Dissolution d’un Groupement d’Intérêt Economique et transfert d’entreprise.

Par Cyrille Catoire, Avocat.

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Explorer : # transfert d'entreprise # dissolution gie # contrats de travail # entité économique autonome

Structure juridique très prisée du secteur médical et de l’industrie, le Groupement d’Intérêt Economique (GIE) est désormais incontournable dans le paysage juridique français.
Sa dissolution est l’occasion de s’interroger sur le sort des salariés du GIE concerné vis-à-vis des entreprises membres.

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Structure à but non lucratif, se situant entre l’association une société, le GIE se définit comme un groupement ayant pour objet « de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité » [1].

L’objectif affiché est en réalité relativement simple : associer des entités juridiques distinctes autour d’un projet commun.

Sans remettre en cause les aspirations économiques de ses membres, le GIE présente l’utilité de mettre en commun des moyens, et notamment des salariés travaillant directement au profit de ses membres par le biais d’une mise à disposition à but non lucratif.

Sa dissolution soulève une question à la fois simple et complexe : qu’advient-il des salariés du GIE ?

Doivent ils être licenciés ou sont-ils transférés auprès des membres ?

A - Rappel des conditions du transfert d’entreprise au sens de l’article L1224-1 du Code du travail.

L’article L12241-1 du Code du travail dispose que :

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».

Cette disposition étant d’ordre public, elle s’impose tant aux salariés qu’à l’employeur sans qu’ils puissent y faire échec. Un salarié qui refuse d’exécuter son contrat de travail dans la nouvelle structure juridique sera licencié sans avoir droit au versement des indemnités de licenciement.

Selon la jurisprudence française, l’application de l’article L1224-1 du Code du travail, tel qu’interprété au regard du droit européen, exige la réunion de 2 conditions [2] :

1. Une entité économique autonome.

Par entité économique, on vise une activité économique poursuivant un objectif propre.

L’activité économique consiste en la production de biens ou de services nettement identifiés.

L’objectif propre suppose que l’activité économique doit être stable et non temporaire (exemple d’un chantier).

Par entité autonome, on exprime l’idée d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels et/ou incorporels.

Il s’agit là de deux conditions cumulatives.

L’ensemble organisé de personnes signifie que du personnel doit être spécialement affecté à l’activité transférée au sein d’une organisation spécifique. Peu importe le nombre de salariés concernés dès lors qu’ils sont affectés exclusivement à l’activité transférée et que celle-ci constitue une branche distincte de l’entreprise.

La branche d’activité, le secteur d’activité ou le service transféré doit constituer une entité distincte et détachable des autres activités exercées par le cédant, dotée d’une organisation propre et poursuivant un objectif propre.

L’ensemble organisé d’éléments corporels et incorporels doit être nécessaire à l’exploitation de l’entité.

L’élément incorporel est en général primordial dans les activités lucratives. Il peut s’agir de la clientèle, de la marque, du droit au bail, etc.

Les éléments corporels peuvent être divers (bâtiments, ateliers, terrains, équipements, matériel, stock, outillage).

Le transfert d’une entité ne s’opérera que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation de l’entité sont repris par un autre exploitant.

2. Une entité ayant conservé son identité lors de son transfert, dont l’activité est poursuivie ou reprise.

Concernant la poursuite ou la reprise de l’activité, les éléments corporels ou incorporels doivent être repris (le transfert de possession suffit) et l’activité économique doit se poursuivre.

Concernant la conservation de l’identité, le nouvel employeur doit reprendre la même activité, la finalité de l’activité ne devant pas être modifiée, la simple modification des conditions d’exploitation n’étant pas un obstacle au transfert.

B - Les effets du transfert d’entreprise pour les salariés concernés.

L’impact d’un transfert d’entreprise, au sens de l’article L1224-1 du Code du travail, est loin d’être négligeable pour les salariés concernés. Il touche aussi la représentation du personnel, que le statut individuel et collectif des salariés transférés.

Nous nous contenterons ici de rappeler deux effets majeurs (les autres aspects n’étant pas abordés dans la présente étude) :

  • Tous les contrats de travail en cours le jour de la réalisation du projet sont transférés automatiquement. Par l’effet de l’article L1224-1 du Code du travail, le contrat de travail des salariés transférés poursuit son exécution dans les mêmes conditions qu’avant le transfert (ainsi, un salarié en cours de préavis au moment du transfert achèvera celui-ci dans la nouvelle structure juridique).
  • Le statut collectif négocié au sein de l’entreprise (accords collectifs) est mis en cause à l’occasion de l’opération de transfert [3]. Les accords sont alors maintenus en vigueur pendant 15 mois (3 mois de préavis + 12 mois de « survie ») afin de permettre une nouvelle négociation. A l’issue de ce délai de 15 mois, les accords ne produisent plus d’effets mais les salariés bénéficient d’une garantie de rémunération. Le statut collectif non négocié (usages, engagements unilatéraux), pour sa part, est maintenu à l’occasion du transfert à l’égard des salariés dont le contrat était en cours au jour du transfert. Le nouvel employeur peut y mettre fin par une dénonciation régulière.

C - L’application volontaire du transfert d’entreprise.

Lorsque les conditions d’application de l’article L1224-1 du Code du travail ne sont pas réunies, le transfert des contrats de travail peut s’opérer par la volonté des parties, ce qui suppose l’accord exprès des salariés concernés. Si le salarié refuse le transfert, il reste au service de l’ancien employeur qui peut choisir de continuer le contrat ou d’y mettre fin, mais dans ce dernier cas, il aura la charge de la rupture du contrat de travail et des conséquences afférentes.

Le nouvel employeur n’est lié que par les clauses du contrat de travail et non par le statut collectif non négocié en vigueur chez le précédent employeur. De même, le salarié ne peut pas se prévaloir chez le nouvel employeur de la survie provisoire de la convention ou de l’accord collectif applicable chez son ancien employeur.

D - Le cas particulier de la dissolution du GIE.

Il se trouve que la jurisprudence a eu l’occasion de se pencher sur le cas du transfert d’une entité économique autonome dans le cas particulier des GIE.

Sans surprise, la création d’un GIE n’entraîne pas, en principe, le transfert d’une entité économique : l’article L1224-1 du Code du travail ne s’applique pas dans une telle hypothèse [4].

La solution est bien évidement plus complexe concernant la dissolution d’un GIE qui s’accompagne de la cession des activités à ses membres. On a pu se demander si dans une telle situation, consistant essentiellement en un transfert des salariés (le GIE ayant peu de chose à transférer en dehors de son personnel), l’article L1224-1 du Code du travail devait s’appliquer.

La Cour de cassation a répondu par l’affirmative : l’application de l’article L1224-1 du Code du travail peut survenir, si et seulement si une entité économique autonome au sens de ce texte (cf développements antérieurs) est transférée [5].

L’article L1224-1 du Code du travail ne s’applique donc pas automatiquement lors de la dissolution d’un GIE, encore faut-il qu’une entité économique autonome soit transférée, son activité devant alors être poursuivie suite au transfert intervenu.

Le juge éventuellement saisi de la question devra alors apprécier l’existence ou non d’un transfert automatique au regard de son importance (éléments corporels et incorporels concernés, nombre de salariés transférés).

A défaut d’application de l’article L1224-1 du Code du travail, un transfert volontaire des salariés, nécessitant leur accord, sera toujours envisageable, et ce pour éviter de devoir procéder au licenciement desdits salariés.

Cyrille Catoire
Avocat à la Cour
Barreau de Paris
cc chez catoireavocat.fr
www.catoireavocat.fr

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Notes de l'article:

[1C. Com. Art. L251-1.

[2Cass. soc., 7 juill. 1998, n° 96-21.451.

[3C. trav. art. L2261-14.

[4Cass. soc., 20 nov. 1991, n° 88-42.112 ; Cass. soc., 4 févr. 1988, n° 86-60.549.

[5Cass. soc., 10 juin 1997, n° 95-42.973.

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