Extension de la pénalité. Par Nancy Mamba Kilembe, Juriste.

Extension de la pénalité.

Par Nancy Mamba Kilembe, Juriste.

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Explorer : # réinsertion sociale # surpopulation carcérale # dissuasion pénale # critique de la pénalité

La pénalité a pour finalité d’inspirer au délinquant une suspicion perpétuelle. Cette suspicion a pour rôle de rayer ses mauvais penchants criminels. Celle-ci aura pour effet de les étouffer et d’obtenir, continuellement, un effet, de mutation qui le rendra étranger à lui-même. Cependant, la réalité carcérale démontre à suffisance un fait contraire, à savoir, la vengeance immensément plus grande que la souffrance subie par la société. C’est dans cette optique que cet article aborde le débat théorique des quelques auteurs sur la pensée pénale moderne.

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I. L’extension de la pénalité.

La protection sociétale, la réinsertion sociale et la dissuasion sont considérées comme principales finalités des peines. Cependant, le débat quant aux écrits de certains auteurs du 20ème et 21ème Siècle, autour de la problématique sur la pénalité, est abordé dans le sens de repenser l’idée selon laquelle les peines sont protectrices de la société ou que, celles-ci parviendraient à remplir la mission à laquelle elles sont destinées.

D’entrée de jeu, signalons que ces écrits ont montré à suffisance que les prisons sont surpeuplées et que les conditions de vie y sont assez difficiles. C’est avec ces raisons que Jacques Faget (2007:149) disait que

« toutes les représentations de la sanction sont envahies par l’image de la prison… Rien d’étonnant dès lors que la prison mobilise l’essentiel des efforts des chercheurs eux-mêmes fascinés par ce monde invisible ».

Il en résulte que l’image de la peine a occupé les précédentes recherches. Celles-ci ont abouti aux résultats selon lesquels, l’emprisonnement était un châtiment qui ne corrigeait pas le délinquant. Et donc, l’emprisonnement ne saurait protéger la société à l’idée que se font des juges.

Pour élucider cette question sur la pénalité, que cet article revient sur les récits des quelques auteurs recensés en se posant la question principale de savoir « Quel est l’effet de l’emprisonnement sur la personne du délinquant eu égard au processus de réinsertion sociale » ? Est-ce celle-ci permet au délinquant, notamment à s’améliorer, ou à s’amender...

C’est ainsi que cet article aborde cette question avec une méthode herméneutique dans le sens de donner une interprétation des récits des auteurs de doctrine de la pensée pénale moderne. L’objectif étant de tirer une pensée assez pratique et d’éclaircir les théories obscures ou ambiguës de l’expression pénale.

Il est vrai que ceci exige avant tout une approche documentaire qui nous permettra de cerner les récits des auteurs qui ont discuté sur la thématique sous examen.

II. Discussion de la pénalité.

Michel Foucault (1970) dans « surveiller et punir », donne la notion du carcéral en renvoyant à la thèse d’une société disciplinaire où la prison est confondue aux villes carcérales, d’où punir se confond avec soigner, éduquer, connaître etc..

L’auteur remarque que le châtiment évolue dans des nouvelles manières de repenser le corps des délinquants. C’est-à-dire que les peines infligées deviennent un scandale punitif pour marquer la puissance royale et pour impressionner la foule. Cette manière de faire ne serait autre qu’un moyen de rependre l’aurore du crime déjà commis.

Il rajoute en démontrant que le 19ème Siècle a vu un projet de réforme pénale qui tendait à réfléchir sur de nouvelles manières de punir. Ce projet part du constat selon lequel durant l’ancien régime, il existait des illégalismes. C’est-à-dire des pratiques punitives qui étaient or la loi, mais, de plus en plus tolérées.

Michel Foucault cherche à comprendre pourquoi la prison est devenue le modèle privilégié de punition, le modèle coercitif corporel, solitaire, secret ; aussi, il veut savoir pourquoi le pouvoir de punir s’est substitué au modèle représentatif, scénique signifiant public, collectif, etc.

Dans son questionnement, il trouve que la prison symbolise mieux la société disciplinaire, dans le sens ou les méthodes utilisées pour réprimer sont assez fortes, car elles donnent l’image d’une société ou la répression représente le châtiment public avec des scènes à la limite théâtrale. Il reprend la thématique des inégalismes en montrant que la prison est productrice d’un nouveau type de délinquance et de récidive.

Il est à retenir que Foucault a été joint par quelques philosophes à une plus grande contextualisation comme approche compréhensive de la notion de la justice. Cela a fait dire à d’autres penseurs comme Lerner que la norme de la justice varie avec la structure des interactions dans lesquelles sont prises les personnes. Il montre que six dimensions normatives de la justice se construisent selon le degré de proximité des acteurs et de la personnalisation des relations. L’existence de la justice prend des formes variables selon les contextes. Et que la justice pénale relève des approches différentes et différenciées.

Jacques Faget (2007:149) pour sa part disait dans son ouvrage portant sur la sociologie de la délinquance que :

« toutes les représentations de la sanction sont envahies par l’image de la prison. Si bien que les justiciables, condamnés y compris, ont l’impression que toute autre sanction exprimerait l’indulgence, voire pour certains, le laxisme du tribunal. Rien d’étonnant dès lors que la prison mobilise l’essentiel des efforts des chercheurs eux-mêmes fascinés par ce monde invisible ».

Pour Faget, l’emprisonnement est l’impératif d’une société sécuritaire au point où il était impensable de réprimer autrement. Dans cette société moderne sécuritaire, l’auteur dit qu’elle était caractérisée par des peines coriaces dans la manière d’administrer la justice. Les juridictions pénales sont appelées à s’y conformer à peine de laxisme.

Annie Kensey dans « prison et récidive » (2007), elle analyse les composantes de l’inflation carcérale en France tout en mettant en évidence le problème de l’allongement des peines. Son questionnement sur : « comment la croissance des inégalités a-t-elle pu être possible ? ». Elle trouve réponse à son questionnement dans les travaux de recherche de Pierre V. Tournier en 1981. Les travaux de recherche de Pierre Tournier montrent que l’inflation carcérale est due essentiellement à l’allongement de la durée moyenne de détention par la forte augmentation du nombre de condamnés pour des faits graves.

Ainsi, pour approfondir sa recherche, Kensey va répondre à sa préoccupation en analysant la conjugaison des 3 phénomènes qui sont à la base de l’allongement de la peine, en l’occurrence :
- Primo, les peines prononcées par les tribunaux sont plus lourdes, quel que soit le fait ou le nombre d’infractions que les magistrats ont à juger ;
- Secundo, les peines sont d’une grande sévérité de la part des juridictions de jugement et enfin,
- Tercio une diminution des mesures individualisées d’aménagement des peines.

Exemple : La libération conditionnelle au profit de plusieurs ou des politiques régulières de commutations de peines.

L’auteure se représente les peines par l’indice de l’image de la nature des sanctions et de leur durée. L’auteure constate que la question de l’allongement des peines ne fait pas l’objet d’une réelle réflexion chez les politiques. Le seul discours affiché dans ce domaine est celui qui est tenu pour promouvoir une politique réprimant certains comportements, ce qui est une manière pour eux de satisfaire une partie de l’opinion publique.

Elle renforce ces idées en disant que les condamnations prononcées pour sanctionner les crimes, les conditions dans lesquelles les peines s’exécutent, ces deux domaines restent, à l’inverse, un sujet largement méconnu. Il ne s’agit plus de s’interroger sur les différentes peines, la justice ou son efficacité, tant au plan individuel que collectif, mais plutôt, il s’agit de l’image que les politiques renvoient à ceux qui embraseraient la carrière criminelle.

L’auteure trouve que la pénalité est vue sous l’angle d’une réponse à donner aux inquiétudes multiformes. La durée de la détention et leur évolution deviennent des données de fait, naturalisées par la nécessité, non questionnables et non questionnées dans le débat contemporain.

Annie conclu en citant la thèse de D. Salas selon laquelle l’évolution répressive de la société se manifesterait sous la bannière d’un « populisme pénal » qui exprimerait autant une « pathologie de la punition » qu’une « pathologie de la représentation » qui devient une expression destinée à exprimer le déséquilibre actuel de la justice pénale dont l’auteur déplore l’obsession sécuritaire qui prend du terrain sur la philosophie pénale construite sur un équilibre entre tendance à la répression (faits graves) et tendance à la clémence.

Dan Kaminski, dans « condamner » (2015), il reconsidère les différentes modalités de règlement des conflits et leurs relations. Il estime que la loi pénale quand bien même elle définit un comportement comme pénalement sanctionnable que celui-ci le serait nécessairement traité selon les modalités et les procédures de règlement des conflits que le droit pénal privilégie.

L’auteur reconsidère l’idée de règlement de conflits pénaux par une procédure qui doit d’abord être insérée dans une représentation décloisonnée de l’ensemble des modes de règlement des conflits. C’est ainsi que, la pratique d’application de la loi pénale, sera restitué dans un contexte extra pénal. Par conséquent, les conflits pénalisables ne les seront pas nécessairement pénaux dans toutes leurs dimensions.

Ce qui veut dire que le travail du juge sera présenté comme celui d’ajustement de la loi aux actes qui lui sont soumis.

Il renchérit en donnant dans son analyse trois expressions des fonctions classiques de la peine. Il constate que les peines ont pour fonction :
1. Envoyer un signal : celui-ci est comme un signal qui a une fonction pédagogique pour signifier la mise en garde à toute personne désireuse à embrasser une carrière criminelle ;
2. Marquer un coup d’arrêt : Ceci signifie que la fonction de la peine vient arrêter l’activité délinquante dès lors que le délinquant donne du sens à son enfermement ;
3. Mettre fin à une attente : Une fixions des politiques qui pense que la fonction de la peine serait d’éradiquer la criminalité, ce qui est totalement réfuté par les criminologues et voir même quelques pénalistes.

Cet auteur ajoute que le sens d’« exclure la violence » de l’acte délinquant, exclut d’office la justification retributiviste que la recherche en sentencing met pourtant en lumière au stade judiciaire du prononcé des peines.

Enfin, l’auteur favorise une représentation confiante dans l’efficacité étendue de la condamnation ou de clôture susceptible de produire par surcroit un effet éventuel.

René Levy et Hart Wigzander, « Histoire et théorie critique du régime pénal » (1994) présentent la dialectique de la raison qui est l’extrait d’une théorie du criminel, se lisant comme une pure constatation de fait qui prive la raison du droit et le rationalisme du pouvoir de conférer un sens à l’emprisonnement.

Les auteurs renchérissent que la tentative de vouloir rendre intelligible, le rapport entre régimes punitifs et la réalité sociale, est, désormais, tombée en désuétude. Que l’impuissance du rationalisme à prévoir la seule possibilité « que la peine de prison pouvait perdre ses effets dissuasifs » est un désespoir dans le sens où la peine lance un message fort en elle-même.

Ces auteurs ont tracé dans leur ouvrage des délimitations que le texte nous propose, en délimitant lexicalement et en écartant l’emploi de certains mots, question de savoir si elle (la peine) est destinée à venger l’acte, dissuader ou amender le criminel, protéger la société ou remplir quelques autres fonctions.

Les auteurs observent que le texte se refuse de donner un statut positif à des mots comme « venger », « dissuader », « amender » ou « protéger ». Il met leur emploi entre les parenthèses. Il ne se prononce pas sur leur validité terminologique.

Cela est d’autant plus remarquable quand on sait que ces mots occupent une place privilégiée dans pratiquement tous les écrits sur les régimes punitifs et en attribuent la fonction donnée par le sens ou le discours punitif.

L’étude du crime et de sa répression constituent un domaine fructueux pour la recherche sociale. Il est certain que la criminologie a produit des connaissances précieuses sur les causes individuelles et sociales des crimes et sur les fonctions psychologiques de la peine.

Par ailleurs, le régime des peines doit être conçu dans une perspective de se faire pincer et punir. Ce discours punitif est employé le plus souvent dans un contexte de la politique criminelle ou pénale qui signifie, parler en des termes négatifs, décourager les personnes qui ont tendance à devenir criminelles ou encore se détourner efficacement du crime ses couches sociales.

III. Analyse.

Pour comprendre la justice pénale, il faut arriver à trouver le sens même du mot « peine ». Dans la pensée occidentale, quatre discours se sont articulés pour faire comprendre la notion de la peine et de la justice pénale.

III.1. Le discours sacré ou moral.

Il s’accroche à l’idée d’interdit ou de norme universelle transgressée : à travers ce discours, punir veut dire « faire le rappel à la loi ». Le punissable apparaît comme un traître, un maudit, ou encore un législateur de sa propre souffrance.

III.2. Le discours politico-économique.

Il prétend se régler sur les intérêts imminents d’une communauté menacée : à travers ce discours, punir c’est défendre la société. Le punissable prend les figures changeantes du monstre malade, de l’ennemi, du petit despote, du tricheur et du mauvais calculateur.

III.3. Le discours psycho-pédagogique.

Par ce discours, l’on veut obtenir par la peine, la transformation du condamné : à travers ce discours, punir c’est éduquer un individu. C’est un processus de régénération et de culpabilisation, de conditionnement et d’amendement. Le punissable sera donné à penser comme un individu éducable, bref enseignable.

III.4. Le discours juridico-éthique.

Ce discours tente de remonter la pente éthique de la vengeance pour penser une justice relationnelle : à travers ce discours, punir c’est transformer la souffrance en malheur.

Le crime est une définition sociale, et donc le crime est défini par l’homme, une liste des comportements qui évolue, qui change à travers le temps et à travers, l’espace, selon les comportements incriminés.

Conclusion.

En guise de conclusion de cette dissertation qui a examiné la pensée de la pénalité moderne. Nous nous sommes posés la question principale qui est celle de savoir : « quel est l’effet de l’emprisonnement sur la personne du délinquant eu égard au processus de resocialisation » ?

L’objectif étant d’examiner les récits d’auteurs, sur la question sous examen, pour arriver à conclure sur les effets de l’emprisonnement lorsque le délinquant parvenait à s’améliorer ou à s’amender.

Dans nos analyses, nous avons eu une perspective critique vis-à-vis des données de partisans qui se représentent la peine comme un châtiment dans une société disciplinaire. La peine devient un instrument qui répond à un besoin qui est celui d’apaiser l’opinion publique et de porter un message fort à ceux qui auraient ce désir d’embrasser une carrière criminelle, ceci apporte une intimidation à la société.

Il a été constaté, dans les récits des quelques auteurs recensés, dans cette recherche, que, le criminel est quelqu’un qui a fait des choses assez graves et que sa réinsertion n’est plus possible. Cette thèse a véhiculé la pensée contemporaine au point de diaboliser le criminel en l’animalisant.

C’est pourquoi, la peine de prison a été présentée de manière à ne pas protéger définitivement la société, d’où elle ne serait pas meilleure parce qu’elle l’offre à la récidive.

Par ailleurs, il y a lieu, ici, de signaler qu’une évolution a été observée en matière de pénalité ; on a quitté la vengeance qui est la forme d’une justice portée par la passion et la colère pour la notion de la réparation du préjudice subi.

Cependant, les peines ont d’autres finalités, pas seulement la vengeance sociale, de l’abandon à la justice, mais aussi celle de la miséricorde qui est une notion religieuse.

On pourrait, donc, parler de l’humanisme dans le contexte scientifique.

La peine qui protège la société doit être motivée par un aspect d’abord, humanisant et promouvant le respect des droits de l’homme. Elle doit, ensuite, être celle qui affirme que tout homme peut être réinséré. Et en fin, la peine devait avoir l’image d’une peine réparatrice du mal infligé à la société par le condamné.

Bibliographie.

1. Foucault Michel,(1975), surveiller et punir : la naissance de prison, Paris, Gallimand.
2. Jacques Faget, Sociologie de la délinquance et de la justice pénale, Paris, Editions Erès, 2007.
3. Kaminski Dan (2015), condamné : une analyse des pratiques pénales, Toulouse, édition érès.
4. Kensey Annie, (2007), Prison et récidive, des peines de plus en plus longues : la société est-elle vraiment mieux protégée ?, éd. Armand Colin, Paris.
5. René Levy et Hart Wigzander, « Histoire et théorie critique du régime pénal » (1994).

Nancy MAMBA KILEMBE, Juriste.
Assistante à la faculté de Droit de l’Université de Lubumbashi en République Démocratique du Congo

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