Agent commercial : paiement des commissions, rupture de contrat, indemnité, compétence juridictionnelle.

Par Antoine Simon, Avocat.

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Explorer : # paiement des commissions # rupture de contrat # indemnité de rupture # compétence juridictionnelle

Sélection de décisions de justice 2017 relatives aux agents commerciaux.

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Paiement des commissions :

Le paiement des commissions à bonne date constitue une obligation essentielle à la charge du mandant.

Il incombe au mandant de justifier du chiffre d’affaires réalisé pour permettre à l’agent commercial d’établir son droit à commissions et non à l’agent commercial de démontrer l’assiette de son commissionnement.

C’est ce qu’a rappelé un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 mars 2017.

Rupture du contrat d’agent du fait du mandant et droit à indemnité de l’agent :

Volonté du mandant d’imposer à l’agent un nouveau contrat :

Un mandant avait notifié à son agent commercial le non-renouvellement des contrats à durée déterminée en vigueur et lui avait proposé alors la négociation d’un nouveau contrat.

L’agent refuse le contrat nouveau proposé et réclame l’indemnité de rupture des relations.

Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris déboute l’agent de sa demande au motif que le refus de l’agent de conclure le nouveau contrat serait à l’origine de la rupture.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en jugeant que l’agent qui refuse de conclure un contrat nouveau à l’expiration du précédent, non renouvelé par le mandant, n’a pas l’initiative de la cessation du contrat, de sorte qu’il n’est pas privé du droit à indemnité.

Cette solution doit être approuvée. Nul n’est tenu d’accepter un contrat différent et c’est la notification par le mandant du non renouvellement des accords précédents qui est la cause de la rupture des relations.

Modification autoritaire des modalités de travail :

Par un arrêt du 9 novembre 2017, la Cour d’appel de Paris a jugé que le fait pour un mandant d’imposer à son agent commercial, sans raison valable et de façon brutale et vexatoire, des modifications substantielles de ses modalités de travail, de façon à l’empêcher de travailler conformément à sa pratique ancienne connue et acceptée, s’analysait en une rupture du contrat totalement imputable au mandant.

La Cour octroie à l’agent une indemnité de cessation de contrat correspondant à deux années de commissions.

Non-paiement des commissions :

Dans une espèce ayant donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation du 26 avril 2017, le mandant avait manipulé les états de marge, avait une gestion déficiente des encours clients, avait procédé à des déductions abusives de commissions et avait exercé une concurrence déloyale au détriment de l’agent commercial.

La Cour d’appel avait cru pouvoir priver l’agent d’indemnité au motif que celui-ci ne se serait pas suffisamment plaint de manière circonstanciée de l’attitude du mandant.

La Cour de cassation casse cette décision en considérant que la Cour d’appel aurait dû rechercher si le comportement du mandant était constitutif d’une rupture du fait de celui-ci.

On peut conseiller aux agents d’être particulièrement prudents et de bien formaliser par écrit les reproches faits au mandant avant de prendre l’initiative de constater la rupture du contrat

Comportement du mandant ne mettant pas l’agent en mesure d’exécuter son contrat :

L’agent commercial peut avoir droit à une indemnité de rupture, même en cas de faute grave, dès lors que cette faute grave n’est pas la cause de la rupture.

La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 8 juin 2017 un arrêt intéressant en ce sens.

Un agent, quoiqu’ayant commis une faute grave, se voit reconnaître un droit à indemnité au motif que ce n’est pas sa faute grave qui était à l’origine de la rupture, mais un comportement fautif imputable au mandant qui n’avait pas mis l’agent en mesure de continuer à exercer son mandat ni de procéder à la facturation de ses commissions.

Autrement dit, c’est seulement si la faute grave de l’agent est la cause directe de la rupture que l’agent perd son droit à indemnisation.

Un arrêt de la CJUE du 28 octobre 2010 l’avait déjà jugé en relevant que la Directive européenne ne prévoit la suppression de l’indemnité que lorsque le mandant rompt « pour un manquement imputable à l’agent commercial », ce qui nécessite donc une causalité directe entre le manquement et la décision de rupture.

L’article L. 134-12 du Code de commerce français traduit la même idée en indiquant que la réparation n’est pas due lorsque « la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ».

Ainsi, le droit de l’agent à indemnité prévu par la loi impérative ne cesse que lorsque la rupture s’est imposée au mandant du fait de l’existence d’une faute grave de l’agent. Le mandant qui rompt pour un autre motif, ou dont le comportement fautif provoque la rupture, doit l’indemnité à l’agent, quoique celui-ci se trouverait par ailleurs fautif.

Cette solution, respectueuse des termes de la Directive comme du droit français, pourrait remettre en cause une précédente décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation qui avait privé un agent d’indemnité au motif d’une faute grave, alors que cette faute grave s’était révélée postérieurement à la rupture et n’avait donc pas pu être la cause de cette rupture.

Montant de l’indemnité de 2 ans :

Le 8 mars 2017, un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse a accordé à l’agent une indemnité de rupture de contrat égale à deux années de commissions (au lieu de 6 mois accordés en première instance).

La Cour juge :
« Par la rupture de son contrat imputable à la faute [du mandant], [l’agent] a perdu la part de marché qu’[il] pouvait espérer de la poursuite de cette activité et l’élément incorporel que représente le mandat pour son entreprise. Il y a lieu d’évaluer son préjudice par référence à deux années de commissions HT… »
(voir sur notre site)

Cette décision est donc tout à fait satisfaisante.

Absence de faute de l’agent commercial et droit à indemnité :

Un arrêt de la Cour de Besançon du 17 janvier 2017 juge que la juxtaposition de reproches mineurs ou de reproches anciens faits par le mandant à l’agent, ne suffit pas à rendre impossible le maintien des relations contractuelles et ne saurait donc constituer une faute grave de l’agent.

La Cour condamne en conséquence le mandant à verser à l’agent une indemnité de rupture égale à deux années de commissions.

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris rappelle que la baisse du chiffre d’affaires n’est jamais en elle-même constitutive d’une faute grave de l’agent commercial.

L’agent commercial n’est en effet tenu que d’une obligation de moyens et l’évolution du chiffre peut être due à des circonstances qui relèvent du contexte économique, de l’offre du mandant, de son positionnement tarifaire…

La Cour d’appel, jugeant que l’agent commercial n’a commis aucune faute grave, lui accorde une indemnité de rupture correspondant à deux années de commissions, selon l’usage professionnel que la Cour rappelle.

L’arrêt ajoute qu’il n’existe pas de raison en l’espèce de s’écarter de cet usage.

Compétence juridictionnelle :

Dans un contrat international d’agent commercial la question du juge compétent en cas de litige est particulièrement cruciale pour les droits de l’agent.

Ainsi, dans une affaire où un agent commercial français avait conclu un contrat avec un mandant espagnol, sans qu’aucune clause attributive de compétence juridictionnelle n’ait été prévue, les parties débattaient de savoir si la juridiction compétente devait être le tribunal français, comme le voulait l’agent, ou le tribunal espagnol comme le soutenait le mandant.

La Cour de cassation décide le 13 septembre 2017 que le juge compétent pour connaître de toutes les demandes fondées sur ce contrat (indemnité de rupture et commissions arriérées), est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu de la fourniture principale des services de l’agent, tel qu’il résulte des stipulations du contrat, ou à défaut de telles stipulations, de l’exécution effective de ce contrat et, en cas d’impossibilité de le déterminer sur cette base, celui où l’agent est domicilié.

La Cour valide donc la compétence du juge français.

Maître Antoine SIMON
Avocat associé
L.E.A - Avocats

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 21 avril 2022 à 15:16
    par Roseline , Le 20 avril 2022 à 11:16

    Bonjour,
    Je souhaiterais avoir un renseignement si possible svp, suite à la rupture subite de mon contrat d’agent commercial, par l’agence immobilière pour qui je travaillais. La raison donnée oralement étant que mon conjoint s’est inscrit pour travailler chez un concurrent ; tout en sachant, que mon conjoint s’est également fait remercie par la même agence que moi, 3 semaines auparavant !
    J’aimerais m’assurer que cela a été fait dans la réglementation, ce sur quoi j’ai un doute, et surtout pour savoir ce que je peux faire par la suite ;
    Courrier reçu ce jour jeudi 14/04/22 mais sans causes explicites écrites, me donnant un prévis jusqu’au 13/05/22.
    J’ai juste eu un entretien rapide lundi à 11h30 donc quelques heures après m’avoir supprimé l’accès au logiciel et messagerie sans me prévenir, et en me laissant embaucher comme d’habitude à 9h00 devant tout le monde sachant qu’ils étaient tous au courant sauf moi ; et que malgré ma demande d’explication à ma manager, celle-ci m’a menti en me disant qu’elle n’était pas au courant de quelque chose (alors qu’elle venait de l’annoncer à mes collègues)… est-ce une façon de respecter son personnel ??!
    Désormais, le responsable me bloque pour un mois de préavis, sans possibilité de travailler durant ce délai, puisque je n’ai plus accès au suivi de mes mandats, puisque ceux-ci ont été mis en suivi par le responsable, donc je n’aurai, dans tous les cas, aucun retour !
    Est-il dans ses droits ?
    Quels sont les miens ?
    Ai-je droit de suivre mes mandats jusqu’au bout, et donc en recevoir les contacts ? afin de pouvoir faire des visites
    Puis-je demander une indemnité ou autre , sur la façon dont cela a été fait ?
    Merci de me contacter svp. Je suis dans le flou et ne sais que faire...
    Cordialement

    • par Antoine SIMON , Le 21 avril 2022 à 15:16

      Chère Madame,
      Je vous remercie de votre message.
      Pour répondre sérieusement à vos interrogations, il faudrait que nous puissions avoir communication du dossier, notamment votre contrat d’agent commercial et les différents échanges que vous visez.
      Vous pouvez nous les communiquer au mail ci-dessous :
      leaparis chez lea-avocats.com
      Nous vous indiquerons alors les conditions d’intervention de notre cabinet.
      Cordialement,

  • Bonjour, J’ai résilié mon contrat par LRAR en date du 1er décembre 2020. J’ai demandé à ce que mon droit de suite soit prolongé, car il ne prévoit que 2 mois et je ne voulais pas que cela m’empêche de percevoir la commission de ma dernière vente (offre en date du 02 décembre 2020, signature de la promesse le 28.12.2020). Mon préavis est normalement de 3 mois, mais après mon entretient physique du 30 novembre, nous avons évoqué de le raccourcir, j’ai donc fait cette demande sur mon courrier de résiliation. Je demandais une réponse écrite afin que l’on se mettent d’accord sur la date de fin de préavis et la prolongation de mon droit de suite.
    Je n’ai jamais reçu de réponse par courrier, mais nous avons eu quelques échanges sur le réseau interne de l’agence "whatsapp". Puis en date du 09 décembre la femme du directeur ma retiré de 3 conversations whatsapp interne à l’agence, et ensuite le 14 décembre une salariée ma retirée de tous les autres réseaux de communication whatsapp, ils ont de plus changer les mots de passe du logiciel de l’agence ainsi que des mails et du Drive. Je n’ai donc plus accès aux informations de l’agence, ni aux contacts clients.
    J’ai à de nombreuses reprise écrit au directeur pour lui demander de m’envoyer le courrier qui met fin à mon préavis au vu du fait qu’il me prive de la possibilité de travailler de manière effective. Il trouve toujours quelque chose à redire ou repousse la date où il dit qu’il fera le courrier.
    Quoi qu’il en soit à ce jour le 04 janvier 2021, je n’ai toujours pas eu de courrier et je n’ai pas non plus retrouvé l’accès aux conversations whatsapp ou mails ou autres...
    Comment puis je m’en sortir rapidement, je ne peux travailler nul part....ni pour cette agence ni pour quelqu’un d’autre vu que je n’ai pas de courrier précisant la fin de mon préavis.
    AIDEZ moi SVP

    • par Maître Antoine SIMON , Le 7 janvier 2021 à 10:56

      Bonjour,
      Nous pouvons tout à fait vous assister dans la réclamation de votre droit de suite.
      Pour cela, il convient de nous adresser votre contrat, la lettre de rupture et éventuels échanges ultérieurs et les éléments relatifs aux affaires pour lesquelles vous souhaitez être commissionné.
      Vous pouvez nous les communiquer à l’adresse : leaparis chez lea-avocats.com.
      Cordialement.
      Maître Antoine SIMON, avocat associé de L.E.A - Avocats

  • par Bruno , Le 5 février 2020 à 16:36

    Bonjour,
    Je suis agent commercial en immobilier depuis 2 ans avec la meme agence et suite à un litige sur une commission et une incompatibilité d humeur avec mon mandant, celui ci m a coupé mon acces au logiciel et me prive ainsi de mon outils de travail....et donc ma possibilité à exercer et gagner ma vie.
    Je souhaite de lui envoyer un courrier en AR stipulant cet état de fait, cependant je désire le faire correctement et ne pas faire d erreur ou d omission. Pouvez vous me guider dans cet démarche ?

  • Bonjour Maître,

    Que se passe-t-il lorsque le mandant, qui part à la retraite et qui est tenu de verser à l’agent commercial une indemnité compensatrice équivalent à deux années de commissions, n’est pas en mesure de payer cette indemnité (environ 240 000€) ? Existe-t-il une aide financière ? Un dispositif mis en place ?

    Je vous remercie par avance

    • par Maître Antoine SIMON , Le 5 juin 2019 à 16:22

      L’arrêt d’activité du mandant ne le dispense pas de l’obligation d’indemniser son agent et vous pourriez donc décider d’agir contre lui.
      Evidemment, si sa situation financière rend impossible un paiement, vous risquez de vous heurter à un dépôt de bilan, entraînant la nécessité de déclarer votre créance à la procédure collective, sans certitude de recouvrer tout ou partie de ce qui vous serait dû.
      Le régime de la garantie des salaires (AGS) ne concerne que les salariés et ne profite donc pas à l’agent commercial indépendant, qui sera un simple créancier, dit "chirographaire", donc payé en dernier s’il reste des fonds.
      Mais votre mandant n’est peut être pas aussi désargenté que cela et une négociation est peut être possible.
      Il faut examiner votre dossier de plus près et rapidement au vu de la situation du mandant.

  • Bonjour,
    Ayant mis fin à mon contrat avec une agence immobilière en mars 2017, cela fait plus d’un an que je me bats pour récupérer mes commissions sur mes ventes.
    L’agence me demande jusqu’à ce jour une attestation du RSI prouvant que je suis à jour dans mes cotisations. Est-elle en droit de me demander ce document ?
    Merci d’avance
    Rafael

    • par FLO , Le 20 mai 2019 à 11:47

      Bonjour,

      Je suis un peu dans le même cas que toi. j’ai travaillé pendant 1 an dans une agence, j’étais nouvelle dans ce secteur, mes directeurs d’agences ne m’ont jamais demandé une attestation collaborateur fournit par la CCI. J’ai décidé de mettre fin au contrat pour motifs personnel, désormais ils me demande la fameuse attestation alors qu’ils m’ont fait un papier stipulant le montant des commissions qu’ils me devaient. Est ce légal ?

    • par Maître Antoine SIMON , Le 20 mai 2019 à 13:02

      L’attestation délivrée par la CCI est obligatoire pour exercer comme mandataire d’une agence immobilière. Cette attestation est demandée par l’agence immobilière pour son collaborateur. Le défaut d’attestation peut avoir des répercussions sur le recouvrement des éventuelles sommes dues au mandataire.

      S’agissant de l’attestation RSI, le statut légal des agents commerciaux ne subordonne pas la rémunération à cette attestation. Mais si vous pouvez l’obtenir auprès du RSI, cela permettrait de sortir de cette situation d’attente.

      Si vous souhaitez que nous examinions plus précisément vos situations respectives, vous pouvez m’adresser les éléments utiles.

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