CDD : le Coronavirus est-il considéré comme cas de force majeure en droit du travail ?

Par Agathe David, Avocat.

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Explorer : # force majeure # rupture de contrat # Épidémie # chômage partiel

Dans les circonstances actuelles se pose particulièrement la question de la force majeure.
L’épidémie que connaît notre pays peut-elle être considérée comme un cas de force majeure justifiant une rupture anticipée de CDD ?

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Lorsqu’un CDD (Contrat à durée déterminée) est conclu entre une entreprise et un salarié, une fois la période d’essai achevée, il ne peut normalement être rompu.

A ce principe, existent quelques exceptions :
- Accord des parties,
- Faute grave ou lourde,
- Force majeure,
- Inaptitude physique du salarié constatée par le médecin du travail,
- Si le salarié en CDD justifie d’une embauche en CDI.

Dans les circonstances actuelles se pose particulièrement la question de la force majeure. L’épidémie que connaît notre pays peut-elle être considérée comme un cas de force majeure justifiant une rupture anticipée de CDD ?

La force majeure est définie comme un événement extérieur, imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution.

Cette définition a été reprise par l’article 1218 du Code civil applicable dans les relations contractuelles selon lequel il y a force majeure lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées rendant l’exécution de l’obligation impossible.

En droit du travail, la force majeure justifie la rupture immédiate du contrat, sans indemnités sauf celle de congés payés.

Les tribunaux de manière constante sont très peu enclins à reconnaître la force majeure comme motif de rupture du contrat de travail.

A titre d’exemple n’ont pas été considérés comme des cas de force majeure par les juridictions :

- La destruction totale ou partielle de locaux d’une entreprise consécutive à un sinistre, dans le cas où la reprise de l’exploitation est possible et ce même après une longue interruption,
- la fermeture administrative d’un établissement,
- le ralentissement, ou même la cessation d’activité,
- la perte d’un client important,
- l’arrêt du chantier motivé par une longue période de sécheresse dans la mesure où les conditions climatiques ne constituent pas un élément imprévisible caractérisant la force majeure.

Logiquement, la force majeure ne peut être invoquée en cas de procédure collective appliquée à l’entreprise, ou de cessation d’activité, de décès de l’employeur, de difficultés économiques.

Plus particulièrement, l’épidémie de Dengue en Martinique en septembre 2007 n’a pas été considérée comme un cas de force majeure par la Cour d’Appel de Nancy, car selon la Cour cette épidémie n’était pas imprévisible « en raison du caractère endémo-épidémique de cette maladie dans cette région » et n’était pas irrésistible compte tenu de « l’existence de moyens de prévention » [1]

Le virus Chikungunya aux Antilles n’a pas été non plus qualifié de cas de force majeure par la Cour d’Appel de Basse Terre [2]

Par conséquent, à notre sens aujourd’hui il paraît difficile de qualifier l’épidémie qui touche notre pays de force majeure au sens juridique du terme et donc de rompre un CDD pour ce motif, néanmoins il est possible que dans les semaines à venir cette épidémie et surtout ses répercussions revêtent la qualification de force majeure.

En effet, il pourrait être argumenté que les fermetures à la demande du gouvernement et le confinement sont un fait du prince, c’est-à-dire un événement ayant un caractère de force majeure causé par une décision arbitraire d’une autorité publique.

Ainsi, un fait du prince peut être constitué par un arrêté de police réglementant la circulation, si cet arrêté affecte les conditions d’exécution d’un contrat [3]

Ce sera aux juges de statuer sur cette qualité ou non de force majeure.

Il doit être rappelé à ce titre qu’en cas de rupture anticipée injustifiée, c’est-à-dire si un tribunal considère qu’il n’y avait pas force majeure, le salarié aura droit à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, ainsi qu’à l’indemnité de fin de contrat

Classiquement les tribunaux qualifient très rarement un événement de force majeure.

Bien évidemment, aujourd’hui nous ne pouvons anticiper sur ce qu’il en sera dans l’avenir compte tenu de cette situation inédite.

Il faut cependant rappeler qu’il existe le dispositif de chômage partiel qui permet justement aux salariés de ne pas être sans revenus lorsque leur contrat de travail est suspendu et auquel le gouvernement incite très largement actuellement.

Cette large incitation de recours au chômage partiel penchera d’ailleurs probablement dans la balance des tribunaux ayant à traiter ce type de cas, il est donc fort possible qu’ils estiment qu’il n’y avait pas de nécessite de rompre le CDD pour force majeure.

En revanche, l’avenir nous dira si l’article 1218 du Code civil récemment introduit dans notre code civil et définissant avec précision la force majeure trouvera application dans les relations commerciales et les conséquences de cette situation inédite…

Avocat au Barreau de Paris

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Notes de l'article:

[1CA Nancy, 22 novembre 2010, RG n°09/00003.

[2CA Basse-terre, 17 décembre 2018, RG n° 17/00739.

[3CE, Sect., 22 oct. 1937, Compagnie générale des Iles.

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Discussions en cours :

  • par denise gregory , Le 27 mai 2020 à 14:53

    Bonjour,
    Je travail un jour par semaine dans co propriété depuis 7ans (contrat un an renouvelé chaque année). Le nouveau syndic (depuis un an) à terminé mon contrat sans avoir prévenu le propriétaires et avec 12 jours de préavis. Est ce qu’il a le droit de la faire. Il m’a déjà temporairement sans attestation (il a refusé),refusé de me laissé travail même quand j’avais le droit (entretien espaces verts. 3 maisons occupée)
    Il a rompu mon contrat qui fini 1er juillet ?

    Merci

  • Bonjour, nous avons une salariée en cdd pour surcroît de travail depuis le 24 janvier jusqu’au 30 avril. Depuis le 18 mars elle est en chômage partiel ( jusqu’au 30 avril) car baisse d’activité. Est ce que son contrat est suspendu et donc reprend pour la durée de son chômage ( soit 6 semaines) ou son contrat se termine t’il le 30 avril ?

    • par Agathe DAVID , Le 21 avril 2020 à 17:35

      Bonjour,

      le CDD prendra fin à son terme prévu.

      Cordialement,

    • par Anthony , Le 8 mai 2020 à 10:50

      Bonjour
      je rebondis sur votre message, j’ai signé un cdd de deux mois qui aurait pris fin le 05/05/2020. Mon employeur m’a annoncé que ma fin de contrat étais repoussé au 22/05/2020 à cause des jours chômés pour covid19, j’aurai dû reprendre le 12/05/2020 dans une nouvelle entreprise je ne sait pas si m’a dit la vérité.
      est ce la vérité ou pas ?
      je n’ai aucun vu aucun texte à ce sujet.

  • par Lugobo , Le 2 mai 2020 à 13:44

    Bonjour, je suis actuellement en CDD depuis plus d’un an et celui ci se termine fin août. Le 24mars j’ai été mis en arrêt pour symptômes covid pour 10 jours puis tout de suite après, j’ai été mis en arrêt pour harcèlement au travail. Lorsque mon entreprises à suis que j’etais en arret, ils ont contacter mon école pour faire une rutpure de mon contrat dans donner de motif reel. Mon arrêt actuel va jusqu’au 30 juin mais, dans le contexte sanitaires actuels, peuvent ils m’imposer une rutpure de contrat alors que mi mars, mon entreprise m’a signé un papier qui a été communiqués au SIEC comme quoi ils s’engagent a me garder jusqu’a la fin de mon contrat. En plus de cela mon entreprises m’envoie des mails avec des réflexions comme quoi je n’ai prévenue personne du MOTIF de mon arrêt et que c’est quand même "une règle de bienséance". Je ne peux plus y retourner sous peine d’etre encore plus harceler mais je ne peux pas non plus faire une rupture car cela engendrerait une absence de revenu au minimum jusqu’a debut septembre compte tenu du papier officiel qu’ils ont signé m’empechant donc de trouver un autre travail. Et vu le contecte sanitaire j’ai cru comprendre que le chômage met pas mal de temps à se mettre en place. Comment puis-je faire ? Est ce que une prolongation d’arret est elle la seule solution pour ne pas faire de rupture si celle ci est possible ?

    Merci d’avance pour vos retour

  • par Barré , Le 2 mai 2020 à 16:49

    Bonjour Madame,

    Je me permets de vous solliciter par rapport à une interrogation sur mon contrat de travail.

    J’ai signé un CDD en février devant débuter le 21 mars courant jusqu’à fin juin.
    Ce contrat concerne un poste dans une boutique éphémère devant ouvrir le 21 mars et qui du fait de cette crise n’a pas vu le jour.

    J’aurai donc voulu savoir si mon employeur avait des obligations envers moi.

    Bonne journée à vous,

    Cordialement.

  • par Isabelle Thomas , Le 27 avril 2020 à 13:41

    En CDD de octobre jusqu’en juin /contrat par la ville dans un objectif de s occuper d’enfant de CP de 16h30 18h :aide au devoir et apprentissage de la lecture écriture par des jeux.

    Avec le confinement ils ont décidé de nous laisser le maintient total du salaire .
    on nous demande aujourd’hui sur la période de juillet et Août de rattrapper les heures non effectuées sans précision de modalité de contrat.
    sachant que nous ne savons pas si après le 11 mai nous retournons à notre poste jusqu’en juin ??
    est ce un process legal de recuperer des heures non effectuées lié au confinement apres la fin de CDD ?

    merci pour votre reponse

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