Location meublée sur une plateforme numérique : quelles règles fiscales sont à respecter ?

Par Daniel Pérot, Notaire Assistant.

2758 lectures 1re Parution: Modifié: 4.08  /5

Explorer : # location meublée # fiscalité # plateformes numériques # régime micro-bic

L’évêque Myriel est un personnage important du roman Les Misérables de Victor Hugo, écrit en 1862. Il représente l’exemple du chrétien qui fait le bien, qui est gentil et qui pardonne, contrairement à la société du XIXe siècle. Son portrait, qui est au début du livre, montre le sujet principal de l’histoire : comment l’amour peut changer une personne. En effet, c’est grâce à lui que Jean Valjean, un ancien prisonnier qu’il reçoit chez lui et qu’il protège de la police, va changer de vie et devenir meilleur.
Mais il y a aussi des gens qui louent leur maison ou leur appartement sur Internet.
C’est une autre façon d’accueillir des gens, mais ce n’est pas gratuit. Au contraire, c’est pour gagner de l’argent.

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Louer son bien permet de profiter de son bien immobilier, de ne pas le laisser vide, de compléter son salaire, etc. Il existe des sites en ligne qui aident les gens à louer leur bien (Airbnb, etc.). Ils offrent des options très intéressantes à leurs utilisateurs pour louer leur bien. Le Code du tourisme donne une définition des intermédiaires :

« I.-Toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération ou à titre gratuit, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plateforme numérique, à la mise en location d’un meublé de tourisme… » [1].

Airbnb est un exemple de réussite dans ce domaine. Le site a été créé en 2008 par deux personnes qui voulaient louer leur appartement facilement et rapidement. Le site compte plus de 6 millions d’annonces dans 220 pays et 150 millions d’utilisateurs dans le monde.

En décembre 2020, la société est entrée en bourse. Airbnb propose aujourd’hui des logements chez les habitants, mais aussi des voyages et des activités.

Sur un plan juridique et d’après le Code du tourisme, les « meublés de tourisme », qui regroupent cette activité, sont « des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois » [2].

La distinction est mince avec la location saisonnière. De plus, cette définition du meublé de tourisme ne semble pas inclure la location d’une chambre chez l’habitant.

Au-delà de la définition juridique, les sites de location en ligne ne plaisent pas à tout le monde et posent des questions.

Par exemple, ils font concurrence aux hôtels, aux gîtes et aux chambres d’hôtes. En effet, les sites en ligne ont permis aux gens de louer entre eux plus facilement.

Aussi, les sites en ligne ont beaucoup de publicité. Les sites permettent aux gens de trouver rapidement un logement pour une nuit, un weekend, pendant les vacances.

En revanche, les structures traditionnelles ont d’autres qualités comme la proximité locale, les services en plus, le professionnalisme, etc. L’Etat cherche à contrôler ces sites en ligne.

Par exemple, il y a une règle qui vient limiter la location de sa résidence principale à 120 jours par an.

Il y a aussi la question des impôts qui est importante. Surtout que des changements peuvent intervenir avec le projet de loi de finance 2024. Il faudra donc faire attention à ce point et notamment à la question de la plus-values.

Aussi, en cas de location d’une maison ou d’un appartement sur Internet, nous pouvons nous demander quels sont les impôts qu’il faut payer.

Il faut savoir que la réponse à cette question n’est pas simple et qu’elle ne remplace pas l’avis d’un avocat ou d’un autre professionnel du droit. Chaque situation est particulière et nécessite une étude approfondie par un spécialiste.

Il y a effectivement une règle fiscale générale, qui s’applique aux revenus gagnés en louant un bien sur un site en ligne (I). C’est la règle de base. Ensuite, il faut voir le statut du loueur en fonction de s’il est un professionnel ou non (II).

I - La règle fiscale générale pour les revenus tirés de la location en ligne.

La location d’un meublé de tourisme repose en premier lieu sur un régime fiscal à choisir entre le régime réel et le régime « micro-bic » (A). Ensuite, les revenus sont imposables au barème progressif de l‘impôt sur le revenu, dans la catégories des bénéfices industriels et commerciaux (B).

A- Le choix entre le régime micro-BIC et le régime réel.

Les revenus tirés de la location meublée sur Airbnb ou d’autres plateformes en ligne sont considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et doivent être déclarés à l’administration fiscale [3].

Ce sont des revenus qui proviennent d’une activité commerciale, c’est-à-dire la fourniture d’un service à une clientèle, en échange d’une rémunération.

« Les profits provenant de la location en meublé effectuée à titre habituel ou occasionnel et quelle que soit la qualité de celui qui loue -propriétaire ou locataire principal- relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Le fait que le bailleur n’intervienne ni directement, ni indirectement dans l’entretien des meubles et ne pénètre jamais dans les locaux loués ne fait pas obstacle à l’imposition dans cette catégorie » [4].

Le loueur peut opter pour le régime micro-BIC, si ses recettes annuelles ne dépassent pas 77 700 euros en 2023.

Ce régime est plus simple et plus avantageux que le régime réel. Il permet au loueur de bénéficier d’un abattement forfaitaire de 50% sur ses revenus, représentant les frais et charges liés à l’activité. Le revenu net imposable est donc égal à la moitié des recettes brutes. Le loueur n’a pas à justifier ses dépenses ni à tenir une comptabilité détaillée. Il faut reporter le total des recettes sur la déclaration complémentaire d’impôt sur le revenu « professions non salariées » n° 2042 C-Pro à la case 5ND [5].

Le loueur peut également opter pour le régime réel si ses recettes annuelles dépassent le seuil du micro-BIC ou s’il y a un intérêt à le faire. Ce régime est plus complexe et plus contraignant que le régime micro-BIC. Il oblige le loueur à tenir une comptabilité et à déduire ses charges réelles de ses recettes brutes. Le revenu net imposable est donc égal à la différence entre les recettes et les charges. Le loueur peut ainsi déduire des frais comme les intérêts d’emprunt, les travaux, les taxes, les assurances, etc [6].

Ce régime peut être plus intéressant si les charges sont supérieures à 50% des recettes.

Ensuite, les revenus sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

B- Le barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Quelque soit le régime choisi : micro-BIC ou régime réel, le revenu net imposable est soumis à un impôt sur le revenu qui augmente avec le revenu, selon la tranche d’imposition. Le taux d’imposition change de 0% à 45%, en fonction du revenu total du foyer fiscal.

Il faut aussi payer des cotisations sociales sur le revenu net imposable, au taux de 17,2% en 2023. Ces cotisations comprennent la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et d’autres prélèvements sociaux.

Le barème progressif de l’impôt sur le revenu est un système qui fait varier le taux d’imposition en fonction du niveau de revenu du contribuable. Il comporte plusieurs tranches de revenu, qui correspondent chacune à un taux d’imposition différent, qui varie de 0% à 45%.

Pour calculer le montant de l’impôt sur le revenu, il faut suivre les étapes suivantes :

  • Diviser le revenu net imposable par le nombre de parts du quotient familial, qui dépend de la situation et du nombre de personnes dans le foyer fiscal
  • Appliquer le barème progressif de l’impôt sur le revenu au résultat obtenu, en multipliant chaque tranche de revenu par son taux d’imposition
  • Additionner les montants obtenus pour chaque tranche de revenu, pour obtenir le montant de l’impôt brut
  • Multiplier le montant de l’impôt brut par le nombre de parts du quotient familial, pour obtenir le montant de l’impôt net

Par exemple, pour un célibataire sans enfant qui a un revenu net imposable de 32 000€ en 2022, le calcul de l’impôt sur le revenu est le suivant :
Le quotient familial est de 1 part. Le revenu net imposable par part est donc de 32 000€ / 1 = 32 000€.

Le barème progressif de l’impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2022 est le suivant :

Tranche de revenuTaux d’imposition
Jusqu’à 10 777€ 0%
De 10 778€ à 27 478€ 1%
De 27 479€ à 78 570€ 30%
De 78 571€ à 168 994 € 41%
Plus de 168 994€ 45%

Le montant de l’impôt brut par part est donc de :

Tranche de revenu Montant imposable Montant de l’impôt
Jusqu’à 10 777€ 10 777€ 0€
De 10 778€ à 27 478€ 16 700€ 1 837€
De 27 479€ à 78 570€ 4 522€ 1 357€
De 78 571€ à 168 994 € 0€ 0€
Plus de 168 994€ 0€ 0€
Total 32 000€ 3 194€

Le montant de l’impôt net est donc de 3 194€ x 1 = 3 194€.

Enfin, s’agissant des autres taxes :

  • La TVA n’est pas applicable en principe, sauf s’il y a des prestations en plus [7] que la simple mise à disposition du logement
  • Les plateformes en ligne comme Airbnb collectent aussi la taxe de séjour pour la reverser à l’administration fiscale
  • S’agissant de la taxe d’habitation, elle peut rester applicable pour la résidence secondaire
  • La contribution économique territoriale peut être applicable : il faut s’adresser aux services de votre Mairie pour avoir plus d’informations.

Une fois que le socle commun a été vu, il faut s’intéresser au statut de loueur en meublé.

II - Le statut de loueur professionnel ou non professionnel.

La qualification du statut du loueur en meublé a une importance. Il faut distinguer entre le loueur en meublé professionnel (A) et le loueur en meublé non professionnel (B).

A - La qualification de loueur en meublé professionnel (LMP).

Pour être loueur en meublé professionnel, il faut remplir deux conditions :

  • avoir des recettes annuelles de location meublée supérieures à 23 000€
  • et supérieures aux autres revenus d’activité du foyer fiscal [8] [9].

Les recettes de location meublée sont les loyers perçus, avec ou sans charges, pour la mise à disposition d’un logement meublé.

Les autres revenus d’activité sont les traitements, salaires, pensions, rentes, bénéfices industriels et commerciaux (sauf ceux de la location meublée), et revenus des gérants et associés.

Le régime du loueur en meublé professionnel s’applique à l’ensemble des locations meublées du foyer fiscal, qu’elles soient directes ou indirectes (par une société ou un groupement).

Le régime du loueur en meublé professionnel permet de bénéficier d’avantages fiscaux, comme la déduction des charges réelles, l’amortissement du bien, l’exonération des plus-values, ou le régime des déficits.

En effet, les déficits provenant de la location meublée professionnelle sont imputables sur le revenu global sans limitation de montant. Il existe des règles particulières pour les déficits provenant des charges engagées avant le commencement de la location [10].

S’agissant de la déduction des amortissements, il faut tenir compte de la limite posée par l’article 39C du Code général des impôts. Ils sont déductibles dans une certaine limite.

Les plus-values provenant de la cession d’un immeuble affecté à la location meublée sont soumises au régime des plus-values professionnelles si le loueur exerce son activité à titre professionnel, et au régime des plus-values des particuliers si le loueur exerce son activité à titre non professionnel. Ces plus-values peuvent bénéficier de différents régimes d’exonération ou d’abattement selon les cas [11].

Nous reproduisons ici l’exemple donné par le Bofip sur la déduction des déficits.

Exemple : Monsieur V acquiert en N un immeuble en l’état futur d’achèvement. Au titre de cet immeuble, Monsieur V constate un déficit d’un montant de 15 000€ en N et de 30 000€ en N+1, qui n’ont pu faire l’objet d’aucune imputation. L’immeuble est achevé et loué à compter du 1er décembre N+2 et l’activité de location meublée présente un caractère professionnel dès l’année N+2. Le déficit au titre de l’année N+2 s’élève à 25 000€. Il peut s’imputer sur le revenu global dans la mesure où il s’agit d’un déficit provenant d’une activité exercée à titre professionnel. Le déficit de 45 000€ correspondant au déficit non professionnel provenant des charges engagées en vue de la location du bien pourra s’imputer sur le revenu global à hauteur de 15 000€ en N+2. En N+3, Monsieur V perd sa qualité de loueur en meublé professionnel : le reliquat des déficits accumulés avant le commencement de la location peut, le cas échéant, s’imputer sur les bénéfices qu’il réalise cette année-là au titre de son activité de location meublée exercée à titre non professionnel. En N+4, Monsieur V retrouve sa qualité de loueur en meublé professionnel. Il ne peut déduire de son revenu global ou des bénéfices issus de son activité de location meublée les déficits constatés préalablement au commencement de la location.

Après avoir examiné le statut du loueur meublé professionnel, il faut s’intéresser à celui de non professionnel.

B- La qualification de loueur en meublé non professionnel (LMNP) et les autres exceptions.

La location meublée non professionnelle est une activité qui bénéficie d’un régime fiscal avantageux, différent de celui de la location meublée professionnelle. En effet, les revenus tirés de cette activité sont pareillement imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Le loueur en meublé non professionnel a aussi le choix entre deux régimes d’imposition, en plus du régime micro Bic, selon son chiffre d’affaires annuel et le type de location :

  • Le régime des micro-entreprises, qui lui permet de bénéficier d’un abattement forfaitaire pour frais et charges de 71% ou 50% selon le cas (notamment pour les classés de tourisme)
  • Le régime réel d’imposition, qui lui permet de déduire ses charges réelles, notamment les amortissements de l’immeuble et du mobilier. Ce régime est obligatoire si le loueur en meublé non professionnel bénéficie de la réduction d’impôt prévue à l’article 199 sexvicies du CGI pour certains investissements locatifs meublés.

Les déficits provenant de la location meublée non professionnelle ne sont pas imputables sur le revenu global, mais uniquement sur les bénéfices de même nature réalisés au cours des dix années suivantes. Il existe toutefois une exception si le loueur en meublé devient professionnel dès le commencement de la location, auquel cas il peut imputer par tiers sur son revenu global les déficits provenant des charges engagées avant le commencement de la location.

Les plus-values réalisées lors de la cession de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés sont soumises au régime des plus-values des particuliers, sauf si les locaux sont inscrits à l’actif d’une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, auquel cas ils relèvent du régime des plus-values professionnelles.

Rappelons qu’il peut bénéficier d’une exonération totale de plus-values si le bien sort au bout de 30 ans du patrimoine.

Enfin, les loueurs en meublé non professionnels peuvent bénéficier, sous certaines conditions, de deux avantages fiscaux :

  • La réduction d’impôt prévue à l’article 199 sexvicies du CGI pour certains investissements locatifs meublés qui a pris fin au 31 décembre 2022
  • L’exonération de l’impôt sur le revenu si le loueur met en location une partie de son habitation principale à un prix raisonnable (en fonction de la zone géographique) ou si le produit de la location habituelle à des personnes n’y élisant pas domicile n’excède pas 760€ par an.

Enfin, il y aurait plusieurs dispositions concernant la location meublée dans le projet de loi de finances pour 2024 :

  • La fin du seuil spécifique de 71% pour le régime micro-BIC des meublés de tourisme classés. Ces derniers seront alignés sur le seuil de 50% des autres meublés, ce qui réduira leur avantage fiscal
  • La réintégration de l’amortissement déduit au régime réel dans le calcul de la plus-value à la revente des meublés non professionnels. Cela augmentera la fiscalité sur les gains réalisés lors de la cession des biens meublés
  • La création d’un plan d’épargne avenir climat, qui permettra aux propriétaires de meublés de tourisme de bénéficier d’un crédit d’impôt de 30% sur les travaux de rénovation énergétique, à condition de s’engager à louer leur bien en résidence principale pendant au moins six ans.

Daniel Pérot
Notaire assistant

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Notes de l'article:

[1L324-2-1 du Code du tourisme.

[2L324-1-1 du Code du tourisme.

[3Article 35 du Code général des impôts.
Lexis pratique fiscal (5e édition) publié le 19 mars 2020. Un ouvrage collectif publié sous la direction de Florence Deboissy.

[4BOI-BIC-CHAMP-40-20 - BIC - Champ d’application et territorialité - Location en meublé - Régime fiscal | bofip.impots.gouv.fr

[7BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20.

[8Article 155 IV du Code général des impôts.

[9BOI-BIC-CHAMP-40-10 - BIC - Champ d’application et territorialité - Location meublée - Champ d’application et détermination du caractère professionnel de l’activité | bofip.impots.gouv.fr.

[10BOI-BIC-CHAMP-40-20-10-10.

[11BOI-BIC-CHAMP-40-20-10-20 et Art.151 septies et septies B du CG.

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