1) Les faits : Julien Courbet a tenu des propos « inacceptables » sur Twitter
Suite à l’annonce de l’arrêt de Seriez-vous un bon expert ?, diffusé sur FRANCE 2, Julien Courbet, l’animateur du jeu, a posté, le 1er mars dernier, plusieurs tweets, humoristiques mais provocants, à l’égard de la Chaîne.
Ainsi, ce dernier a écrit : « No pb les amis pour le jeu, on faisait plus que les deux émissions qui suivent, mais ils doivent préférer les jeux américains. Bon week ! », ajoutant, quelques minutes plus tard : « Pour la peine je vais payer ma redevance en dollars :))))) J’aurais dû faire Would you Be a good expert ? :))) J’écoute Stevie i m freeee !! ».
FRANCE 2 avait justifié l’arrêt du jeu par une faible part d’audience depuis janvier, et déplorait surtout le faible succès du jeu auprès de la ménagère de moins de 50 ans.
Ce à quoi l’animateur avait tweeté « Si on veut faire des ménagères on fait de la téléréalité, des séries américaines Bref du privé… ».
Julien Courbet avait enfin tourné en dérision le remplacement de son jeu par une série télévisée allemande, en lâchant : « Bonne nouvelle pour la création française va y avoir un feuilleton allemand à la place. Gunther Courbet vous embrasse fort. Merci à tous ».
Cette liberté de ton a coûté cher à l’animateur, puisque FRANCE TÉLÉVISIONS a décidé, le 7 mars dernier, de rompre sa collaboration.
Le matin-même, Philippe Vilamitjana, Directeur de l’antenne et des programmes de FRANCE 2, avait condamné les propos de l’animateur, déclarant sur EUROPE 1 que s’il avait, dans un premier temps, « dit à Julien Courbet qu’il resterait un visage de l’antenne de FRANCE 2 […] ses propos sont inacceptables et rendent impossible toute collaboration », ajoutant « les jugements de Julien Courbet sur les choix et la grille des programmes sont inacceptables. Avec de tels propos, il s’est sabordé tout seul ».
L’animateur-star, âgé de 48 ans, sera resté quatre ans et demi au sein de la Chaîne.
Mais sur quel motif FRANCE TÉLÉVISIONS peut-elle fonder le licenciement de l’un de ses animateurs phares ?
2) Motifs de licenciement : faute grave ou trouble caractérisé à l’entreprise
a) Des faits relevant de la vie privée en corrélation avec l’activité salariée
Les faits reprochés à Julien Courbet et invoqués comme motif de licenciement se sont déroulés en dehors de ses temps et lieu de travail, sur un réseau externe.
De ce fait, la question se pose de savoir s’il est possible de licencier un animateur pour des faits commis dans le cadre de sa vie privée, puisqu’en principe l’employeur ne peut pas s’immiscer dans le domaine de la vie personnelle de son salarié.
Cependant, la jurisprudence a soulevé une exception : en effet, pour ne pas être considérés comme fautifs, les faits commis par un salarié ne doivent pas être en corrélation avec son activité salariée. (Cass. soc. 5 mars 2000 n°98-44022).
Par conséquent, FRANCE TÉLÉVISIONS pourrait invoquer la faute grave à l’encontre de Julien Courbet, car bien que les faits se soient déroulés en dehors de son contrat de travail, ils sont en rapport avec son activité salariée.
Les tweets de l’animateur, s’ils sont suffisamment dénigrants, pourraient constituer une faute grave, car il s’agit d’une violation des obligations de discrétion et de loyauté du salarié vis-à-vis de son employeur.
Cependant, les juges admettent difficilement la faute grave d’un salarié lorsque sa liberté d’expression est en jeu.
Les juges pourraient, dans le cas de Julien Courbet, refuser la faute grave, aux motifs notamment qu’il ne s’était jamais rien vu reprocher jusqu’à présent, et qu’il avait réagi de manière excessive, car déçu par la suppression de son émission.
Ainsi, FRANCE TÉLÉVISIONS pourrait choisir d’opter pour une procédure de licenciement moins lourde, en invoquant le « trouble caractérisé à l’entreprise ».
b) L’exception du « trouble caractérisé au sein de l’entreprise »
Selon la jurisprudence, « Si, en principe, il ne peut être procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée du salarié, il en va autrement lorsque le comportement de celui-ci a créé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise » (Cass. soc. 14 septembre 2010 n° 09-65675).
Cela suppose que les faits reprochés reposent sur des éléments objectifs imputables au salarié, un comportement ou des agissements personnels.
Mais le plus souvent, ce trouble objectif est, en pratique, caractérisé au regard de la finalité de l’entreprise et des fonctions du salarié.
En l’espèce, Julien Courbet collaborait avec FRANCE TÉLÉVISIONS depuis 2008, en qualité d’animateur, sur plusieurs émissions.
Ce dernier a fait une carrière exemplaire, arborant une image de « gendre idéal », et n’a jamais fait d’esclandre.
On pourrait donc estimer que ses tweets ne soient que l’expression d’une rancœur quant à l’arrêt du jeu Seriez-vous un bon expert ?, qu’il animait sur la Chaîne.
En outre, bien que son compte Tweeter soit suivi par des milliers de « followers », il nous paraît peu probable que les tweets de Julien Courbet aient réellement causé un « trouble caractérisé » à FRANCE TÉLÉVISIONS...
Discussions en cours :
Julien COURBET n’a pas été licencié par France Télévision car il n’était pas salarié de France Télévision, mais de la société Julien Courbet Productions dont il est Gérant et actionnaire (très) majoritaire. Suite aux propos qu’il a tenu, France Télévision a mis fin au contrat qui la liait à la dite Société de Production.
Julien Courbet était il un salarié de France 2. la question se pose. Il présentait une Emission qu’il produit également. France 2 parle de collaboration et non de lien de subordination.