Le temps de travail selon le Code du travail : le régime classique.
Durée légale du temps de travail et heures supplémentaires.
De façon générale, la durée légale du temps de travail est fixée à 35h par semaine. Il s’agit d’une durée de référence, celle à partir de laquelle les heures supplémentaires sont calculées. Selon l’article L3121-28 du Code du travail, les heures supplémentaires sont des heures de travail accomplies par le salarié au-delà de la durée légale du travail ou de la durée considérée comme équivalente. La rémunération de ces heures est majorée de 25% pour les huit premières heures supplémentaires et de 50% pour les suivantes. Cependant, un temps de travail effectif est nécessaire pour ouvrir droit à rémunération.
Le temps de déplacement d’un salarié itinérant et la notion de travail effectif.
La durée du temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives, sans pouvoir se consacrer librement à ses occupations personnelles [1].
En principe, selon les dispositions du Code de travail, le temps de déplacement pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas du temps de travail effectif et n’a pas à être rémunéré [2]. Il peut néanmoins faire l’objet d’une contrepartie sous forme de repos ou de compensation financière s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail [3]. De fait, en application de ces dispositions du Code du travail un salarié itinérant ne pouvait obtenir le paiement d’heures supplémentaires effectuées sur son temps de trajet domicile/client.
Le temps de travail selon la jurisprudence de la Cour de Cassation : un droit favorable au salarié itinérant.
La décision du 22 novembre 2022 (principe).
Désormais, la Cour de cassation prend en compte les contraintes auxquelles les salariés sont réellement soumis pour déterminer si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif. Il a ainsi été jugé le 23 novembre 2022 que
« le temps de trajet d’un salarié itinérant entre son domicile et son premier client, puis entre son dernier client et son domicile peut, dans certains cas, être pris en compte au titre des heures supplémentaires ».
Ainsi, en cas de litige, le juge devra vérifier si le salarié itinérant doit se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
La décision du 1ᵉʳ mars 2023 (réaffirmation).
C’est cette position favorable au salarié itinérant qui est réaffirmée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 1ᵉʳ mars 2023. La Cour de Cassation pose de nouveau le cadre permettant d’ouvrir droit à qualification éventuelle de travail effectif et donc à une rémunération au titre de dommages et intérêts, en opposition aux dispositions classiques du Code du travail.
Dans les faits un salarié itinérant en qualité d’électromécanicien était amené lors de temps de trajets, inhérents à sa profession, à effectuer des opérations de maintenance nécessitant des déplacements ainsi qu’à transporter des pièces détachées commandées par les clients en utilisant un véhicule de service.
Bien qu’étant sous le régime d’un planning prévisionnel ce dernier se tenait à la disposition de l’employeur et qu’il ne pouvait pas vaquer à ses occupations personnelles demandant alors une rémunération de son temps de trajet au titre des heures supplémentaires effectuées dans le cadre d’un travail effectif.
Ce travailleur itinérant a saisi la juridiction prud’homale en paiement de rappels de salaires et indemnités puis a formé un pourvoi en cassation. La Cour de Cassation a considéré que dès lors que le salarié était soumis à un planning prévisionnel, qu’il utilisait un véhicule de service et transportait des pièces détachées, la cour d’appel ne pouvait pas considérer que le salarié ne se tenait pas à la disposition de l’employeur, ne se conformait pas à ses directives et pouvait vaquer à ses occupations personnelles, comme cela lui avait été opposé.
La décision du 24 mai 2023 (confirmation).
La Cour de Cassation confirme de nouveau que les temps de déplacement accomplis par un salarié itinérants entre son domicile et les sites des premiers et derniers clients doivent être considérés comme du temps de travail effectif dès lors que le salarié est à disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles.
Conclusion.
La Cour de Cassation casse et annule la décision d’appel, permettant ainsi de réaffirmer le principe selon lequel le temps de trajet d’un salarié itinérant peut constituer un temps de travail effectif ouvrant droit à rémunération au titre des heures supplémentaires. C’est notamment le cas lorsque le salarié itinérant se tient à la disposition de son employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles et cela, même en présence d’un planning prévisionnel.
Il n’en reste pas moins que la qualification de travail effectif est essentielle pour ouvrir droit à ce régime de faveur, à défaut le salarié n’aura droit qu’à une contrepartie sous forme de repos ou de compensation financière en cas de dépassement du temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail.
Références :
- Cass. soc., 22 novembre 2022, n°20-21.924
- Cass. soc., 1er mars 2023, n°21-12.068
- Cass. soc.24 mai 2023, n°21-19.549.