Comment visiter un proche en prison ?

Par Myriam Driouch, Avocat.

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Explorer : # droit de visite # procédure administrative # réinsertion sociale # droits humains

En France, le droit de visite des personnes détenues est un aspect essentiel du maintien des liens sociaux et familiaux, reconnu comme un droit fondamental au regard des textes nationaux et internationaux. Il reflète l’équilibre délicat entre le respect des droits humains et les contraintes liées à la sécurité et à l’ordre dans les établissements pénitentiaires.

Cet article propose une approche pédagogique et pratique pour comprendre le cadre légal et la procédure permettant aux proches des détenus de rendre visite en prison. Nous aborderons également les enjeux liés à ce droit et les principales difficultés rencontrées.

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1. Cadre légal du droit de visite

Le droit de visite est ancré dans les textes fondamentaux relatifs aux droits humains, tels que :

  • L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui protège le droit au respect de la vie privée et familiale ;
  • L’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, garantissant les mêmes principes.

En France, ces dispositions sont complétées par des textes spécifiques, notamment l’article 22 de la loi pénitentiaire de 2009, qui reconnaît aux détenus le droit de maintenir des relations avec leurs proches. Cependant, ce droit n’est pas absolu : il est soumis à une autorisation préalable et peut être suspendu ou annulé en cas de non-respect des règles.

2. Qui peut obtenir un permis de visite ?

Les personnes autorisées.
En principe, toute personne détenue, qu’elle soit prévenue (en attente de jugement) ou condamnée, a le droit de recevoir des visites. Toutefois, ce droit s’applique sous réserve de l’obtention d’un permis de visite, délivré par l’autorité compétente.

Les bénéficiaires potentiels incluent :

  • Les membres de la famille proche : conjoint, enfants, parents, frères et sœurs, grands-parents ;
  • Les personnes justifiant d’un lien familial ou affectif avéré : cela peut inclure des partenaires de fait ou des amis proches, sous réserve de prouver l’importance de la relation.

Cas particuliers
Certaines situations particulières peuvent compliquer l’octroi d’un permis de visite, notamment :

  • Les familles recomposées (où l’autorité compétente pourrait demander des preuves supplémentaires de la relation) ;
  • Les proches éloignés ou les amis, qui doivent démontrer que leur visite contribue à l’insertion sociale ou psychologique du détenu.

3. À qui adresser une demande de permis de visite ?

La démarche varie selon le statut de la personne détenue :

  • Pour les prévenus (en détention provisoire) : la demande doit être adressée au magistrat en charge du dossier (juge d’instruction, procureur de la République ou juge des libertés et de la détention).
  • Pour les condamnés : l’autorité compétente est le chef de l’établissement pénitentiaire.

Dans tous les cas, il est recommandé de bien identifier l’autorité compétente et de conserver une copie de la demande ainsi que l’accusé de réception.

4. Comment demander un permis de visite ?

Les documents nécessaires :
Pour obtenir un permis de visite, il faut constituer un dossier comprenant :

  • Deux photos d’identité récentes ;
  • Une photocopie recto verso d’un document d’identité valide (carte nationale d’identité, passeport, titre de séjour, etc.) ;
  • Un justificatif de lien familial ou affectif avec le détenu, tel qu’un livret de famille, une déclaration sur l’honneur ou tout document prouvant l’existence d’une relation.

Dans certains cas, les autorités peuvent demander des documents supplémentaires, comme :

  • Un extrait de casier judiciaire pour prouver l’absence de lien avec une infraction liée au détenu ;
  • Une lettre expliquant l’intérêt de la visite pour le détenu.

Le dépôt de la demande.
La demande peut être adressée par voie postale ou déposée directement à l’accueil de l’établissement pénitentiaire. Il est également possible d’utiliser des formulaires spécifiques, comme le formulaire Cerfa n°13960*02, disponible en ligne.

5. Délais et procédure d’examen des demandes.

Délai de traitement.
La loi ne fixe pas de délai précis pour l’examen des demandes de permis de visite.
Toutefois, en pratique :

  • Pour les prévenus, le magistrat doit statuer rapidement, généralement dans un délai de 20 jours ;
  • Pour les condamnés, une enquête préalable peut être réalisée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), ce qui peut rallonger le délai à plusieurs semaines.

L’enquête préalable.
Cette enquête vise à vérifier :

  • La réalité du lien entre le demandeur et le détenu ;
  • L’absence de risque pour la sécurité ou l’ordre dans l’établissement.

6. Motifs de refus, suspension ou retrait d’un permis de visite.

Les raisons de refus.
Un permis de visite peut être refusé pour divers motifs, notamment :

  • Risque pour la sécurité : en cas de comportement suspect ou d’antécédents liés à des infractions graves ;
  • Absence de lien avéré avec le détenu : si le demandeur ne peut pas justifier d’une relation légitime.

Suspension ou retrait.
Même après délivrance, un permis de visite peut être suspendu ou retiré dans des circonstances précises :

  • En cas de non-respect des règles de l’établissement (introduction d’objets interdits, comportement inapproprié, etc.) ;
  • Si le détenu est soumis à une sanction disciplinaire ou à une mesure de restriction de contact.

7. Quels sont les recours en cas de refus ?

En cas de refus de permis de visite, il est possible d’exercer un recours auprès des autorités compétentes.
Selon la situation, le recours peut être déposé :

  • Devant le tribunal administratif pour les décisions prises par le chef d’établissement ;
  • Devant le juge judiciaire pour les refus émanant d’un magistrat.

Il est important d’agir rapidement, car les délais pour contester une décision sont généralement courts (quelques semaines).

8. Enjeux et défis du droit de visite en prison.

Maintien des liens familiaux.
Le droit de visite joue un rôle clé dans le processus de réinsertion des détenus, en leur permettant de conserver un lien avec leurs proches.
Cependant, plusieurs obstacles persistent notamment :

  • La distance géographique entre les établissements pénitentiaires et les familles ;
  • Les restrictions de durée et de fréquence des visites, souvent perçues comme insuffisantes.

Problèmes pratiques.
Certaines familles rencontrent des difficultés pour réunir les documents nécessaires ou pour financer les déplacements vers la prison. Par ailleurs, les enquêtes préalables peuvent être perçues comme intrusives et décourageantes.

Réformes nécessaires.
Pour améliorer l’accès au droit de visite, plusieurs pistes sont envisagées, telles que :

  • La simplification des démarches administratives ;
  • L’augmentation des espaces dédiés aux visites dans les prisons ;
  • La généralisation des outils de visioconférence pour pallier les contraintes géographiques.

Conclusion.

Le droit de visite pour les personnes détenues est un enjeu fondamental de la politique pénitentiaire française, reflétant l’équilibre entre humanité et sécurité. Bien que des progrès aient été réalisés, il reste encore des défis à relever pour garantir un accès équitable à ce droit essentiel.
Les familles, les professionnels du droit et les autorités pénitentiaires doivent continuer à travailler ensemble pour surmonter ces obstacles et préserver le lien social indispensable à la réinsertion des détenus.

Myriam Driouch
Avocat au Barreau de la Seine-Saint-Denis
avocat.myriam.driouch chez gmail.com
www.myriam-driouch-avocat.fr

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