Décryptage de la consultation publique sur le quota de destruction du loup pour 2017/2018. Par Cerise Ducos, Avocat.

Décryptage de la consultation publique sur le quota de destruction du loup pour 2017/2018.

Par Cerise Ducos, Avocat.

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Explorer : # consultation publique # prélèvement de loups # biodiversité # agriculture

Sur le site du ministère de la Transition écologique, une consultation publique concernant la très certaine augmentation du nombre de loups à prélever entre juillet 2017 et juin 2018 ravive les polémiques et mérite un recadrage légal de cette question ainsi qu’une interrogation plus globale sur son impact environnemental

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1. Contexte de la consultation publique

Le ministre de la Transition écologique et solidaire, et le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation ont soumis à consultation publique, du 12 juin au 3 juillet 2017, un projet d’arrêté fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2017-2018, portant modification de l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus).

Ce projet prévoit la fixation d’un nouveau nombre d’animaux par les services du ministère compétent, basé sur une grille d’évaluation des probabilités de croissance, de stabilisation ou de baisse de la population en fonction du nombre prélevé. Le nombre d’animaux prélevés autorisé doit permettre d’assurer un bon état de conservation de la population concernée. Pour rappel, pour la campagne 2016/2017, ce nombre avait été fixé à 36 pour une population totale estimée à 293 loups.
Le dernier bilan de l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) décrivant l’état de la population de loup à la sortie de l’hiver 2016/2017 fait état des données suivantes :

- 57 zones de présence permanente (dont 44 meutes), à comparer à 49 ZPP (dont 35 meutes) en fin d’hiver 2015/2016 ;
- un effectif total estimé après modélisation à une moyenne de 357 individus (indice entre 265 et 402) à comparer à 293 [215-372] pour 2015/2016.

Au regard des seuils fixés au cours des deux dernières années (36 spécimens pouvant être détruits) et en prenant compte de l’évolution population et des recommandations de l’expertise collective biologique (le nombre de loups prélevé ne doit pas dépasser 12 % de la population totale), le projet soumis à la consultation du public prévoit de fixer un nombre maximum compris entre 36 et 40 pour la campagne 2017/2018. Pour éviter que ce seuil ne soit atteint de manière précoce, il sera également fixé entre 26 et 30 loups un seuil au-delà duquel les tirs de prélèvement sont interdits au profit des tirs de défense, réalisés à proximité des troupeaux.

Les valeurs précises de chacun des deux seuils précités seront fixées à l’issue des diverses consultations menées par le Ministre.

Enfin, il est prévu une dérogation à l’interdiction des tirs de prélèvements pour les territoires qui subissent un niveau de prédation important et récurrent et où très peu de loups ont été détruits depuis le début de la campagne.

Cette consultation publique et le projet de modification du nombre de prélèvements autorisés font suite aux nombreuses plaintes et à la colère des agriculteurs éleveurs concernés. Le dimanche 28 mai dernier, plusieurs membres de la délégation française du groupe PPE au Parlement européen avaient envoyé aux ministres de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, et de l’Agriculture, Jacques Mézard, une lettre pour les alerter sur la problématique de la recrudescence des loups, aux termes de laquelle ils sollicitaient l’augmentation du nombre d’animaux à prélever.

2. Précisions quant au cadre légal et règlementaire du prélèvement de loups en France

Il résulte de la combinaison des articles L. 411-1, L. 411-2, L. 415-1, R. 331-85 et R. 411-1 à R. 411-14 du Code de l’environnement, que si le prélèvement d’espèces animales non domestiques est en principe prohibé (article L. 411-1), une dérogation à cette interdiction peut être délivrée par décret en Conseil d’Etat.

L’article L. 411-2 du Code de l’environnement prévoit en effet en son 4ème alinéa la possibilité de délivrer des « dérogations aux interdictions mentionnées [à l’article L. 411-1 du Code de l’environnement], à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :
b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété
 ».

L’article R. 411-4 du même code précise que lorsque les interdictions édictées portent sur certaines parties du territoire pour une durée déterminée ou pendant certaines périodes de l’année, la date d’entrée en vigueur et de cessation de ces interdictions est fixée par arrêté préfectoral, sauf pour le domaine public maritime où ces mesures relèvent du ministre chargé des pêches maritimes. Dans ce cas, l’arrêté préfectoral est pris après avis de la chambre départementale d’agriculture et de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Les dérogations autorisant donc le prélèvement ponctuel de certains loups sont en principe étudiées et chiffrées par des experts, après avis de Commissions et organisations spécialisées.

Le communiqué explicatif de la consultation publique lancée par les ministères reste pourtant vague quant aux instances à consulter, précisant uniquement que « les valeurs précises de chacun des deux seuils précités seront fixées à l’issue des diverses consultations menées par le Ministre ».

La consultation est ouverte pour une durée de 22 jours, et l’arrêté définitif devrait être pris et publié courant juillet 2017.

3. La nécessité d’inscrire ce débat dans un dialogue global environnemental et agricole

La brièveté de cette consultation et la précipitation de l’adoption d’un nouvel arrêté laissent plusieurs questions en suspens.

Outre la nécessité de redéfinir certains critères de prélèvement (notamment en ce qui concerne le tir de défense), il n’est pas prévu d’étude de l’impact des prélèvements de loups sur le reste de la biodiversité française.

La loi définit une espèce animale non domestique (le loup en l’espèce), comme n’ayant pas subie de modification par sélection de la part de l’homme (Cf. article R. 411-5 du Code de l’environnement).

Le prélèvement d’un individu de l’espèce concernée résulte d’une intervention de l’homme, dont les conséquences doivent être appréhendées, étudiées et anticipées par rapport à l’espèce dont il est question, mais également par rapport à la faune et la flore qui l’entourent.

En effet, il est précisé dans le projet soumis à consultation que le nombre d’animaux à prélever se base sur une grille d’évaluation des probabilités de croissance, de stabilisation ou de baisse de la population en fonction du nombre prélevé, afin de s’assurer chaque année que le nombre prélevé permettra d’assurer un bon état de conservation de la population.

Mais qu’en est-il de l’impact de ces prélèvements sur l’ensemble de la biodiversité française ?

A l’heure où une Agence française pour la biodiversité vient d’être créée, il semblerait opportun de prévoir la prise d’un avis auprès de cette agence avant de redéfinir le nombre d’animaux pouvant être prélevés.

Au-delà de la colère des agriculteurs à prendre en compte, l’environnement dans sa globalité doit être protégé et pris en considération.

Il est donc à espérer que cette consultation publique s’inscrive dans un mouvement plus global d’un dialogue regroupant l’ensemble des acteurs et instances concernés par l’existence du loup en France.

Cerise Ducos
Avocat à la Cour

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