Licenciement sans cause réelle et sérieuse, licenciement abusif : quelles différences ?

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Explorer : # licenciement # indemnité # ancienneté # réintégration

Le licenciement du salarié jugé injustifié par le Conseil de prud’hommes est parfois décrit comme « sans cause réelle et sérieuse », parfois comme « abusif. » Les termes ne sont pourtant pas équivalents mais expriment deux réalités distinctes.

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1/ Les critères de distinction

a. Nature des critères

Les articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du Code du travail sanctionnent différemment le licenciement injustifié, selon deux critères de distinction :
- L’ancienneté du salarié ;
- L’effectif de l’entreprise.

En effet, le salarié ayant acquis au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant au moins 11 salariés a droit, en cas de licenciement, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les textes utilisent, dans ce cas, le vocable de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En revanche, si le salarié ne remplit pas les deux conditions cumulatives susvisées, il ne peut prétendre à cette indemnité de six mois de salaire mais à une indemnité « correspondant au préjudice subi ».

En d’autres termes, un salarié ayant compté deux mois d’ancienneté dans une entreprise de 50 salariés est traité, par la loi, de manière similaire au salarié ayant compté 15 ans d’ancienneté dans une entreprise de cinq salariés.

Les textes évoquent, dans ces cas, le licenciement abusif.

b. Appréciation des critères

L’ancienneté

L’ancienneté du salarié s’apprécie au jour où l’employeur envoie la lettre recommandée de licenciement, date à laquelle se situe la rupture du contrat de travail (Cass. soc. 26 septembre 2006, n° 05-43341).

Il ne faut donc pas tenir compte du préavis.

Les périodes de suspension du contrat ne doivent pas être déduites, qu’elles soient liées à la maladie du salarié (Cass. soc. 7 décembre 2011, n° 10-14156) ou à une période de mise à pied (Cass. soc. 7 mai 1987, n° 84-41862).

L’effectif

Pour déterminer l’effectif de l’entreprise (11 salariés ou non), il convient de se placer à la date de la présentation de la lettre de licenciement (Cass. soc. 1er avril 1992, n° 90-43499).

L’effectif est calculé selon les règles prévues à l’article L. 1111-2 du Code du travail :

  1. Les salariés titulaires d’un CDI à temps plein et les travailleurs à domicile sont pris intégralement en compte dans l’effectif de l’entreprise ;
  2. Les salariés titulaires d’un CDD, les salariés titulaires d’un contrat de travail intermittent, les salariés mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure qui sont présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an, ainsi que les salariés temporaires, sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise à due proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Toutefois, les salariés titulaires d’un CDD et les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure, y compris les salariés temporaires, sont exclus du décompte des effectifs lorsqu’ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu, notamment du fait d’un congé de maternité, d’un congé d’adoption ou d’un congé parental d’éducation ;
  3. Les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail.

2/ Les différences entre les deux situations

Le Code du travail traite de manière plus favorable le salarié ayant totalisé aux moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise comptant au moins 11 salariés.

a. Indemnité en cas de licenciement injustifié

Comme évoqué ci-dessus, une indemnité de six mois de salaire est due au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les juges doivent prendre en compte la rémunération des six derniers mois et non un salaire mensuel moyen (Cass. soc. 31 mars 2010, n° 08-42767).

Il s’agit d’un minimum et le juge ne peut donc pas allouer une indemnité inférieure au salarié, dès lors qu’il justifie de deux ans d’ancienneté et que l’entreprise emploie au moins 11 salariés.
En revanche, l’indemnité peut être supérieure, aucune limite n’étant fixée par le Code du travail.

En cas de licenciement abusif, le salarié ne peut pas prétendre à ce forfait minimum de six mois de salaire mais doit établir et chiffrer son préjudice (difficultés à retrouver un emploi, emprunt immobilier, état dépressif,…).

Rien n’interdit au Conseil de prud’hommes d’allouer au salarié une indemnité supérieure à six mois de salaire (notamment pour des anciennetés très significatives).

Dans les deux cas (licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse), l’employeur et le salarié peuvent mettre fin à leur litige en prévoyant le versement, au salarié, d’une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé en fonction de l’ancienneté du salarié (C. trav. art. L. 1235-1, al. 1 et D. 1235-21) :
- deux mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté inférieure à deux ans ;
- quatre mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre deux ans et moins de huit ans ;
- huit mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre huit ans et moins de quinze ans ;
- dix mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre quinze ans et vingt-cinq ans ;
- quatorze mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté supérieure à vingt-cinq ans.

Il ne s’agit que d’un barème indicatif, qui a peu de portée en pratique.

b. Réintégration

Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis (C. trav. art. L. 1235-3).

Lorsque le juge propose la réintégration d’un salarié abusivement licencié, ce dernier, comme l’employeur, est libre de la refuser (Cass. soc. 6 juillet 1988, n° 86-11816).

La réintégration, qui se rencontre rarement en pratique, n’est applicable qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire en présence d’un salarié ayant acquis au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise comptant au moins 11 salariés.

c. Remboursement des indemnités de chômage

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge doit ordonner le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage (C. trav. art. L. 1235-4, al. 1).

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque Pôle Emploi n’est pas intervenu à l’instance ou n’a pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Cette sanction financière n’est pas applicable au licenciement abusif, sauf cas particuliers (ex. licenciement consécutif à une discrimination ou en méconnaissance des dispositions relatives au harcèlement moral, licenciement économique intervenu en l’absence de validation ou d’homologation du PSE, …).

d. Cumul d’indemnités

Selon l’article L. 1235-2 du Code du travail, si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

La Cour de cassation juge que, pour percevoir cette indemnité, le salarié doit rapporter la preuve d’un préjudice (Cass. soc. 30 juin 2016, n° 15-16066).

L’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 18 mars 2009, n° 07-45212).

Les dispositions de l’article L. 1235-2 susvisé ne s’appliquent pas en présence d’un licenciement abusif, sauf en cas de méconnaissance des dispositions relatives à l’assistance du salarié par un conseiller lors de l’entretien préalable (C. trav. art. L. 1235-5).

Si le licenciement est abusif, le salarié a droit, en plus, à la réparation du préjudice subi (Cass. soc. 5 février 2003, n° 01-01672).

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Discussions en cours :

  • par Catherine , Le 3 novembre 2018 à 10:49

    Bonjour, ces éléments s’appliquent t-ils dans le cadre d’un licenciement dans la fonction publique notamment en collectivité territoriale ? Merci

  • par DESTEMBERG Claude Hélène , Le 1er août 2018 à 00:45

    bonsoir
    Je trouve votre article très intéressant et très pertinent.
    Je pense qu’il y a une certaine confusion.à ce sujet.et votre article resitue bien
    Ce qui me fait dire que pour L 1235-3 on ne peut parler que d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et pour L 1235-5, on ne peut parler que de dommages et intérêts pour licenciement/rupture abusif/ve ? ou indemnité pour préjudice subi ? et non de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?.
    Salutations
    Claude Hélène DESTEMBERG.

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