1. L’information préalable des salariés en cas de vente du fonds de commerce
a. Le principe de l’information préalable des salariés
Le principe d’un droit à l’information des salariés en cas de projet de vente du fonds de commerce a été posé par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (dite "loi Hamon") avec l’objectif de faciliter la transmission des entreprises à leurs salariés. Le principe de cette obligation est entré en vigueur le 1er novembre 2014.
L’article 19 de cette loi a modifié le Code de commerce en y insérant les articles L. 141-23 à L. 141-27 dans une Section 3 intitulé « De l’instauration d’un délai permettant aux salariés de présenter une offre en cas de cession d’un fonds de commerce dans les entreprises de moins de cinquante salariés ».
Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur le principe de l’information préalable des salariés. Il s’agit de la décision n° 2015-476 du 17 juillet 2015, publié au Journal officiel le 19 juillet 2015.
Cette décision concernait la cession d’une participation majoritaire dans une société prévue par l’article 20 de la loi mais les motifs du Conseil constitutionnel sont aussi applicables en cas de vente du fonds de commerce.
Le Conseil constitutionnel a validé le principe d’une information préalable des salariés en considérant « qu’en imposant une telle obligation, le législateur a entendu encourager, de façon générale et par tout moyen, la reprise des entreprises et leur poursuite d’activité ; que le législateur a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ».
Ce principe a été d’autant plus facilement validé qu’il a une portée très limitée. En effet, il s’agit simplement d’informer les salariés d’un projet de vente du fonds de commerce pour qu’ils puissent formuler une éventuelle offre de reprise.
La loi ne précise pas le contenu de l’information que le gérant devra donner à ses salariés. En effet, il n’y a aucune précision concernant cette information et notamment le prix de vente et ses modalités de paiement, les informations comptables, le bail, etc…
De plus, la loi n’oblige pas le gérant à accepter les offres de reprise de ses salariés. En cela, l’information des salariés est très différente du droit de préemption que les communes peuvent décider de mettre en place et dont le non-respect a des conséquences autrement plus sérieuses.
Ainsi le gérant doit désormais avoir à l’esprit et intégrer à sa stratégie le principe de l’information préalable des salariés en cas de vente du fonds de commerce.
b. La vente du fonds de commerce
La loi prévoyait l’information des salariés dans tous les cas de cession du fonds de commerce. La notion de cession avait été critiquée car elle pouvait donner lieu à une interprétation large en englobant notamment les fusions de société.
C’est pourquoi, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a limité cette information uniquement aux cas de vente du fonds de commerce.
Cependant l’obligation d’information n’est pas applicable dans trois cas :
d’abord en cas de vente du fonds à un conjoint, à un ascendant ou un descendant ;
ensuite aux entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ;
enfin, si, au cours des douze mois qui précèdent la vente, celle-ci a déjà fait l’objet d’une information en application de l’article 18 de la loi Hamon.
Ainsi le principe de l’information préalable des salariés ne concerne que le cas de la vente stricto sensu du fonds de commerce avec trois exceptions précisément et limitativement énumérées par la loi.
2. Les délais et la preuve de l’information
a. Les délais pour informer les salariés
La loi a posé comme principe que l’information des salariés doit avoir lieu dans un délai de deux mois avant la signature de la vente afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l’entreprise de présenter une offre pour l’acquisition du fonds.
Dès que l’information a été donnée aux salariés, le gérant pourra en respectant ce délai de deux mois, signer l’acte de vente.
Ce délai de deux mois peut être abrégé dans un cas précis. En effet, la loi permet au gérant de signer l’acte si tous les salariés lui ont fait connaître leur intention de ne pas présenter d’offre d’achat. Par précaution, et dans l’optique d’un contentieux futur, le gérant a tout intérêt à demander à ses salariés de donner leur réponse par un écrit, comportant leur identité complète, la date et leur signature.
Cependant, il convient de noter que cette information a une durée qui est limitée à deux années. En effet, si la vente ne se réalise pas dans ce délai de deux ans, alors le gérant devra, s’il souhaite toujours vendre, informer de nouveau ses salariés de son projet de vente.
b. La preuve de l’information
L’article L. 141-25 du Code de commerce prévoit que l’information des salariés peut être effectuée par tout moyen de nature à rendre certaine la date de sa réception par ces derniers.
Le décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014 relatif à l’information des salariés en cas de cession de leur entreprise a inséré un article D. 141-4 au Code de commerce en prévoyant sept modalités différentes pour informer les salariés.
Ainsi l’information des salariés peut être effectuée :
Au cours d’une réunion d’information à l’issue de laquelle ils signent le registre de présence à cette réunion ;
Par un affichage. La date de réception de l’information est celle apposée par le salarié sur un registre accompagnée de sa signature attestant qu’il a pris connaissance de cet affichage ;
Par courrier électronique, à la condition que la date de réception puisse être certifiée ;
Par remise en main propre, contre émargement ou récépissé, d’un document écrit mentionnant les informations requises ;
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La date de réception de l’information est la date de la première présentation de la lettre ;
Par acte extrajudiciaire ;
Par tout autre moyen de nature à rendre certaine la date de réception.
Ainsi, de nombreuses possibilités sont offertes au gérant pour informer ses salariés dans un délai qui reste raisonnable et aménageable. Dans tous les cas, il a tout intérêt à faire établir un écrit car en cas de procès, il devra apporter la preuve au tribunal qu’il a communiqué cette information à ses salariés.
3. Le défaut d’information
Pour rendre effectif le droit à l’information préalable des salariés, le législateur a prévu, dans un premier temps, une sanction particulièrement sévère consistant à annuler la vente du fonds de commerce. En effet, l’article 19 de la loi prévoyait que la cession intervenue en méconnaissance du droit à l’information des salariés pouvait être annulée à la demande de tout salarié.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 17 juillet 2015 précitée, a estimé que « l’action en nullité prévue par les dispositions contestées porte une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’entreprendre ». En effet, le Conseil a relevé que la loi ne déterminait pas les critères en vertu desquels le juge pouvait prononcer cette annulation. Il a donc déclaré contraire à la Constitution la sanction du défaut d’information préalable des salariés.
Anticipant une décision défavorable du Conseil constitutionnel, le projet de loi dite Macron a remplacé la sanction de la nullité par une amende civile. Ainsi l’article 204 de la loi du 6 août 2015, dite loi Macron, prévoit que « lorsqu’une action en responsabilité est engagée, la juridiction saisie peut, à la demande du ministère public, prononcer une amende civile dont le montant ne peut excéder 2% du montant de la vente ».
La loi prévoit que cette sanction sera applicable à une date fixée par décret, et au plus tard six mois après sa promulgation.
Ainsi, même si le défaut d’information préalable des salariés n’entraine plus la nullité de l’acte de vente du fonds de commerce, la loi institue une autre sanction qui si elle est moins dissuasive, n’en reste pas moins importante. En effet, 2 % du montant de la vente, soit presque l’équivalent du montant des droits d’enregistrement, ne sont pas une somme à négliger à une époque où les entreprises tentent de faire le plus d’économies possibles.
En conclusion
Ainsi, l’information préalable des salariés en cas de vente du fonds de commerce fait partie des obligations que le gérant doit intégrer à sa stratégie. Il est d’autant plus incité à la respecter qu’il n’est pas obligé d’accepter les offres d’achat formulés par les salariés. En l’absence d’une telle contrainte, il ne paraît pas judicieux de prendre le risque d’une amende civile dont le contentieux peut durer un certain moment.
Discussion en cours :
La loi est (encore !!) floue car elle ne parle pas de cette information si c’est la société holding qui est vendue. Est-ce tous les salariés des sociétés appartenant à cette holding qui doivent être informés de la cession de cette dernière ? Sachant que leur société, n’est pas, à proprement parlé, cédée.