L’affectation de la prime de partage de la valeur (PPV) aux plans d’épargne salariale.

Par Xavier Berjot, Avocat.

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La PPV permet aux employeurs de verser des primes exonérées, orientables vers différents plans d’épargne. La législation récente améliore son utilisation, mais exige des entreprises une adaptation rigoureuse de leurs règlements d’épargne et un suivi strict des obligations d’information.
Description rédigée par l'IA du Village

Le 1ᵉʳ février 2025, le BOSS (Bulletin officiel de la Sécurité sociale) vient d’enrichir sa doctrine administrative en intégrant une nouvelle rubrique consacrée à l’épargne salariale, apportant des précisions attendues sur l’affectation de la prime de partage de la valeur (PPV) aux plans d’épargne salariale.

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1. L’évolution du cadre juridique de la PPV.

1.1. La consécration d’un dispositif pérenne.

La PPV s’inscrit désormais comme un mécanisme durable du droit du travail français, permettant aux employeurs de verser une prime modulable selon des critères objectifs [1].

Le montant de cette prime est librement fixé par l’accord collectif ou la décision unilatérale qui l’institue, tout en bénéficiant d’un régime d’exonération plafonné à 3 000 euros par an et par bénéficiaire, ce plafond pouvant être porté à 6 000 euros dans certaines situations spécifiques [2].

L’année 2023 a marqué un tournant significatif dans l’évolution de ce dispositif avec l’adoption de la loi Partage de la valeur, qui enrichit les modalités d’utilisation de la PPV [3].

Cette évolution législative a notamment instauré la possibilité pour les salariés d’orienter tout ou partie de leur prime vers différents dispositifs d’épargne salariale, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives en matière d’épargne longue.

1.2. Le cadre réglementaire d’application.

Le décret n° 2024-644 du 29 juin 2024 a précisé les modalités pratiques de cette affectation, avec une entrée en vigueur fixée au 1ᵉʳ juillet 2024.

Ce texte réglementaire apporte des éclaircissements sur les obligations des employeurs et les droits des salariés dans la mise en œuvre du dispositif d’affectation.

Le BOSS a, par ailleurs, intégré une nouvelle rubrique "Épargne salariale" depuis le 1ᵉʳ février 2025, venant compléter utilement le cadre juridique applicable.

2. L’architecture juridique des plans d’épargne éligibles.

2.1. La diversification des supports d’épargne.

Le législateur a souhaité offrir aux salariés un large éventail de possibilités d’affectation de leur PPV.

Ainsi, les bénéficiaires peuvent orienter leur prime vers le plan d’épargne d’entreprise (PEE) ou interentreprises (PEI), dispositif historique de l’épargne salariale [4].

Les salariés ont également la possibilité d’affecter leur prime au plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO) dans sa version antérieure, pour les entreprises l’ayant maintenu [5].

La réforme de l’épargne retraite a par ailleurs étendu les possibilités d’affectation aux nouveaux plans d’épargne retraite d’entreprise collectifs (PERECO) et aux plans d’épargne retraite d’entreprise obligatoires (PERO) [6].

Cette diversification des supports traduit la volonté du législateur de favoriser le développement de l’épargne salariale sous toutes ses formes.

2.2. L’adaptation nécessaire des règlements des plans.

L’administration a précisé dans le BOSS que les règlements des plans d’épargne doivent faire l’objet d’une mise à jour pour intégrer explicitement la possibilité d’affectation de la PPV [7].

Cette exigence formelle s’accompagne toutefois d’une période transitoire, puisque l’administration admet, jusqu’au 30 juin 2025, l’affectation des sommes même en l’absence de modification préalable des règlements.

Les règlements doivent également préciser les modalités d’abondement éventuel par l’employeur des sommes issues de la PPV.

En effet, l’absence de mention relative à l’abondement dans le règlement du plan fait obstacle à tout versement complémentaire de l’employeur [8].

3. Le processus d’affectation de la PPV : une procédure strictement encadrée.

3.1. Les obligations d’information renforcées de l’employeur.

Le législateur a mis en place un dispositif d’information particulièrement rigoureux.

L’employeur doit ainsi remettre au salarié une fiche distincte du bulletin de paie pour chaque versement de PPV [9].

Cette fiche doit mentionner de manière exhaustive le montant attribué, les éventuelles retenues sociales opérées, l’ensemble des possibilités d’affectation aux plans d’épargne disponibles, ainsi que le délai d’option et les conditions de disponibilité des droits.

La dématérialisation de cette information est permise par les textes, sous réserve du respect de conditions strictes garantissant l’intégrité des données et sous réserve de l’absence d’opposition du salarié [10].

NB. Cette modernisation des modalités d’information s’inscrit dans une démarche plus large de digitalisation du droit du travail.

3.2. L’exercice du droit d’option par le salarié.

Le décret n° 2024-644 du 29 juin 2024, dans son article 1-I, institue un délai de 15 jours pendant lequel le salarié peut demander l’affectation de sa PPV à un plan d’épargne.

Le BOSS apporte des précisions sur les modalités d’exercice du droit d’option.

Le délai de quinze jours calendaires commence à courir le lendemain de la réception du bulletin d’option, la computation de ce délai obéissant aux règles de droit commun en matière de procédure civile [11].

Le terme du délai est reporté au premier jour ouvrable suivant lorsqu’il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié.

L’administration admet par ailleurs un assouplissement notable pour les versements multiples au cours d’une même année civile.

Une interrogation unique lors du premier versement est possible, le choix initial du salarié valant alors pour l’ensemble des versements de l’année, sauf manifestation contraire de sa volonté [12].

3.3. Les conséquences juridiques de l’affectation.

L’affectation de la PPV à un plan d’épargne présente un caractère irrévocable, conformément aux principes généraux régissant l’épargne salariale.

Les sommes ainsi investies sont soumises à la période d’indisponibilité propre au plan concerné, sous réserve des cas légaux de déblocage anticipé [13].

4. Le régime juridique spécifique de la PPV affectée.

4.1. La qualification juridique et ses implications.

La qualification de versement volontaire attribuée par le BOSS à la PPV affectée emporte des conséquences juridiques significatives [14].

Pour les PEE et PERCO "ancienne mouture", ces sommes s’imputent sur le plafond légal de 25% de la rémunération annuelle applicable aux versements volontaires [15].

Le législateur a toutefois exclu cette limitation pour le PERECO, manifestant ainsi sa volonté de favoriser l’épargne retraite [16].

4.2. Le mécanisme d’abondement.

L’abondement de la PPV par l’employeur constitue une faculté dont l’exercice est subordonné à une mention expresse dans le règlement du plan.

Les modalités de cet abondement doivent être précisément définies, tant dans leur principe que dans leur quantum [17].

Cette exigence formelle s’inscrit dans une logique de sécurité juridique et de prévisibilité pour l’ensemble des parties prenantes.

5. Les aspects sociaux et fiscaux de l’affectation.

5.1. Le traitement social.

Le régime social de la PPV affectée à un plan d’épargne se caractérise par sa complexité.

Si le principe demeure l’assujettissement aux prélèvements sociaux, des cas d’exonération de CSG-CRDS sont prévus dans certaines situations spécifiques [18].

Ces exonérations s’appliquent selon des conditions strictement définies par les textes et précisées par la doctrine administrative.

5.2. Le traitement fiscal.

L’affectation de la PPV à un plan d’épargne s’accompagne d’un régime fiscal favorable, les sommes ainsi placées bénéficiant d’une exonération d’impôt sur le revenu [19].

Cette exonération s’inscrit dans la politique plus large de promotion de l’épargne salariale et de l’épargne retraite poursuivie par les pouvoirs publics.

6. Perspectives et enjeux pratiques.

6.1. Les défis de la mise en œuvre.

La mise en œuvre du dispositif d’affectation de la PPV soulève des questions pratiques importantes pour les entreprises.

La nécessité de modifier les règlements des plans d’épargne, l’organisation de l’information des salariés et la gestion des délais d’option constituent autant de défis opérationnels que les employeurs doivent relever.

La période transitoire accordée par l’administration jusqu’au 30 juin 2025 offre une certaine souplesse, mais impose également une vigilance particulière dans le suivi des échéances.

6.2. Les évolutions prévisibles.

L’intégration de la PPV dans le paysage de l’épargne salariale devrait se poursuivre avec l’enrichissement annoncé de la rubrique "Épargne salariale" du BOSS.

L’administration a d’ores et déjà indiqué que de nouveaux chapitres viendront compléter cette rubrique, notamment concernant l’intéressement et la participation.

Ces développements futurs devraient permettre une articulation plus fine entre les différents dispositifs d’épargne salariale.

L’intégration de la PPV dans les mécanismes d’épargne salariale témoigne d’une volonté marquée du législateur de renforcer l’attractivité de ces dispositifs.

Les précisions apportées par le BOSS, en complément du cadre légal et réglementaire, offrent aux praticiens une base juridique solide pour la mise en œuvre de ce dispositif.

Les entreprises devront néanmoins faire preuve d’une vigilance particulière dans le respect des obligations d’information et des délais imposés, ainsi que dans la mise en conformité des règlements des plans d’épargne.

L’évolution continue du cadre juridique de l’épargne salariale impose une veille attentive et une adaptation régulière des pratiques.

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

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[1Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022, article 1.

[2CSS. art. L241-17.

[3Loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023, article 11.

[4C. trav. art. L3332-3 et L3333-4.

[5C. trav. art. L3334-6.

[6CMF. art. L224-2.

[7BOSS, Épargne salariale, § 330, 01/02/2025.

[8BOSS, Épargne salariale, § 340, 01/02/2025.

[9Décret n° 2024-644 du 29 juin 2024, article 1, II.

[10Décret n° 2024-644 du 29 juin 2024, article 1, II.

[11BOSS, Épargne salariale, § 360, 01/02/2025.

[12BOSS, Épargne salariale, § 380, 01/02/2025.

[13C. trav. art. L3332-25 pour le PEE ; CMF art. L224-4 pour les plans d’épargne retraite.

[14BOSS, Épargne salariale, §§ 390 et 400, 01/02/2025.

[15C. trav. art. L3332-10.

[16CMF. art. L224-13.

[17BOSS, Épargne salariale, § 340, 01/02/2025.

[18Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022, article 1, VI bis.

[19Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022, article 1, VI ter.

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