Nous étudierons successivement les points suivants :
A quelles conditions une prime de rémunération variable ou d’objectifs est-elle due ? (I)
Comment prouver que vos objectifs ont été atteints ? (II)
Le juge peut déterminer le montant dû au titre de la rémunération variable, de la prime d’objectifs ou du bonus ? (III)
En cas de départ (licenciement, rupture conventionnelle ou démission), la proratisation de la rémunération variable au temps de présence est-elle obligatoire ? (IV)
I) A quelles conditions une prime de rémunération variable ou d’objectifs est-elle due ?
Deux cas de figures peuvent se présenter, soit la rémunération variable est prévue contractuellement, soit le contrat de travail est silencieux ou prévoit une prime discrétionnaire.
1) La rémunération variable est prévue par une clause insérée dans le contrat de travail
1.1) Conditions à respecter pour que la clause de rémunération variable soit valable
Dans la première situation, lorsque le contrat de travail prévoit une rémunération variable, la clause doit avant tout respecter certaines conditions :
Elle doit être fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l’employeur. C’est le principe de prohibition des clauses potestatives ;
Le salarié ne doit pas porter le risque de l’entreprise ;
Elle ne peut avoir pour conséquence d’infliger une sanction pécuniaire prohibée au salarié (Cass. soc. 4 juill. 2007, n° 06-40) ;
Elle ne doit pas pousser le salarié à un comportement dangereux pour la sécurité ;
Elle ne doit pas avoir pour conséquence de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels (Cass. soc., 2 juill. 2002, n°00-13.111).
Ainsi une clause de rémunération ne peut permettre à l’employeur de modifier unilatéralement la rémunération contractuelle du salarié (Cass, soc, 3 juillet 2001, n°99-42761).
Il est par ailleurs impératif que le salarié soit en mesure de connaître et de comprendre précisément les éléments susceptibles de faire varier sa rémunération, et ce afin qu’il ait pleinement connaissance des éléments conditionnant une partie de son salaire.
1.2) Pas de clause potestative
La rémunération variable doit être fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l’employeur. A cet égard, dans un jugement du Conseil de Paris du 7 juin 2017 (encadrement RG 15/03613), un ingénieur d’affaires de la Compagnie IBM France a obtenu 186.293 euros bruts de rappel de prime variable.
1.3) Attention : pas d’objectifs en anglais !
Dans cette logique, les objectifs doivent obligatoirement être communiqués au salarié en français.
Dans le cas contraire, ils lui sont inopposables et il peut demander le paiement intégral de sa rémunération variable (Cass, soc, 2 avril 2014, n°12-30.191).
1.4) L’employeur peut fixer des objectifs unilatéralement mais ils doivent être réalisables
Attention cependant, à moins que le contrat n’en dispose autrement, l’employeur a la possibilité de fixer des objectifs unilatéralement (cass, soc, 2 mars 2011, n°08-44917).
Mais, dans ce cas, d’une part les objectifs doivent être réalisables, et d’autre part, l’employeur est tenu de communiquer au début de chaque période de référence les objectifs au salarié. A défaut ce dernier est fondé à obtenir l’intégralité de sa prime d’objectifs (Cass, soc, 12 juillet 2013, 2 avril 2014, n°12-29381).
2) Le contrat de travail est silencieux ou prévoit une prime ou un bonus « discrétionnaire »
La jurisprudence autorise la pratique des primes discrétionnaires ou exceptionnelles.
Si le versement d’une telle prime n’est pas obligatoire, l’employeur doit néanmoins respecter certaines règles.
Tout d’abord, la prime ne doit pas être versée de manière constante et régulière, sans quoi elle est susceptible de devenir un élément de salaire obligatoire devant être pris en compte pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement (Cass, soc, 28 janvier 2015, n°13-23421).
Ensuite, lorsque la prime n’est pas prévue au contrat de travail mais figure dans une lettre adressée par l’employeur, elle peut également devenir obligatoire.
En l’espèce, l’employeur avait transmis au salarié un courrier précisant qu’il s’engageait « à verser au titre de l’année 2008 un bonus au moins égal à 866 000 euros payable au mois de mars 2009 et au titre de l’année 2009 un bonus au moins égal à 541 000 euros payable au mois de mars 2010, ce qui n’excluait toutefois pas un montant supérieur en fonction notamment des performances du secteur d’activité et du salarié ».
La Cour de cassation a validé la position de la cour d’appel qui avait considéré que ces éléments constituaient un élément de salaire du salarié et non pas une gratification bénévole (Cass, soc, 1er avril 2015, n°13-26706).
Enfin, une prime discrétionnaire, quand bien même elle serait laissée à la libre appréciation de l’employeur, doit respecter le principe d’égalité de traitement entre salariés placés dans une situation comparable au regard de l’avantage considéré.
A cet égard la Cour de cassation a cassé un arrêt de la cour d’appel qui avait débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de primes aux motifs que ; « qu’elle avait constaté que les primes litigieuses avaient été versées à d’autres salariés, sans caractériser l’existence de critères objectifs définis préalablement permettant de vérifier la qualité du travail du salarié pour l’octroi de ces primes » (Cass, soc, 13 janvier 2016, n°14-26050).
II) Comment prouver que vos objectifs ont été atteints ?
L’employeur a l’obligation de communiquer au salarié de manière claire et précise les conditions et règles de calcul de sa rémunération variable (Cass, soc, 11 juillet 2012, n°11-15344).
1) L’employeur doit communiquer les éléments nécessaires au calcul de la rémunération variable du salarié
De même, la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 22 octobre 2015 que : « il appartient à l’employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d’un salarié et, lorsqu’il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation » (Chambre sociale 22 octobre 2015 n°14-18565).
2) La charge de la preuve de l’atteinte ou non des objectifs incombe à l’employeur
De même, la charge de la preuve de l’atteinte ou non des objectifs repose sur l’employeur.
En effet, en cas de non-paiement des objectifs, il incombe à l’employeur qui se prétend libéré de ses obligations de paiement de la prime d’objectifs de démontrer que le salarié n’a pas atteint ses objectifs (Cass, soc, 9 mars 2011, n°09-16313).
Si l’employeur est défaillant dans l’administration de cette preuve, le salarié est fondé à obtenir l’intégralité des sommes qu’il demande au titre de sa rémunération variable. (Cass, soc, 13 octobre 2015, n°14-14440)
III) Le juge peut déterminer le montant dû au titre de la rémunération variable, de la prime d’objectifs ou du bonus
A défaut d’accord entre l’employeur et le salarié sur le montant dû au titre de la rémunération variable, il revient au juge de le déterminer en fonction, soit des critères prévus au contrat de travail, soit de ce qui a pu être fait les années précédentes ou en fonction des données dont il dispose et dont il apprécie la valeur probante (Cass,soc, 13 janvier 2009, n°06-46208).
IV) En cas de départ (licenciement, rupture conventionnelle ou démission), la proratisation de la rémunération variable au temps de présence est-elle obligatoire ?
A moins que le contrat ne le prévoie autrement, le salarié est en droit d’obtenir le paiement de sa rémunération variable au prorata de son temps de présence dans l’entreprise (Cass, soc, 13 février 2013, n°11-21073).
Attention cependant, car le contrat de travail peut parfaitement prévoir que le versement de la prime est subordonné à une condition de présence dans les effectifs au terme de l’exercice.
De même, lorsque la proratisation de la prime au temps de présence a pu être prévue dans un courrier, le temps de présence englobe la période de préavis, et ce quand bien même le salarié en aurait été dispensé (Cass, soc, 15 septembre 2015, n°14-10457).
Cette décision a été confirmée tout récemment dans un arrêt du 17 mai 2017, concernant un salarié dispensé de son préavis d’une durée de 6 mois. La Cour de cassation rappelle au visa de l’article L1234-5 du Code du travail que le contrat de travail subsiste jusqu’à la date d’expiration du préavis (c. cass. 17 mai 2017, n°15-20094)
Enfin, c’est à l’employeur d’apporter la preuve que le contrat de travail comporte une clause subordonnant le versement de la prime à la présence du salarié dans les effectifs (Cass, soc 24 avril 2013, n°11-22151).
Discussion en cours :
Dans le contrat, l’employeur peut-il conditionner le versement de la rémunération variable sur objectifs de l’année N à la présence du salarié dans la société au moment du versement de la prime l’année d’après ? (dans mon cas : présence obligatoire jusque fin avril de l’année N+1)
N’est-ce pas abusif de "retenir" les employés 4 mois supplémentaires ?