariés qui ont dénoncé des faits de harcèlement moral : celle-ci qu’à condition que le salarié victime ait dénoncé les faits en les qualifiant comme tels.
En l’espèce, le directeur commercial et vice-président d’une société avait été licencié pour faute grave après avoir dénoncé des faits de harcèlement moral.
Il demandait la nullité de son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise, considérant que son licenciement était motivé par sa dénonciation du harcèlement dont il était victime.

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1) Le dispositif de protection contre le licenciement applicable aux salariés qui dénoncent des faits de harcèlement moral

Le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral bénéficie d’une protection contre le licenciement (art. L.1152-3 C. trav.).
Ainsi, toute mesure de licenciement liée à des agissements constitutifs de harcèlement moral est nulle et de nul effet.

Seul le salarié qui dénonce, de mauvaise foi, des faits qu’il sait mensongers est exclu de cette protection légale.

La nullité du licenciement permet au salarié de bénéficier d’une option :
- Soit il sollicite sa réintégration au sein de l’entreprise et le paiement des salaires qu’il aurait dû percevoir entre la date de son licenciement et celle de sa réintégration effective ;
- Soit il ne sollicite pas sa réintégration auquel cas il a droit, d’une part, aux indemnités de rupture et, d’autre part à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement.

En l’espèce, le salarié qui demandait la requalification de son licenciement en licenciement nul avait opté pour la première solution et sollicitait sa réintégration au sein de l’entreprise.

2) L’exclusion de la « barémisation » des indemnités prud’homales en cas de licenciement d’un salarié ayant dénoncé des faits de harcèlement moral

La question ne se posait pas dans l’affaire soumise à la Cour de cassation puisqu’elle restait régie par les règles applicables au moment de l’introduction de l’instance.

Néanmoins, la qualification du harcèlement moral est aujourd’hui d’autant plus importante depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail puisqu’il est expressément prévu que le barème des indemnités prud’homales ne s’applique pas dans les cas de nullités consécutives à un harcèlement.

En effet, les cas d’exclusion du plafonnement de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont expressément prévus à l’article L. 1235-3-1 du Code du travail et parmi eux figure le licenciement consécutif à la dénonciation de faits constitutifs de harcèlement (art.2 ord. n°2017-1387 du 22 septembre 2017).

Dans ces hypothèses, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois (et ce quel que soit l’effectif de l’entreprise et l’ancienneté du salarié).

L’indemnité est alors due sans préjudice de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

Sur ce point, voir notre précédente brève

3) Une protection réservée aux salariés qui ont dénoncé un harcèlement moral qualifié comme tel

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait fait application de l’article 1152-3 du Code du travail et considéré que, dès lors que sa lettre de licenciement mentionnait le fait d’avoir abusé de sa liberté d’expression pour avoir « essayé pour détourner l’attention, de créer l’illusion d’une brimade, de proférer des accusations diffamatoires en se permettant d’affirmer par écrit, dans un courriel, qu’il subirait des comportements abjects, déstabilisants et profondément injustes sans aucune justification. »

En effet, le salarié avait adressé un courriel dans lequel il informait son employeur de son souhait de l’informer de vive voix du « traitement abject, déstabilisant et profondément injuste qu’il estimait être en train de subir ».

Pourtant, le salarié n’avait jamais utilisé le terme de harcèlement moral.

Alors même que les faits dénoncés s’apparentaient à du harcèlement, la Cour de cassation a considéré qu’il ne pouvait se prévaloir de la protection contre le licenciement qui y est attachée : « en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié n’avait pas dénoncé des faits qualifiés par lui d’agissements de harcèlement moral, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisé ».

Ce faisant, la Cour de cassation restreint donc strictement les cas dans lesquels un salarié pourra obtenir la nullité de son licenciement en raison de faits de harcèlement moral.

En effet, chaque fois que le salarié aura dénoncé des faits qui constituent une situation de harcèlement moral mais n’aura pas pris la peine de les qualifier ainsi, il sera exclu du dispositif de protection prévu par le Code du travail.

A cet égard, cette décision nous parait hautement critiquable.

D’une part, elle fait totalement abstraction de l’article 12 du Code de procédure civile qui impose aux juges de restituer aux faits leur qualification légale et fait peser le travail de qualification sur les seuls salariés.

D’autre part, elle peut conduire à des situations paradoxales puisqu’en théorie, un salarié qui aurait dénoncé des faits non constitutifs de harcèlement moral mais qualifiés comme tels pourrait se voir protégé contre le licenciement (sauf à en connaitre le caractère mensonger) tandis qu’un salarié effectivement victime de harcèlement moral mais qui ne l’aurait pas qualifié comme tel pourrait s’en voir exclu.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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