Introduction.
Le contrat peut être défini comme un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. La liberté de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son contractant et de déterminer la forme et le contenu du contrat est la règle, dans les limites fixées par la loi. Par conséquent, les clauses contractuelles sont en principe librement déterminer par les parties. Lorsque le contrat est conclu entre deux parties, il est parfois nécessaire d’inclure des clauses relatives à la responsabilité en cas de manquement aux engagements contractuels.
Il existe diverses formes de clauses limitatives de responsabilité, qui peuvent être classées en deux catégories. D’une part, il y a des clauses qui limitent ou excluent la responsabilité, soit en précisant les cas où la responsabilité sera admise ou non, soit en restreignant l’exercice de l’action en responsabilité en fixant un délai réduit pour agir. D’autre part, il y a des clauses qui ne visent qu’à limiter le montant de la réparation due en cas de responsabilité avérée. Dans ce cas, le quantum de la réparation peut être préalablement déterminé par la fixation d’un plafond de dommages-intérêts ou par la définition d’une prestation en nature à fournir par le responsable au profit de la victime. Les clauses limitatives de responsabilité peuvent être désignées sous plusieurs noms, tels que clause limitative ou atténuante de responsabilité, clause exclusive ou exonératoire de responsabilité, clause d’irresponsabilité, clause limitative de réparation ou clause limitative de dommages-intérêts.
On ne peut pas déroger à un texte impératif, d’ordre public. Une disposition supplétive peut en revanche être écartée par une stipulation contraire. Les règles relatives à la responsabilité civile dans le COCC sont donc de nature dualiste. En effet, tout n’est pas d’ordre public en matière contractuelle, les conventions relatives à la responsabilité y sont valides sous certaines limites. Par contre, tout est impératif, en revanche, en matière extracontractuelle : les clauses élisives ou limitatives de responsabilité y sont nulles. Il est traditionnellement établi que les règles de responsabilité quasi délictuelle sont d’ordre public. Ce qui signifie que leur application ne peut pas être empêchée par une convention préalable entre l’auteur et la victime. Cette règle est consacrée par l’article 152, alinéa 1 du code des obligations civiles et commerciales (COCC). Bien que rares, il existe des situations où les parties peuvent convenir d’un accord sans être liées par un contrat, comme dans les cas de troubles de voisinage entre voisins.
Cependant, la nature d’ordre public de cette règle est critiquable car ce qui est considéré comme d’ordre public est le principe de la responsabilité, et non celui de la réparation intégrale. D’ailleurs, une fois le dommage commis, la victime peut transiger sur ce point (Jean Pierre Tosi, Le Droit des obligations au Sénégal, Bibliothèque africaine et malgache, 1981, p. 287). Ainsi, les clauses limitatives de responsabilité sont généralement jugées valables. Toutefois, il existe des exceptions à ce principe. Certains contrats interdisent ces clauses, et en cas de non-respect d’une obligation essentielle du contrat, la clause limitative de responsabilité peut être considérée comme nulle.
Cet article se propose d’examiner les clauses relatives aux conditions de la responsabilité contractuelle (I) ainsi que celles relatives au montant de la réparation (II).
Dans la première partie, nous étudierons la nullité des clauses exclusives de responsabilité et la validité de principe des clauses limitatives de responsabilité. Dans la seconde partie, nous aborderons la clause limitative de réparation ainsi que la clause pénale, en distinguant les cas où la peine est supérieure ou inférieure au dommage subi.
Cette analyse permettra de mieux comprendre les enjeux juridiques liés aux clauses contractuelles en matière de responsabilité.
I. Les clauses relatives aux conditions de la responsabilité.
Les clauses limitatives de responsabilité peuvent avoir deux effets opposés sur la responsabilité du débiteur contractuel. D’un côté, elles peuvent aggraver sa responsabilité, ce qui signifie qu’il sera plus souvent tenu responsable que selon le droit commun, qui vise à protéger les victimes. Ces clauses sont généralement valables, comme le montrent les exemples tels que le débiteur prenant à sa charge les cas fortuits et de force majeure (article 132 du COCC), ou le débiteur d’une obligation contractuelle de moyens acceptant que sa faute soit présumée en cas d’inexécution. D’un autre côté, les clauses limitatives de responsabilité sont plus couramment utilisées pour rendre plus difficile la mise en cause de la responsabilité du débiteur. Les contractants cherchent soit à éviter toute responsabilité (A), soit à la limiter (B).
A. La nullité des clauses exclusives de responsabilité.
Une clause de non-responsabilité, également appelée clause élisive ou exonératoire de responsabilité, est une clause contractuelle qui stipule qu’une obligation découlant d’un contrat ne peut pas entraîner la condamnation du débiteur à des dommages-intérêts. Toutefois, ces clauses sont considérées comme illicites si elles ont pour effet de faire disparaître complètement la responsabilité du débiteur (article 151, alinéa 1er du COCC). Cependant, une exception est prévue pour les contrats d’adhésion afin de moraliser les contrats, de lutter contre les abus de la liberté contractuelle et d’encourager le débiteur à éviter toute négligence (Jean Pierre Tosi, op. cit. p. 282). Il convient de noter que le débiteur peut souscrire une assurance pour couvrir les conséquences de sa négligence, à condition qu’elle ne soit pas intentionnelle ou dolosive (article 683 du COCC).
Les clauses de non-responsabilité sont nulles dans les contrats d’entreprise. C’est ce qui ressort de l’article 452 du COCC aux termes duquel sont nulles les clauses par lesquelles les architectes ou entrepreneurs écarteraient leur responsabilité. L’article 647 du COCC va dans le même sens en disposant que sont nulles les clauses qui supprimeraient la responsabilité du transporteur pour les dommages causés à la personne du voyageur. Ainsi, le contrat de transport terrestre ne peut contenir de clauses élisives de responsabilité.
En matière de contrat de bail à usage d’habitation, l’article 582 du COCC dispose que la convention des parties ne peut, même partiellement exonérer le bailleur des obligations énumérées par les articles 547 à 552, toute clause contraire étant réputée non écrite. Les obligations auxquelles fait allusion cette disposition sont : l’obligation de délivrance, l’obligation d’assurer l’entretien du logement, l’obligation de garantir la jouissance paisible du logement et l’obligation de garantie contre les vices de la chose.
À l’instar du COCC, de nombreux textes légaux prohibent la stipulation de clauses exonératoires de responsabilité.
Il est à noter que la loi n° 2021-25 sur les prix et la protection du consommateur encadre de manière spécifique les clauses exonératoires de responsabilité dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs. En effet, selon l’article 18 de cette loi, sous réserve de l’application de lois spéciales et/ou de l’appréciation des juridictions compétentes, et de façon indicative et non exhaustive, peuvent être considérées comme abusives, si elles satisfont aux conditions prévues par l’article 15 (Les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ne doivent pas comporter de clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Ces dispositions sont applicables, quels que soient la forme et le support du contrat. Il en est ainsi, notamment, des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets contenant des stipulations négociées librement ou non ou de références à des conditions générales préétablies.) de la présente loi, les clauses ayant pour objet ou pour effet d’exclure la responsabilité légale du fournisseur en cas de dommages graves causés au consommateur, résultant d’un acte ou d’une omission du fournisseur.
En matière de contrat de travail, la faillite et la liquidation judiciaire ne sont pas considérées comme des cas de force majeure. Par conséquent, les parties ne peuvent renoncer à l’avance au droit éventuel de demander des dommages-intérêts en cas de licenciement pour faillite ou liquidation judiciaire (article L66 du Code du travail).
B. La validité de principe des clauses limitatives de responsabilité.
Le terme « clause limitative » peut prêter à confusion, car il peut à la fois faire référence aux clauses qui limitent le montant de la réparation et à celles qui limitent la responsabilité elle-même. Dans cette partie, seul le deuxième type de clause sera évoqué.
L’article 151 ne concerne que les clauses qui permettent à une partie de limiter l’étendue ou la nature des obligations qu’elle a acceptées dans le contrat.
Lorsque la réglementation d’un contrat est uniquement supplétive, les parties ont la liberté de déterminer le contenu du contrat, y compris en limitant leur responsabilité. Par exemple, le débiteur peut stipuler qu’il n’est tenu qu’à une obligation de moyens, plutôt qu’à une obligation de résultat ; ou encore qu’un événement déterminé, tel qu’une grève, est considéré comme un cas de force majeure en vertu de l’article 132 du COCC [1].
En général, la réparation du manque à gagner ou du préjudice réduit de l’inexécution du contrat est souvent exclue, car le créancier n’a pas été en mesure de réaliser des gains. Cette exclusion est souvent requise par le débiteur car il est difficile de quantifier le manque à gagner. Par exemple, si une machine vendue ne fonctionne pas correctement, le vendeur ne sera pas tenu responsable des dommages résultants du manque à gagner.
Il arrive parfois que la réparation des dommages causés par la non-exécution d’une obligation spécifique du contrat soit exclue. Par exemple, un bailleur de matériel industriel peut stipuler qu’il ne sera pas responsable des dommages résultant d’une panne de l’équipement loué.
Les clauses limitatives sont valables en application du principe de la liberté contractuelle sous deux limites de principe :
L’obligation éludée ne doit pas être d’ordre public ;
La délimitation des obligations assumées ne doit pas être si limitée qu’elle dénature l’essence du contrat (Jean Pierre Tosi, op. cit., p. 283).
Certains textes établissent des limites particulières en matière de contrats spéciaux, notamment l’article 151 qui y fait référence. En ce qui concerne les contrats d’entreprise, sont nulles les clauses par lesquelles les architectes ou entrepreneurs limiteraient leur responsabilité, ou encore réduiraient le temps pendant lequel elle peut être mise en jeu (article 452 du COCC).
L’article 152, alinéa 2, établit deux limites générales. En effet, le débiteur ne peut s’exonérer de la responsabilité d’un dommage causé à la personne. Ainsi, sont nulles les clauses qui limiteraient la responsabilité du transporteur pour les dommages causés à la personne du voyageur (article 647 du COCC). En outre, le débiteur ne peut pas s’exonérer des conséquences de son dol ou de sa faute lourde, ni de ceux de ses préposés.
II. Les clauses relatives au montant de la réparation.
Il convient de préciser que la question ne concerne pas les accords conclus à l’amiable après la survenance d’un dommage, qui sont parfaitement libres. La question porte sur la possibilité, et les conditions éventuelles, pour les parties de fixer conventionnellement le montant des dommages et intérêts avant la survenance du dommage. En principe, il est possible de le faire de deux manières : soit en déterminant une somme maximale que la réparation ne pourra pas dépasser, soit en fixant une somme forfaitaire à laquelle la victime aura automatiquement droit. Dans le premier cas, on parle de clause limitative de la réparation (A), et dans le second cas, on parle de clause pénale (B).
A. La clause limitative de réparation.
La clause limitative de réparation est également connue sous le nom de clause de plafonnement de responsabilité. Elle constitue un plafond de responsabilité au-delà du débiteur de l’obligation mal exécuté n’est plus tenu de verser une indemnisation. Par exemple, dans le cas d’une mauvaise exécution d’un contrat par un constructeur de bâtiments, l’étendue de sa responsabilité ne pourra dépasser une somme supérieure à 15 % du prix du contrat.
C’est une clause qui permet de réduire les risques qu’on peut courir quand on conclut un contrat.
L’article 151, alinéa 2 dispose que les parties peuvent limiter l’étendue de la réparation du préjudice prévu lors de la conclusion du contrat à condition de ne pas faire disparaître totalement leur responsabilité. L’article 663 du COCC va dans le même sens en disposant que seule la clause limitant l’étendue de la préparation du préjudice et la clause pénale sont valables, à la condition toutefois qu’elles n’équivalent pas à une irresponsabilité de fait.
Dans ce contexte, les parties conviennent d’un maximum d’indemnisation au lieu d’une somme compensatoire fixe, ce qui est appelé un "plafond" d’indemnité. Si le montant du dommage subi par le créancier est inférieur à ce plafond, il ne recevra que le montant correspondant à son dommage réel. Cependant, si le montant de son dommage dépasse le plafond convenu, il ne pourra pas obtenir une indemnisation supérieure à ce plafond, et devra donc se contenter de l’indemnité maximale prévue par l’accord.
Afin que les clauses limitatives de réparation soient valides, certaines conditions doivent être respectées. Tout d’abord, il ne doit pas y avoir de limitation légale pour le montant de la réparation. Si tel est le cas, il est possible de l’augmenter conventionnellement, mais il n’est pas possible de la réduire. Ensuite, le plafond fixé ne doit pas être insignifiant, car cela aurait pour conséquence de rendre la responsabilité totalement nulle, ce qui est interdit par l’article 151 du COCC. Enfin, la clause ne doit pas permettre une exonération partielle du débiteur de la réparation d’un dommage causé à une personne, ou des conséquences d’un dol, d’une faute lourde ou intentionnelle commise par lui-même ou ses préposés, comme le prévoit l’article 152 du COCC.
B. La clause pénale.
Les contractants peuvent, par une clause pénale écrite s’engager à payer une somme déterminée dans le cas d’inexécution totale, partielle, tardive ou défectueuse (art. 153, alinéa 1 du COCC).
La clause pénale simplifie considérablement les procédures légales liées à l’inexécution d’une obligation. Une fois que la victime a informé le débiteur de son obligation de remplir ses engagements, elle n’a plus besoin de fournir aucune autre preuve que celle de l’inexécution de l’obligation (conformément à l’article 154, alinéa 2). Il n’est plus nécessaire d’entamer une procédure judiciaire, car le droit à une indemnité est automatiquement acquis. Le montant de l’indemnité est déjà fixé à l’avance, et sera versé même si le préjudice subi est inférieur au montant fixé, ou si la victime ne peut pas prouver l’existence d’un préjudice.
La fixation d’une peine forfaitaire conventionnelle a plusieurs fonctions qui dépendent de son montant par rapport au dommage subi. Si la peine est supérieure au dommage, elle encourage l’exécution, tandis que si elle est inférieure, elle sert de sanction en cas de non-exécution. En somme, la clause pénale a une fonction principale d’incitation à l’exécution et une fonction secondaire de sanction en cas de non-exécution.
Si, en dépit de la menace, il y a inexécution totale, partielle, tardive ou défectueuse) de son obligation par le débiteur, celui-ci va devoir payer la peine stipulée. L’indemnisation forfaitaire, alors a un caractère compensatoire jusqu’à concurrence du dommage réel (une fonction indemnitaire), le caractère d’une peine privée au-delà (une fonction sanctionnatrice).
Si la pénalité est élevée, le débiteur serait mieux inspiré d’honorer ses obligations plutôt que de payer la pénalité. La sanction est considérée comme une menace et est utilisée pour contraindre le débiteur à exécuter ses obligations plutôt que de simplement payer une indemnité. La sanction est utilisée pour surmonter la résistance des débiteurs de mauvaise foi.
La clause pénale est efficace pour le créancier car elle est considérée comme une loi par le juge et les parties. Cependant, parfois son montant peut être excessif. Bien que l’excès soit une condition nécessaire pour que la clause soit efficace, cela peut poser problème si le débiteur est insolvable mais de bonne foi. Dans ce cas, la pression exercée par la clause n’aura plus d’effet et la sanction peut sembler inappropriée ou excessive, ce qui peut favoriser le créancier sans que le débiteur ne soit responsable. Ces circonstances ont été appelées la « crise de la clause pénale » en droit français. Par exemple, un débiteur d’un contrat de crédit-bail insolvable pourrait être tenu de restituer le bien et de payer le montant total des loyers restant à courir.
La sévérité de la peine peut être justifiée pour contrer un débiteur malhonnête, mais elle est contestable en ce qui concerne un débiteur de bonne foi. La jurisprudence française a tenté de réduire le montant de la compensation prévue en utilisant divers moyens tels que l’usure, l’absence de cause, la cause illicite, la lésion, l’enrichissement sans cause, l’abus de droit ou la fraude à la loi. Cependant, elle ne pouvait pas altérer les clauses claires et précises sans les dénaturer. Pour pallier cet obstacle, une modification du Code civil français a été opérée [2].
L’article 154 énonce clairement que le juge sénégalais doit respecter le principe de la force obligatoire du contrat, mais il établit également une seule exception de portée limitée. Selon cette exception, en cas d’inexécution simplement partielle, le juge peut diminuer la peine à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier mais « sauf stipulation contraire des parties » (article 154, alinéa 3).
En pratique, cette disposition est de nature purement formelle, et le système instauré est donc celui de la liberté totale sans contrôle judiciaire.
Toutefois, son application est limitée par la législation, qui a interdit toute clause pénale dans deux types de contrats où son utilité et ses risques d’abus pourraient être les plus importants : le contrat de vente à tempérament [3] et le contrat de location-vente [4].
La clause pénale joue le même rôle qu’une clause limitative du montant de la réparation. L’article 155 impose donc, de façon logique, le respect des mêmes conditions que celles prévues par l’article 152 pour ce type de clauses. En effet, lorsque la clause pénale a pour résultat de limiter la responsabilité encourue, il n’en sera pas tenu compte si l’inexécution de l’obligation est due au dol ou à la faute lourde du débiteur, ou encore si le dommage a été causé à l’intégrité de la personne.
La seule sanction prévue est l’inefficacité de la clause : le contrat qui la contient lui, reste valable.
Dans tous les cas, il faut noter, pour conclure, deux choses : il est important de souligner que le paiement de la pénalité ne peut pas être combiné avec l’accomplissement de l’obligation. En effet, par le biais d’une clause pénale, les parties s’engagent à payer une somme déterminée dans le cas d’inexécution totale, partielle, tardive ou défectueuse (article 153 du COCC).
Par ailleurs, lorsque l’obligation assortie d’une clause pénale est indivisible ou solidaire, la clause pénale est elle-même indivisible ou solidaire (article 156 du COCC).