Un maître d’ouvrage avait confié un marché de travaux tous corps d’état à un entrepreneur.
Une clause dans le marché prévoyait que celui-ci pourrait être résilié « dans le cas de tromperie grave et dûment constatée sur la qualité des matériaux ou sur la qualité d’exécution des travaux. »
Ainsi, le maître de l’ouvrage a constaté durant le cours des travaux que les sous-traitants de l’entrepreneur ne respectaient pas les règles en matière de sécurité des ouvriers et de prévention des accidents.
C’est pourquoi le maître d’ouvrage a notifié au constructeur la résiliation unilatérale du marché à ses torts exclusifs, en s’appuyant sur l’article 22. 1. 2. 1 de la norme française AFNOR P 03-001 selon lequel :
« Le marché pourra être résilié de plein droit, sans accomplissement d’aucune formalité judiciaire, aux torts de l’entrepreneur [...] sans mise en demeure, dans le cas de tromperie grave et dûment constatée sur la qualité des matériaux ou sur la qualité d’exécution des travaux. »
Le constructeur a voulu contester la résiliation et être indemnisé. Il a alors assigné le maître d’ouvrage à cette fin, mais aussi pour que les comptes soient établis. Mais le constructeur fut débouté et se pourvut en cassation.
Mais la Cour de cassation a donné raison aux juges du fond et les a approuvé d’avoir décidé « par une interprétation souveraine exclusive de dénaturation de cette clause, que la défaillance totale et persistante [du constructeur] à faire respecter par ses sous-traitants les prescriptions en vigueur en matière de sécurité des ouvriers et de prévention des accidents, indispensables à la réalisation des ouvrages dans les règles de l’art, était constitutive d’une tromperie sur la qualité d’exécution des travaux. »
Dès lors, le maître de l’ouvrage était parfaitement fondé à résilier le marché de plein droit et sans préavis.
La leçon très simple de cet arrêt est la suivante :
- Tout manquement aux règles de sécurité sur un chantier constitue une tromperie sur la qualité d’exécution des travaux ;
- Si le maître d’ouvrage laisse faire une telle situation, il risque à tout moment de voir son chantier arrêté. La résiliation de plein droit du contrat et sans préavis est donc une sanction logique compte tenu de la norme NF P 03-001 ;
le maître d’ouvrage n’a pas à indemniser l’entrepreneur, car la résiliation est, dans cette hypothèse, prononcée à ses torts ;
Cependant, encore est-il nécessaire que le maître d’ouvrage apporte la preuve du manquement aux règles de sécurité.
Civ. 3e, mai 2012, n°-11-13.011